CHATTERTON de George Sand (ou Alfred de Musset, mais il me plaît de mettre en avant George Sand)

La pièce de théâtre Chatterton d’Alfred de Vigny, s’étant faite descendre en bonne et due forme par les critiques, George Sand prit sa plume pour la défendre.

En réalité, ce poème serait d’Alfred de Musset qui l’aurait dicté à George Sand.

Tant pis pour Musset, cette semaine, j’ai envie de mettre George à l’honneur !

Quand vous aurez prouvé, messieurs du journalisme,
Que Chatterton eut tort de mourir ignoré,
Qu’au Théâtre-Français on l’a défiguré,
Quand vous aurez crié sept fois à l’athéisme,

Sept fois au contresens et sept fois au sophisme,
Vous n’aurez pas prouvé que je n’ai pas pleuré.
Et si mes pleurs ont tort devant le pédantisme,
Savez-vous, moucherons, ce que je vous dirai ?

Je vous dirai :  « Sachez que les larmes humaines
Ressemblent en grandeur aux flots de l’Océan ;
On n’en fait rien de bon en les analysant ;

Quand vous en puiseriez deux tonnes toutes pleines,
En les faisant sécher, vous n’en aurez demain
Qu’un méchant grain de sel dans le creux de la main ».

MOISSONS SANGLANTES : 1933, la famine en Ukraine / La Case du siècle sur France 5

Gareth Jones, ce héros inconnu

Alors non, ce n’est ni un talonneur au rugby (je fais genre mais j’ai regardé sur Wikipédia), ni le leader d’un groupe de rock.

Il est né en 1905 au pays de Galles. Il sort diplômé de l’université de Cambridge avec mention en 1929. Il parle couramment français, allemand et russe. Il enchaîne en devenant, en 1930, le conseiller en politique étrangère de l’ancien premier ministre britannique Lloyd George. Bref, à 25 ans, Gareth a déjà ce qu’on appelle un parcours de compète.

En 1933, il devient journaliste. Intrigué par des rumeurs de famine en Ukraine, il souhaite s’y rendre. Sauf que Staline interdit l’accès au pays (cruel, mais pas con). Il en faut plus pour décourager Gareth.

Commence alors un voyage de plus de 10 000 kilomètres à travers l’Europe, je le cite : « déchirée par les passions nationalistes, les haines de classes et la crise économique mondiale » (ça vous rappelle rien ? 🥶).

Il se rend d’abord à Berlin. Il y décroche son premier scoop : une interview du tout jeune chancelier allemand. Il est, en effet, le premier journaliste étranger à être autorisé à voyager avec Hitler dans son avion privé.

De Berlin, il se rend à Moscou. Il feinte, fait croire qu’il travaille toujours pour Lloyd George et souhaite rendre compte des miracles du communisme. Ça marche ! Il obtient un visa. La situation à Moscou est catastrophique : Gareth y croise des queues interminables aux rares distributions alimentaires, rencontre des paysans qui affluent dans la capitale à la recherche de nourriture. Et toujours « Ici, c’est dramatique, mais en Ukraine c’est pire ».

Il va réussir à s’infiltrer, traverser des villages avec toujours le même spectacle, des cadavres qui jonchent les routes, des enfants au ventre gonflé, des survivants qui attendent la mort et partout l’absence totale de nourriture.

Pourquoi cette famine dans un pays aussi riche en céréales ?

Staline souhaite transformer l’URSS en nation moderne. Pour mener son industrialisation à marche forcée, il a besoin d’argent, de beaucoup d’argent. Et l’argent vient d’où ? Des exportations de céréales.

Il va donc méthodiquement planifier la collecte de céréales partout mais surtout en Ukraine, riche en blé. Les paysans qui résistent sont déportés, ceux qui essaient de cacher une partie de leur récolte sont torturés ou tués. À la famine s’ajoute la terreur. Staline veut broyer et spolier l’Ukraine. Que ce soit une hécatombe, que les survivants mangent de l’herbe, des racines, des charognes ou des cadavres, le petit père du peuple s’en fout… comme de son peuple.

Gareth Jones va alerter le monde

Il fait une conférence de presse à Berlin le 29 mars 1933. D’abord horrifié par ses révélations, l’Occident ne va pas y croire longtemps. En effet, Gareth va être l’objet d’une campagne de diffamation par nombre de journalistes, dont un des plus prestigieux, Walter Duranty, le correspondant du New-York Times à Moscou et détenteur du prestigieux prix Pulitzer. Pour Walter, « Tout est admirable en URSS ». « Oui, les gens ont faim, mais ils n’en meurent pas ». Ben c’est sûr mon gars, si tu passes ton temps à répéter ce que te disent les officiels et à faire la bamboche avec eux tous les soirs à l’hôtel Métropole à Moscou, tout va bien !

Même le ministre français Édouard Herriot, soucieux de voir par lui-même l’état du pays, va se faire balader par les soviétiques dans un village ukrainien débarrassé de ses cadavres et remplis de figurants dodus, habillés de neuf. La visite se passe à merveille, à tel point qu’il dira, de retour en France : « L’Ukraine dont on me parle, c’est la Beauce ». Bon sang, mais que foutaient les renseignements ?!

Suite et fin de Gareth Jones

Ecœuré par ces attaques et devenu indésirable en Russie, Gareth part en Mongolie intérieure pour y couvrir les tensions entre Russes et Japonais. Il y sera assassiné la veille de son trentième anniversaire. Sur demande de Staline ? On ne le sait pas.

C’est le premier (et l’un des rares) journalistes occidentaux à avoir documenté et alerté sur l’Holodomor.

En deux ans, 7 millions de soviétiques dont 4 millions d’ukrainiens mourront de faim, 1,5 millions de Kazhaks et 1,5 millions de Russes. Cette famine est reconnue officiellement comme un génocide par l’Union européenne en 2022.

Le 28 mars prochain, la France se prononcera à son tour. Cette décision semble faire consensus à l’Assemblée nationale…. sauf pour le RN et LFI.

Documentaire disponible ICI jusqu’au 27 juin 2023

IL FAUT SAVOIR de Charles Aznavour

Il faut savoir encore sourire
Quand le meilleur s’est retiré
Et qu’il ne reste que le pire
Dans une vie bête à pleurer

Il faut savoir, coûte que coûte
Garder toute sa dignité
Et malgré ce qu’il nous en coûte
S’en aller sans se retourner

Face au destin qui nous désarme
Et devant le bonheur perdu
Il faut savoir cacher ses larmes
Mais moi, mon cœur, je n’ai pas su

Il faut savoir quitter la table
Lorsque l’amour est desservi
Sans s’accrocher l’air pitoyable
Mais partir sans faire de bruit

Il faut savoir cacher sa peine
Sous le masque de tous les jours
Et retenir les cris de haine
Qui sont les derniers mots d’amour

Il faut savoir rester de glace
Et taire un cœur qui meurt déjà
Il faut savoir garder la face
Mais moi, je t’aime trop

Mais moi, je ne peux pas
Il faut savoir mais moi
Je ne sais pas

J’ai découvert un blog qui file la pêche !

Qui est Justin ?

Pour une fois, je ne vais pas vous parler de moi ni de mon blog mais vous inviter à aller voir la concurrence.

Justin est américain, il vit en Californie et est linguiste et informaticien.

Ça, c’est pour le CV.

Justin aime la France (à ce niveau-là, ce n’est plus de l’amour mais de la rage 😂). Il a profité du confinement pour apprendre notre langue et WOW ! Il parle (en tout cas il écrit) couramment.

On peut donc en déduire que Justin est doué mais ce n’est pas là sa seule qualité.

Justin vous fait découvrir et aimer la France.

En plus d’être doué, il a au moins deux autres qualités et non des moindres : il est incroyablement curieux et joyeux.

Il s’intéresse à tout ce qui est estampillé « français » ; nos régions, notre gastronomie, notre patrimoine, nos musées, nos films (bon sang, il connaît Ludovic et Josepha, si ça c’est pas un signe de curiosité). Il peut nous en remontrer un rayon sur le pays !

Il en a même fait un blog « Un coup de foudre« , car c’est bien un coup de foudre qu’il a eu pour la France. Et il est prolixe, Justin, newsletter, articles, podcasts (dont je me peux malheureusement pas profiter car je suis sourde, mais je suis sûre qu’ils sont passionnants), tout est bon pour nous communiquer ses trouvailles et ses conseils.

Son blog est une pépite de choses à ne pas manquer, de bonnes adresses, de bons plans, d’anecdotes… et d’humour, car il est drôle !

Voir la France à travers les yeux d’un étranger, c’est la redécouvrir, c’est s’émerveiller de choses auxquelles on ne prête quasiment plus attention, c’est se dire « mais oui, bordel, on a de la chance » !

Justin est un antidote à la morosité.

Ça a l’air de rien comme ça, mais la joie et l’enthousiasme deviennent des denrées de plus en plus rares.

L’époque est inquiétante, les catastrophes arrivent en escadrilles, on a tous nos soucis quotidiens. Alors quand quelqu’un comme Justin arrive avec sa bienveillance, sa légèreté, sa gaieté et ses découvertes, c’est un vrai shot de vitamines qui vous requinque pour la journée.

Allez sur son blog ! https://justinbusch.fr

Je vous jure, il devrait être remboursé par la sécurité sociale !

Bonne fin de semaine à tous !

LA PISCINE À ROUBAIX – Musée d’art et d’industrie André Diligent

Nos enfants nous servent à quelque chose. Enfin !

Fifille number 3 fait ses études à Lille. Après avoir vendu un rein pour l’installer en septembre (comment ça tu veux un presse agrumes ? Les oranges à croquer c’est délicieux. Un matelas ? Pourquoi faire ? Et j’en passe), nous sommes allés lui pourrir la vie pendant 3 jours avant Noël.

Bilan du séjour :

  • Lille est une ville magnifique
  • J’aime pas le welsh
  • J’aime pas la carbonade
  • J’aime la bière
  • J’adore leurs gaufres

Mais surtout, le saviez-vous ? Roubaix est à 15 minutes de Lille. À première vue, je m’en fous royalement, j’ai pas une passion dévorante pour cette ville. Ma seule référence, c’est le fameux « La Redoute à Roubaix » de mon enfance. J’ai été biberonnée aux catalogues de vente par correspondance et La Redoute était mon préféré et La Redoute était à Roubaix. Tout ce que je demandais, c’est qu’ils aient mon jouet favori dans leurs entrepôts.

Ça, c’était avant « Meurtre à Roubaix » sur France 3. Oui, je regarde les téléfilms policiers de France 3, ménagère de plus de 50 ans oblige. Bref, un corps est découvert dans un musée à Roubaix.

Wow ! Le musée ! Rarement vu aussi beau ! Un bijou d’art déco. Une ancienne piscine des années 30, transformée. C’est sublime et ça devient ma deuxième référence de la ville.

Go pour LA PISCINE !

L’histoire de LA PISCINE, du sport à l’art.

La piscine de Roubaix (la vraie piscine hein ?! celle où on nage dedans) est inaugurée en 1932. Sa construction a duré dix ans avec, pour cahier des charges, un seul mot d’ordre : qu’elle soit la plus belle piscine de France.

L’équipe municipale de l’époque, de sensibilité de gauche, souhaitait un lieu beau, efficace et accessible à tous, notables et ouvriers. En effet, berceau du textile, la ville compte une énorme population ouvrière qui vit dans des conditions déplorables (grande pauvreté, logements insalubres).

Le projet de la piscine de Roubaix répond donc à un objectif hygiéniste au service des classes populaires. Et le cahier des charges sera rempli. Elle est superbe et est considérée, à son inauguration, comme la piscine la plus moderne d’Europe.

Elle est dotée d’un bassin olympique, de bains publics, d’un réfectoire, d’un salon de coiffure, de manucure et de pédicure. Ce lieu va permettre une mixité sociale pendant 50 ans, jusqu’à sa fermeture en 1985, la voûte menaçant de s’effondrer.

Entretemps, la ville s’est pris de plein fouet la crise industrielle, économique et sociale. Hors de question d’entamer une rénovation coûteuse alors qu’on peut construire pour moins cher.

En parallèle, la question se pose de doter Roubaix d’un musée. Je vous passe toutes les péripéties politiques, culturelles et autres. Toujours est-il qu’en 1990, il est décidé de transformer la piscine abandonnée en un musée solidaire afin de respecter l’âme du site.

En 2001, TADAAAAAM, inauguration du musée LA PISCINE.

Une dinguerie

D’abord, le lieu. C’est superbe, vraiment. On est dans un cadre majestueux, une cathédrale dédiée à l’art. On arrive sous une nef fermée de part et d’autre par deux immenses vitraux. Et en son centre, un plan d’eau. Sur les côtés, des allées et au premier étage des coursives bordées de cabines.

Passé l’émerveillement pour le bâti, on s’intéresse aux œuvres.

Et là, vous allez continuer à en prendre plein les mirettes. Sculptures, peintures, arts décoratifs, textiles. Je suis un lapin pris dans les phares d’un 38 tonnes.

Y’en a partout ! Du classique, du moderne, du connu (Camille Claudel, Félix Vallotton, Léonard Foujita, Raoul Dufy, Jean-Baptiste Carpeaux, François Pompon, Vivienne Westwood), du moins connu (Paul Hémery, Jean-Robert Debock, Rémy Cogne, Maurice Asselin), des expositions permanentes, temporaires (William Morris).

Du beau PARTOUT !

J’ai juste 2 critiques à faire (râler, ma passion) :

  • C’est tellement abondant que j’ai eu du mal à m’y retrouver. Il m’a manqué un petit circuit explicatif (ou alors c’est moi qui ai zappé le petit livret conducteur à l’entrée).
  • L’éclairage est parfois mal adapté pour certains tableaux (lumière trop crue laissant certaines zones trop sombres).

Lille est à une heure de Paris en train. Roubaix est à quinze minutes de Lille (accessible en transport). Je ne peux que vous conseiller d’y aller, vous ne serez pas déçus, foi de bibliothécaire !

#LeNordestBeau

#ViveLesTéléfilmsdeFrance3

NOËL de Paul Verlaine

Poème issu du recueil « Liturgies intimes »

Petit Jésus qu’il nous faut être,
Si nous voulons voir Dieu le Père,
Accordez-nous d’alors renaître

En purs bébés, nus, sans repaire
Qu’une étable, et sans compagnie
Qu’une âne et qu’un bœuf, humble paire ;

D’avoir l’ignorance infinie
Et l’immense toute-faiblesse
Par quoi l’humble enfance est bénie ;

De n’agir sans qu’un rien ne blesse
Notre chair pourtant innocente
Encor même d’une caresse,

Sans que notre œil chétif ne sente
Douloureusement l’éclat même
De l’aube à peine pâlissante,

Du soir venant, lueur suprême,
Sans éprouver aucune envie
Que d’un long sommeil tiède et blême…

En purs bébés que l’âpre vie
Destine, — pour quel but sévère
Ou bienheureux ? — foule asservie

Ou troupe libre, à quel calvaire ?

ENOLA HOLMES 1 & 2 réalisés par Harry Bradbeer

La magie de Noël a de l’avance.

Vous vous souvenez du week-end dernier ?

Chez vous, je ne sais pas mais à Paris, c’était grisaille, froid, pluie. Seule solution pour survivre : faire le sapin. S’avachir sur le canapé. Se recouvrir d’un plaid. Boire un chocolat chaud. Mater un truc divertissant mais alors TRÈS TRÈS TRÈS divertissant.

Où trouve-t-on le plus grand choix de choses divertissantes à mater ? Ben sur une plateforme et chez nous, c’est Netflix.

On laisse faire les filles vu que ce sont des professionnelles dans la recherche de trucs très très très divertissants.

Après quelques tâtonnements (plus elles grandissent, plus elles perdent la main 😤), elles s’arrêtent sur « Enola Holmes ». Encéphalogramme plat de ma part, je ne fais même pas le lien avec Sherlock. Je soupire intérieurement (suffisamment fort pour que ça se voit à l’extérieur). Génial. Encore une histoire d’ado, alors que je sors tout juste de cette période (pas moi, mes filles 🤪).

Vu qu’elles ne bougent pas de leur choix, autant que je m’y fasse, on va regarder ça. Donc je zieute de plus près.

ENOLA HOLMES ???? La petite sœur de Sherlock Holmes ? Ah non mais ça change tout !

On s’oriente vers un tiercé gagnant !

En troisième position, on applaudit la persévérance du canasson « Kostum ».

Eh oui, j’ai une vraie appétence pour les films d’époque. Attention, pas toutes les époques. Un film sur le moyen-âge, la préhistoire ou la bataille d’Alésia par exemple, faudrait vraiment que j’ai une grosse envie de toucher le fond. Mais le XIXème 😍, que l’histoire soit du côté des riches ou des miséreux, je prends tout : livres, films, documentaires.

En deuxième position, on retrouve une valeur sûre, j’ai nommé « Liberty« .

Car mon dada, c’est l’Angleterre période Victorienne. Je pourrais faire une indigestion de services à thé, scones, petits sandwichs au concombre, humour British, et autres Devon, tellement ça me rend dingue.

Enfin, on fait un triomphe à « Sherlock » qui a fait une superbe course.

J’ai été biberonnée à Agatha Christie et Arsène Lupin. Autant vous dire que j’en ai mangés des romans policiers, des enquêtes et énigmes de tous poils.

« Enola Holmes » rassemble donc ces trois ingrédients. Oh dear ! I’m so exciting 🤩 !

Des livres, deux films et un procès qui n’aura pas lieu.

Enola est donc la petite sœur de Sherlock et de Mycroft. Élevée par sa mère, elle reçoit une éducation aux antipodes des normes de l’époque, en tous cas pour une fille. Elle apprend à réfléchir, à se défendre, s’intéresse aux sciences et à la nature. Mais le jour de son 16ème anniversaire, sa mère disparaît. Mineure, elle va devoir composer avec ses deux frères et mener l’enquête.

C’est divertissant, rythmé, intelligent et pittoresque à souhait. Elona est une jeune fille sagace (mon dieu qu’elle est sagace), malicieuse, gaie, un chouïa rebelle, bref très attachiante comme le déclament beaucoup (trop) de tee-shirts.

Saupoudrez le tout d’une bonne dose de féminisme, de luttes sociales, d’humour et d’un style cinématographique pop et actuel (mise en scène et effets dynamiques, cuts, 4ème mur) et vous obtenez deux films diablement chouettes. Et quel casting ! Que du beau monde !

J’apprends que ces deux films sont tirés d’une série de romans policiers à succès de Nancy Springer, regroupés sous le titre « Les enquêtes d’Enola Holmes ». Jusqu’ici tout va bien. Enfin, tout va bien, jusqu’à ce que Netflix s’empare de ce phénomène littéraire jeunesse. Là, on passe dans une autre dimension, les choses deviennent sérieuses, on parle de Netflix, sacrebleu. Les ayants droit de Sir Arthur Conan Doyle veulent leur part du gâteau. Souci, le personnage cocaïnomane et sociopathe de Sherlock Holmes est dans le domaine public. Comment faire ? Ben au calme, on va argumenter que grand-tonton Arthur, sur la fin de sa vie, a doté Sherlock de traits de caractère plus gentils, plus empathiques, plus sensibles. Que ce qu’il a écrit en fin de vie n’est pas encore dans le domaine public donc zou, que la version bonnasse de Sherlock n’est pas encore dans le domaine public. Et qu’attendu que Nancy Springer et Netflix exploitent un Sherlock sympathique, ils vont devoir payer. CQFD. L’argumentation semble un peu perchée du point de vue du droit. Quoi qu’il en soit, les enjeux sont trop grands et pour être tranquille, Netflix préfère un arrangement avec les héritiers.

Ce qui nous permet de profiter de deux films « Enola Holmes » en toute décontraction et avec un chocolat chaud.

Ah ! J’oubliais ! Si vous aimez bien l’époque victorienne et le XIXème siècle, je vous conseille le blog de Lise Antunes Simoes. Je viens de le découvrir et il y a des pépites : https://www.liseantunessimoes.com

ENJOY !

UNE CHAROGNE de Charles Baudelaire

Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.

– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés !

LE MOT de Victor Hugo

Braves gens, prenez garde aux choses que vous dites !
Tout peut sortir d’un mot qu’en passant vous perdîtes ;
Tout, la haine et le deuil !
Et ne m’objectez pas
Que vos amis sont sûrs
Et que vous parlez bas…
Ecoutez bien ceci :
Tête-à-tête, en pantoufle,
Portes closes, chez vous, sans un témoin qui souffle,
Vous dites à l’oreille du plus mystérieux
De vos amis de cœur ou si vous aimez mieux,
Vous murmurez tout seul, croyant presque vous taire,
Dans le fond d’une cave à trente pieds sous terre,
Un mot désagréable à quelque individu.
Ce mot, que vous croyez que l’on n’a pas entendu,
Que vous disiez si bas dans un lieu sourd et sombre,
Court à peine lâché, part, bondit, sort de l’ombre ;
Tenez, il est dehors ! Il connaît son chemin ;
Il marche, il a deux pieds, un bâton à la main,
De bons souliers ferrés, un passeport en règle ;
Au besoin, il prendrait des ailes, comme l’aigle !
Il vous échappe, il fuit, rien ne l’arrêtera ;
Il suit le quai, franchit la place, et cætera
Passe l’eau sans bateau dans la saison des crues,
Et va, tout à travers un dédale de rues,
Droit chez le citoyen dont vous avez parlé.
Il sait le numéro, l’étage ; il a la clé,
Il monte l’escalier, ouvre la porte, passe, entre, arrive
Et railleur, regardant l’homme en face dit :
« Me voilà ! Je sors de la bouche d’un tel. »
Et c’est fait. Vous avez un ennemi mortel.

COMMENT JE M’APPELLE de Anne Sylvestre

Si vous le savez comment je m’appelle

Vous me le direz, vous me le direz

Si vous le savez comment je m’appelle

Vous me le direz, je l’ai z’oublié

Vous me le direz, je l’ai z’oublié

Quand j’étais petite et que j’étais belle

On m’enrubannait de ces noms jolis

On m’appelait fleur sucre ou bien dentelle

J’étais le soleil et j’étais la pluie

Quand je fus plus grande hélas à l’école

J’étais la couleur de mon tablier

On m’appelait garce on m’appelait folle

J’étais quelques notes dans un cahier

Si vous le savez comment je m’appelle

Vous me le direz, vous me le direz

Si vous le savez comment je m’appelle

Vous me le direz, je l’ai z’oublié

Vous me le direz, je l’ai z’oublié

Quand j’ai pris quinze ans que s’ouvrit le monde

Je crus qu’on allait enfin me nommer

Mais j’étais la moche et j’étais la ronde

J’étais la pleurniche et la mal lunée

Quand alors j’aimai quand je fus sourire

Quand je fus envol quand je fus lilas

J’appris que j’étais ventre même pire

Que j’étais personne que j’étais pas

Si vous le savez comment je m’appelle

Vous me le direz, vous me le direz

Si vous le savez comment je m’appelle

Vous me le direz, je l’ai z’oublié

Vous me le direz, je l’ai z’oublié

Quand je fus berceau et puis biberonne

J’oubliais tout ça quand je fus rosier

Puis me réveillais un matin torchonne

J’étais marmitasse et pierre d’évier

J’étais ravaudière et j’étais routine

On m’appelait soupe on m’appelait pas

J’étais paillasson carreau de cuisine

Et j’étais l’entrave à mes propres pas

Si vous le savez comment je m’appelle

Vous me le direz, vous me le direz

Si vous le savez comment je m’appelle

Vous me le direz, je l’ai z’oublié

Vous me le direz, je l’ai z’oublié

Puis un jour un jour du fond ma tombe

J’entendis des voix qui se rappelaient

Plaisirs et douleurs souvenirs en trombe

Et j’étais vivante et on m’appelait

Peu importe alors l’état de la cage

Le temps qu’il faudra pour s’en évader

Je saurai quoi mettre en haut dans la marge

Pour recommencer mon nouveau cahier

Je sais maintenant comment je m’appelle

Je vous le dirai je vous le dirai

Je sais maintenant comment je m’appelle

Et c’est pas demain que je l’oublierai

Et c’est pas demain que je l’oublierai

Et c’est pas demain que je l’oublierai

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