LE PINGOUIN d’Andreï Kourkov

Ce livre est une surprise

Je dirais même une belle surprise made in Airbnb. Cet été, j’ai eu la chance de profiter d’une maison normande avec une bibliothèque incroyable, des livres partout jusque dans la cuisine ! Un mélange de classiques, de romans contemporains français et étrangers qui témoignaient d’une grande curiosité et de goûts très éclectiques avec une légère prédilection pour la littérature russe (ou en tout cas des pays de l’Est). Le plus dur était de faire un choix et de réussir à lire ma sélection en une semaine.

Je parcourais l’ensemble et éprouvais l’axiome « trop de choix tue le choix ». Bon sang, ma fille, concentre-toi ! Je m’arrêtais sur une tranche, enfin plutôt le titre d’une tranche : « Le Pingouin », livre publié en 1996. Et là, j’ai découvert le pitch le plus what the fuck jamais lu. Je m’en vais vous le narrer.

Le pitch

Ça se passe à Kiev, dans l’Ukraine post-soviétique. Victor, écrivain, journaliste, fauché et solitaire, a adopté un pingouin, histoire de combler sa solitude. Pas facile d’adopter un pingouin, ni commun. Mais le zoo de Kiev, n’ayant plus les moyens de nourir ses pensionnaires, a proposé à l’adoption les plus inoffensifs. Victor a choisi Micha, le pingouin.

Sauf que Micha ne vit pas d’amour et d’eau fraîche. Il bouffe du hareng à longueur de journée et le hareng, ça coûte cher. C’est alors que Victor tombe sur une petite annonce des plus étranges. Un grand journal cherche quelqu’un capable d’écrire des nécrologies originales.

Victor a besoin de harengs donc, zou ! Il postule sans grand espoir. Et il est pris !

Au début, il choisit lui-même les personnalités sur lesquelles il souhaite écrire : grands noms du spectacle, des médias, de la politique et des affaires. Puis petit à petit, le rédacteur en chef qui l’a pris sous son aile, lui distille quelques noms.

Tout se passe bien, ses chroniques répondent en tous points aux exigences de ses employeurs. Problème : personne ne meurt. Victor désespère d’être publié un jour.

Ça ne va pas durer longtemps. Les élus de ses nécrologies se mettent à tomber comme des mouches et parfois, il faut bien le dire, dans des accidents bêtes, mais bêtes (un peu comme en ce moment chez les oligarques russes, voyez).

Féroce et tendre

Le sujet est original, le livre se lit facilement. On s’immisce dans le quotidien des quidams dans les pays de l’est.

Victor est semblable à l’image que je me fais de ces peuples qui subissent soit la dictature soit la corruption (ou les deux). Ces hommes qui vivent dans l’absence de l’État, des lois et où l’ordre est régi par les plus forts. On ne se rebelle pas, on courbe juste l’échine pour passer sous les radars et vivre le plus en paix possible même si c’est chichement, même s’il y a des injustices. Et Victor y excelle. Il prend ce qu’il y a à prendre et, s’il se pose beaucoup de questions dont il devine aisément les réponses, il semble s’en accommoder. Mais attention à l’eau qui dort.

C’est un livre masculin avec beaucoup d’hommes. Les femmes sont soit des souvenirs soit des présences éthérées, pourvoyeuses de douceur à laquelle les hommes s’accrochent désespérément.

C’est surprenant de partir d’un sujet aussi incongru et de décrire aussi finement la société. C’est parfois drôle (certains enterrements valent le détour), parfois émouvant, parfois mélancolique, toujours pittoresque. Et beaucoup plus profond que le laisse penser le résumé.

Une phrase décrit très bien la sensation étrange éprouvée : « Tout semblait familier mais ce n’était qu’une impression ».

Et Micha dans tout ça ? Il est omniprésent, double de Victor et témoin silencieux.

Laissez-vous séduire par « Le Pingouin ». J’espère que vous aimerez autant que moi.

LE TESTAMENT de Georges Brassens

Je serai triste comme un saule
Quand le Dieu qui partout me suit
Me dira, la main sur l’épaule:
« Va-t’en voir là-haut si j’y suis. »
Alors, du ciel et de la terre
Il me faudra faire mon deuil…
Est-il encor debout le chêne
Ou le sapin de mon cercueil?
Est-il encor debout le chêne
Ou le sapin de mon cercueil?

S’il faut aller au cimetière,
J’prendrai le chemin le plus long,
J’ferai la tombe buissonnière,
J’quitterai la vie à reculons…
Tant pis si les croqu’-morts me grondent,
Tant pis s’ils me croient fou à lier,
Je veux partir pour l’autre monde
Par le chemin des écoliers.
Je veux partir pour l’autre monde

Par le chemin des écoliers.

Avant d’aller conter fleurette
Aux belles âmes des damné’s,
Je rêv’ d’encore une amourette,
Je rêv’ d’encor’ m’enjuponner…
Encore un’ fois dire « Je t’aime »…
Encore un’ fois perdre le nord
En effeuillant le chrysanthème
Qui est la marguerite des morts.
En effeuillant le chrysanthème
Qui est la marguerite des morts.

Dieu veuill’ que ma veuve s’alarme
En enterrant son compagnon,
Et qu’pour lui fair’ verser des larmes
Il n’y ait pas besoin d’oignon…
Qu’elle prenne en secondes noces
Un époux de mon acabit:
Il pourra profiter d’mes bottes,
Et d’mes pantoufle’ et d’mes habits.
Il pourra profiter d’mes bottes,
Et d’mes pantoufle’ et d’mes habits.

Qu’il boiv’ mon vin, qu’il aim’ ma femme,
Qu’il fum’ ma pipe et mon tabac,
Mais que jamais – mort de mon âme! –
Jamais il ne fouette mes chats…
Quoique je n’ai pas un atome,
Une ombre de méchanceté,
S’il fouett’ mes chats, y’a un fantôme
Qui viendra le persécuter.
S’il fouett’ mes chats, y’a un fantôme
Qui viendra le persécuter.

Ici-gît une feuille morte,
Ici finit mon testament…
On a marqué dessus ma porte:
« Fermé pour caus’ d’enterrement. »
J’ai quitté la vi’ sans rancune,
J’aurai plus jamais mal aux dents :
Me v’là dans la fosse commune,
La fosse commune du temps.
Me v’là dans la fosse commune,
La fosse commune du temps.

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