ENFANT DE SALAUD de Sorj Chalandon

Ce livre m’a cueillie, à plusieurs reprises. Il m’a émue, m’a irritée, m’a appris aussi.

Tout vient de l’enfance.

Sorj est un homme de presque 70 ans. Sa page Wikipedia annonce sobrement qu’il est un journaliste et écrivain français. Si vous creusez, c’est peu de dire qu’il a une vie bien remplie. Remplie de reportages, d’articles, de livres, de scénarios, de prix, de reconnaissances unanimes du public et de ses pairs. Alors quoi ?

Alors, son père ! Ce père qu’il se traîne comme un boulet depuis toujours. Cette figure tutélaire, censée encadrer, protèger, éclairer. Lui, c’est le noir total, à essayer de trouver un interrupteur, une fenêtre, n’importe quoi comme source de lumière… et rien.

De qui est-il le fils ? Qu’a fait son père pendant la 2ème guerre mondiale ?

C’est quoi un salaud ?

Son père coche beaucoup de cases. Lâche, menteur, égoïste, violent. Collabo aussi ? Comment savoir ? Avec lui c’est une fanfaronnade permanente. Du bruit et de la fureur. Le genre qui fait peur à tout le monde. Le genre qui raconte l’histoire à sa sauce et gare à ceux qui ne le croient pas. Bravache, il écrase les autres pour pouvoir se hisser au niveau auquel il prétend. La guerre, il l’a faite mais à sa manière. Ah Ah, il fallait voir, qu’est-ce qu’il leur a mis ! Mais à qui ?

Pourtant, difficile de le haïr, ce père aux frontières de la folie. Il faut reconnaître qu’entre ses mensonges, ses ruades, ses crises, il a du panache. Il ne se laisse jamais démonter. La meilleure défense c’est l’attaque. Il réussit à faire taire tout le monde, à instiller le doute ; et si, cette fois, il disait vrai ?

Et Sorj, là-dedans, qui encaisse tous les coups, souffre et s’enlise.

Les faits, toujours les faits, rien que les faits.

Est-ce pour ça que le fils est devenu journaliste ? Pour s’accrocher aux faits, débusquer la vérité ?

La vérité, c’est l’histoire du livre. Un livre qui enquête, explique, retrace, recoupe.

Il va se confronter à son père alors même que son journal l’envoie couvrir le procès Barbie. La grande et la petite histoire se télescopent. Le premier procès pour crime contre l’humanité à se tenir en France et la première fois que Sorj va trouver le courage d’affronter son père.

On côtoie les victimes de Barbie, celles qui ont survécu et celles qui sont mortes, les enfants d’Izieu aussi. On déteste ce père qui ne connaît pas la honte alors qu’il devrait faire silence et on s’énerve sur ce fils qui s’obstine à l’aimer. On a envie de lui hurler « Arrête les frais, libère-toi de lui, il te détruit ! ».

Et puis, l’horreur qui prend parfois des détours, que vous ne voyez pas arriver et qui vous submerge : « À hauteur d’homme, il n’y avait plus d’écorce aux arbres, tout avait été mangé ».

Je ne sais toujours pas si son père est un salaud, je ne sais pas si la vérité apaise. Je sais juste, qu’à l’heure où certains veulent réécrire l’histoire, la Vérité ne se négocie pas, les faits ne se falsifient pas.

LA BOULE NOIRE de Georges Simenon

Celle-là, je l’ai pas vue venir

Simenon c’est Maigret et Maigret c’est Simenon ! C’est propre, c’est carré, c’est rangé dans un coin de ma bibliothèque mentale. Je me suis déjà tapée l’intégrale de Jean Richard quand j’étais petite, on peut dire que j’ai une vue d’ensemble, je découvrirai ses bouquins quand je serai à la retraite ! Et puis, on va pas se mentir, snob comme je suis, Simenon, c’est pas de la grande littérature hein ?!

J’en étais donc là à attendre pépouze la retraite. Sauf que forcément mes prévisions ne se réalisent jamais in the real life. In the real Life, je tombe sur une collection du Monde : « Le Monde de Simenon ». Je prends un livre au hasard, les oeuvres sont classées par thème, j’ai pioché l’humiliation 🥳. Je ne tique même pas, on reste dans le concept d’année de merde que 2020 érige en art. Mais ce qui m’intrigue c’est un titre : « La Boule Noire ». Je retourne le livre, lis le résumé… et pars en vrille. « Voyez cette petite ville américaine de Williamson : il suffira qu’une main anonyme mette dans l’urne la boule noire qui lui refuse l’entrée du Country Club pour qu’un fils de prolétaire en reste traumatisé à vie ». Reconnaissez que ça envoie du bois ! Zou ! C’est parti !

L’Amérique de Simenon

Jean Giono a dit « Les romans de Simenon ? Toujours la même chose : un poêle qui ne tire pas et une femme qui sent le chou » ! C’est exactement l’image que j’en avais. Ben non ! Simenon, c’est aussi l’Amérique ! L’Amérique des trente glorieuses, toute puissante, qui balance du rêve et des dollars ; tant mieux pour ceux qui les attrapent, tant pis pour les autres.

Dès les premières pages, Georges réussit un véritable tour de force : vous plonger dans les méandres d’une petite ville américaine comme si vous y étiez nés. C’est instantané et impressionnant. On connaît cette ville pourtant si éloignée, on connaît ces gens, ils nous ressemblent. On voit tout, on entend tout, on ressent tout, tels des anthropologues penchés sur une société miniature. On observe, avec distance puis avec passion. Tout y est. L’espoir, l’envie, la jalousie, le désir presque vital de s’extirper de sa condition, vous pouvez presque les toucher du doigt. Certains manoeuvrent, manipulent, d’autres s’échinent à gravir l’échelle sociale à force de sueur et de soumission. Tous essaient de passer entre les gouttes de ce jeu de massacre que sont les règles sociales.

Ce roman est construit comme un thriller. Le protagoniste, Walter Higgins, peut basculer à tout moment du côté du bien, du mal, de la folie.

Et si la vraie folie c’était de vouloir être accepté, quel qu’en soit le prix ? On ne change jamais vraiment. On reste toujours soi, un peu comme les gros restent gros à vie dans leur tête, même après avoir perdu tous leurs kilos superflus.

C’est un roman haletant, je vous le conseille.

LE BAL DES FOLLES de Victoria Mas

Certains livres sont comme des bonbons.

Vous savez que vous allez finir le paquet d’un seul coup et que ce sera délicieusement régressif. Vous connaissez la plupart des goûts, c’est tout ce que vous aimez, fraise, citron, menthe. Il y a des nouveautés, acidulées, qui vous picotent la langue et font le plein de sensations. C’est un plaisir connu et rassurant.

Le Bal des Folles fait partie de ces livres. Vous le pressentez rien qu’en lisant le résumé. Le sujet est alléchant, l’intrigue est bien construite, l’histoire plaît sans nous bousculer. C’est ce qu’on appelle un page-turner. Bien sûr, c’est captivant, on découvre un univers d’autant plus passionnant qu’il est historique et méconnu. Tous les ingrédients sont là : des surprises, des personnages sacrifiés car il en faut, des rêves enterrés car c’est souvent le propre des rêves, des vies brisées qui mettent en exergue celles qui seront sauvées. Au final, le lecteur a ce qu’il veut, le contrat est rempli. On a passé un très bon moment. 

Victoria a de l’avenir….

« Vous êtes cordialement conviés au bal costumé de la mi-carême, qui aura lieu le 18 mars 1885 à l’hôpital de la Salpêtrière. »

Ce bal est le point d’orgue du livre, l’événement où le Tout Paris accourt pour se procurer sa dose d’adrénaline, pour frissonner sans danger. Car dans ce bal, se côtoient la haute société et les folles de l’hôpital de la Salpétrière.

On y découvre les dingues, les sorcières, les hystériques, les apathiques…

Derrière ces termes, des femmes brisées par les hommes car « trop ». Trop indépendantes, trop rebelles, trop érudites, trop curieuses. Elles gênent, dérangent, troublent l’ordre établi et confortable de la société. Elles osent parler tout haut, espérer une vie où elles seraient écoutées, considérées. Elles viennent de tous les milieux, le besoin de liberté ne s’embarrasse pas des conditions sociales. Mais l’ordre patriarcal transcende les classes, c’est même leur seul point commun.

Alors, elles sont décrétées folles, enfermées, étudiées, deviennent des cobayes au nom de la science. Certaines s’en accommodent, après tout, être enfermée dehors ou être enfermée dedans, quelle différence ? D’autres pas.

… et du travail.

C’est son premier roman et je l’ai dévoré. Pour plein de raisons : c’est un roman historique, le Paris de la Belle Époque. Il parle des femmes, de folie, de violence et de liberté.

Le roman de Victoria pourrait être ambitieux, pourtant il m’a laissé un goût d’inachevé.

Le style, d’abord, est trop scolaire, trop anodin, malgré quelques passages intenses qui augurent une écrivaine capable de puissance.

L’histoire, enfin. L’intrigue est structurée, presque trop. Victoria ne s’est autorisée aucun écart, de ces écarts qui vous culbutent, vous ravagent.

Je vous le conseille néanmoins. Victoria Mas livre là un étonnant et séduisant roman-feuilleton, de ceux que l’on lisait dans les gazettes du temps du Bal des folles. Et ce n’est pas donné à tout le monde !

BAISE-MOI de Virginie Despentes

Entre Virginie Despentes et moi, c’était pas gagné !

Il y a deux ans, je me suis résignée (oui, vous avez bien lu, RÉ-SI-GNÉE) à lire un livre d’elle. Elle fait partie des auteur·e·s incontournables en France, elle est régulièrement invitée dans les émissions littéraires ou dites de « divertissement ». Elle se retrouve plus souvent qu’à son tour en tête de gondole à la Fnac. Bref, j’étais obligée ! Histoire de l’avoir lue, « comme tout le monde » et d’avoir un avis, « comme tout le monde » (paradoxalement, j’aime bien le concept « être comme tout le monde » de temps en temps🥺).

Restait le choix du bouquin ! Ça allait se jouer entre les trois titres les plus connus : Baise-Moi, King Kong Théorie ou, le dernier en date, Vernon Subutex.

La sélection se fait naturellement. King Kong Théorie est un essai, je veux un roman. Baise-Moi traîne une réputation sulfureuse, c’est peut-être un peu too much pour moi, petite chose sensible. Je pars sur Vernon Subutex tome 1 (sensible, mais logique 🤪) !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’a pas été le coup de foudre ! Je me suis traînée jusqu’à la fin. La lente descente aux enfers de Vernon m’a paru interminable. Le genre de type attachant mais qui s’incruste et qu’on n’arrive plus à dégager. Même l’intrigue n’a pas suffit pour que je rentre dans cette galerie de portraits d’une génération déchue. Même ses errances dans Paris, même les multiples références aux années 80, qui sont trop pointues pour moi. Je n’ai pas détesté, j’ai aimé l’écriture brute, sans concession, qui exprime tellement bien la désillusion, la détresse, le dégoût, la marginalisation. Mais j’ai refermé le livre en ne sachant pas trop quoi en penser. Et c’est mauvais signe…

Il ne faut jamais dire « jamais » !

Il y a quelques semaines, je tombe par hasard sur une interview croisée entre Virginie Despentes, Béatrice Dalle et Casey sur le féminisme. Chaque intervention de Virginie est juste, brillante, radicale. Première étape du coup de foudre. Je ne peux pas rester sur un avis tiède, je décide de lire Baise-Moi !

Coup de foudre définitif et irréversible ! Je l’ai terminé depuis cinq jours et Nadine et Manu sont toujours avec moi. Je n’ai démarré aucune autre lecture tant j’ai peur que leur présence s’estompe, tant j’ai envie de rester avec elles, tant ça m’a pris aux tripes.

Et pourtant, c’est tout sauf amazing 🥳🥳🥳 !!!

Une banlieue sinistre, qui transformerait n’importe quel winner en paumé toxico et alcoolo. Une banlieue que même quand t’as encore l’envie et une chance de t’en sortir, elle te calme bien comme pour te signifier qu’on ne perturbe pas indûment la hiérarchie sociale. N’Y PENSE MÊME PAS !

Et puis, il y a Nadine et Manu. Elles ne se connaissent pas, mais ont la même histoire. Deux filles à qui personne n’a jamais fait de cadeau et encore moins la vie. Elles ont appris à esquiver les coups, si besoin à les encaisser. Elles ne se laissent pas marcher sur les pieds mais savent faire profil bas quand il le faut. Elles ont des plaisirs simples, baise et alcool, l’un finançant l’autre. Elles tiennent à leur tranquillité ; se défoncer nécessite un minimum de sérénité. Ça pourrait les faire passer pour asociales et amorales, mais ce n’est pas le cas : elles ont des accointances (le terme « amitiés » serait un chouïa exagéré) et leur propre code d’honneur.

Quand elles se rencontrent, elles ont déjà savouré la violence chacune de leur côté, elles vont juste mettre en commun leur savoir-faire, parfaire leur technique, une sorte de joint-venture du sang.

Elles assument tout,  en cela ce sont les personnages les plus féministes que j’ai jamais croisés. Elles sont libres. Une liberté grisante, choquante, absolue, qui s’obtient au détriment des autres par ceux qui n’ont plus rien à perdre. C’est totalement gratuit, c’est totalement flippant, c’est totalement enivrant ! Des Thelma et Louise trashs. « On est en train de rattraper toute une vie en quelques jours ».

Il est des livres que vous ne voudriez jamais finir. J’aurais pu les suivre au bout du monde.

Je laisserai la phrase de fin à Nadine : « ce qui convient à la main, c’est le flingue, la bouteille et la queue ».

Ni plus… ni moins. 

MAUDIE EST FOLLE de Thomas Fersen

Maudie est folle
Tout le monde le sait
Tout le monde l’a dit quand elle passait

Maudie a ses idées à elle
Pour le moins inhabituelles

Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle…

Elle entend bourdonner des mouches
Elle a peur qu’elles entrent dans sa bouche
Elle fait ses courses en robe de chambre
Et les gens ont peur de comprendre que

Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle…

Je suis la reine d’Angleterre
Je dors dans un lit à colonnes
Je suis la reine d’Angleterre

Maudie est folle

Depuis la faillitte de son père
Maudie a perdu ses repères
Un homme lui a fait une offense
Et les choses ont perdu leurs sens

Maudie est folle, Maudie est folle

Elle porte toujours quatre épaisseurs
Alors je veille sur ma sœur
Car elle est folle

Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle…

Je suis la reine d’Angleterre
Je dors dans un lit à colonnes
Je suis la reine d’Angleterre

Maudie est folle

AMERICAN PSYCHO de Bret Easton Ellis

Ça fait des années qu’on me prévient contre ce livre !

Ce best-seller, sorti en 1991, a au moins le mérite de mettre tout le monde d’accord (enfin dans mon cercle de connaissances) ! Que ce soit des amis ou des collègues, toujours les mêmes commentaires : « c’est à la limite du supportable, c’est atroce, c’est un catalogue de tortures, te connaissant, tu ne supporteras pas, passe ton chemin. Et en plus, les scènes de cul c’est du porno de seconde zone ».

Bien que ma curiosité soit titillée par « le porno de seconde zone » car je ne vois pas trop ce que cette notion recouvre, il faut reconnaître que la vue du sang me file des vertiges assez rapidement. J’ai donc passé mon chemin pendant presque 30 ans. J’ai même évité soigneusement l’adaptation cinématographique qui en a été faite.

En fidèle adepte de la méthode « Tout ou Rien », j’ai craqué il y a un mois et depuis, je fais une cure de Bret Easton Ellis. American Psycho est donc le troisième livre de l’auteur que je descends.

Je commence, au pire, si c’est trop dur, j’arrêterai…

New-York, années 90, Patrick Bateman, 26 ans, est trader le jour et serial killer la nuit (pour faire simple, car, en réalité, les rôles ne sont pas aussi cloisonnés, Patrick ayant énormément de mal à contrôler ses instincts meurtriers et à les cantonner à la vie nocturne).

Je démarre et je retrouve :

  • le style de Bret, une écriture répétitive, neutre, froide (à ce stade on peut même dire glaciale 🥶), factuelle, précise, avec faste détails,
  • le décor fétiche de Bret, une mégapole impersonnelle, un univers saturé d’argent, de luxe, de drogue et de sexe.

Les protagonistes, hommes ou femmes, sont obsédés par l’apparence, le style, la mode, le culte du corps. Vous êtes accro aux choses matérielles de la vie ? Consumériste effréné ? Fashion victim ? Ce livre va BIEN, BIEN vous calmer ! Même moi, qui ne peux pas vivre sans un Zara à portée de carte bleue, j’avais l’impression d’être une zadiste en sarouel à côté d’eux ! Les hommes s’habillent tous de manière identique, un uniforme « costard-cravate » (forcément de marque et dont le raffinement le dispute à l’élégance) qui les rend totalement interchangeables. Le pire, c’est qu’ils le sont puisque personne ne reconnaît personne, ils se confondent entre eux, tellement habitués à se définir par leurs fringues et leur portefeuille. Quant aux femmes, c’est plus simple, il y a deux catégories : les baisables… et les autres.

Autant vous dire que j’attendais les scènes de sexe et de meurtre avec une impatience mêlée d’appréhension !

La première coucherie arrive enfin… et je n’arrive pas à refréner un fou rire 🥳. Pas du tout l’effet que j’attendais ! Idem pour les scènes de meurtre. Je commence à me dire que j’ai un méchant problème, que je ne suis définitivement pas normale 😩.

Pour ma défense, deux arguments :

  • d’abord Bret a beaucoup d’humour (le passage des lutins au réveillon de Noël est à mourir de rire)
  • ces scènes (notamment de meurtre) sont tellement « énormes » et décrites de façon anodine que ça en devient absurde, voire grotesque. À tel point que vous vous demandez si c’est la réalité ou si le héros n’est pas en pleine descente de coke et fantasme tout ça.

Alors ? Il est comment ce bouquin ?

Comme toujours, avec Bret, la réalité est plus complexe que ce qu’il veut bien montrer.

Bateman n’est ni le demeuré superficiel, ni l’inculte de base, ni le petit con totalement insensible que l’auteur essaie de nous décrire. Bien au contraire !

À la question que lui pose une ancienne petite amie : « Pourquoi tu travailles ? Tu n’en as pas besoin », la réponse est sans appel : « Parce que je veux m’intégrer. » Et cette réponse sonne comme un appel au secours.

Il y a également une scène dans le zoo de NYC, où tous les animaux sont décrits comme apathiques, abrutis d’ennui et de solitude. Patrick Bateman est comme eux, sidéré par le monde, son absurdité et son vide (toujours le vide cher à Bret). Et c’est la folie de ce monde qui le rend fou.

J’ai refermé ce livre, avec la même question qui revient en fil rouge dans toute l’œuvre de Bret Easton Ellis : qui est le plus fou et cruel des deux ? La société ou Patrick Bateman ?

Vous avez deux heures 😂😂😂


J’AIME L’ARAIGNÉE de Victor Hugo

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,
Parce qu’on les hait ;
Et que rien n’exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

Parce qu’elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu’elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;

Parce qu’elles sont prises dans leur oeuvre ;
Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l’ortie est une couleuvre,
L’araignée un gueux;

Parce qu’elles ont l’ombre des abîmes,
Parce qu’on les fuit,
Parce qu’elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit…

Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !

Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie
De les écraser,

Pour peu qu’on leur jette un oeil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !

LA PENDULE De Raymond Queneau

Sous ce physique de banquier austère se cache l’un des poètes français les plus fous et les plus talentueux !

Je mbaladais sulles boulevards 
Lorsque jrencontre lami 
Bidard 
Il avait lair si estomaqué 
Que jlui ai dmandé dsesspliquer

Eh bien voilà me dit-il 
Jviens davaler ma pendule 
Alors jvais chez lchirurgien 
Car jai une peupeur de chien 
Que ça mtombe dans les vestibules

Un mois après jrevois mon copain 
Il avait lair tout skia dplus rupin 
Alors je suis été ltrouver 
Et jlavons sommé dsesspliquer

Eh bien voilà me dit-il

Jgagne ma vie avec ma pendule J’ai su lestomac un petit cadran Je vends lheure à tous les passants En attendant qujai Icadran sulles vestibules

A la fin ltype issuissuida Lossquil eut vu qupersonne lopéra Et comme jarrivais juste sul chantier Moi je lui ai demandé qui vienne sesspliquer

Eh bien voilà me dit-il

Jen avais assez davoir une pendule Ça mempèchait ddormir la nuit Pour la remonter fallait mfaire un trou dans ldos
Jpréfère être pendu qupendule

Lorsquil fut mort jvais à son enterrement Cétnit 
Imatin ça mennuyait bien Mais lorsqui fut dans 
Itrou ah skon rigola Quand au fond dla bière le septième coup dmidi tinta

Eh bien voilà voilà voilà Il avait avalé une pendule Ça narrive pas à tous les chrétiens Même à ceux quont un estomm de chien Et du cœur dans les vestibules


ÇA RACONTE SARAH de Pauline Delabroy-Allard

2019 commence merveilleusement bien…. Première lecture, premier (E-NOR-ME) coup de ❤️ !

On trouve de tout sur LinkedIn !

Et pourtant, j’ai mis du temps à y aller ! Un réseau social de plus ? Pas possible ! Fusse-t-il professionnel (surtout s’il est professionnel 😂).

Pourquoi ?

  • Je passe déjà trop de temps sur Twitter,
  • LinkedIn, ça doit être sérieux à mourir, l’endroit où tout le monde parle de data, de performance et d’efficacité. Pas du tout ma ligne éditoriale 😫.
  • Et surtout, il faut se montrer sous son meilleur jour, se valoriser, nourrir son compte avec du contenu intelligent et pertinent 😱.

Bref, ce n’est pas pour moi !

Sauf qu’entendre presque chaque semaine pendant trois ans : « Quoi ???!!! T’es pas sur LinkedIn ??!! Mais faut absolument y être, c’est IN-DIS-PEN-SA-BLE ! », c’est fatiguant. Donc, un jour, j’ai craqué et j’ai créé mon compte. Je vous passe les différentes étapes (ben non, je ne vous les passe pas 😜) :

  • Ça commence par le petit texte censé vous présenter. Il doit être concis et attractif, sérieux mais en même temps décontracté (genre la fille qui maîtrise tellement qu’elle peut se permettre une bonne tranche de rigolade 🥳🥳🥳) et si, en plus, il est original alors là c’est le Graal.
  • Ensuite vient la photo de profil, étape angoissante s’il en est. Une fois éliminées les photos de soirées (trop d’alcool), celles où je fais la grimace (trop incompréhensible) et celles où je suis en vieux tee-shirt pourri et en chaussons licorne (trop fashion), il ne reste plus grand-chose.
  • Enfin, le grand moment de solitude : j’ai nommé, les compétences. C’est parti pour la brosse à reluire !

Bref, j’avais l’impression de me préparer pour un speed dating… mais c’est le jeu, alors jouons !

Finalement, je me suis familiarisée avec la bestiole, j’ai essayé d’être la plus authentique possible… et j’aime bien ! Chaque jour m’apporte son lot de découvertes.

Ma plus belle découverte sur LinkedIn, c’est ce livre !

Je tombe sur un partage d’article de Télérama. Ça parle d’un premier roman. Ce qui m’intrigue, c’est la photo de l’auteure. Une jeune femme, mignonne tout plein, la trentaine, un sourire franc, pas de pose apprêtée, un dress code totalement décontracté, un air ingénu et inoffensif de petite fille. Bref, la girl next door façon Jennifer Aniston, la copine de fac hyper sympa que vous retrouvez dix ans après. Le genre de fille qui vient de sortir un livre pour enfants ou des recettes de cupcakes.

Bon sang ! Qu’elle cache bien son jeu, Pauline !

On est très loin des enfants et des cupcakes 😱😱😱 ! On ne connaitra pas le prénom de la narratrice. Elle mène une vie tranquille, normale, douceâtre, entre son enfant qu’elle élève seule et son métier de professeure. Une vie balisée, ni heureuse, ni malheureuse, juste sans intensité. À un dîner d’amis, elle rencontre Sarah, femme fantasque, imprévisible, indomptable et seule. C’est l’amour fou, un embrasement qui consume une existence atone… jusqu’à épuisement.

Ça m’apprendra à me fier aux apparences !

Ce livre vous brûle les doigts de la première à la dernière page ! L’auteure vous attrape les tripes et ne les lâche plus, vous forçant à la suivre, vous obligeant à vivre cette passion, à jouir, à souffrir. C’est vous qui êtes face à Sarah, contre elle, en elle ! C’est vous qui allez en prendre plein la gueule ! C’est intense, fiévreux, charnel, douloureux. Vous tombez, vous vous relevez. Ça va de plus en plus vite, ça devient incontrôlable. Vous savez que vous allez dans le mur avec l’héroïne mais c’est trop tard, impossible d’arrêter ce putain de livre. Parce qu’elle est belle cette histoire, parce qu’on a envie d’y croire, parce que ne plus raisonner, perdre pied, se brûler, c’est presque un fantasme dans nos existences si bien réglées. Parce que c’est rugueux. Parce que c’est doux. Les scènes d’amour sont magnifiques, d’une beauté éprouvante, crues mais sans vulgarité. Ça dit le désir, la sensualité, les tremblements, les souffles courts, les draps froissés, le sexe et la sueur. Ça raconte Sarah.

Pauline Delabroy-Allard avance masquée ! C’est une écrivaine redoutable, dangereuse et diablement talentueuse. Vivement son deuxième roman !


LE PLAT PAYS de Jacques Brel

40 ans déjà, 40 ans et toujours là / Comme un sale gosse / À nous provoquer / À nous déranger / À nous faire pleurer / À nous dire qu’on ne vit qu’une fois…

Et puis, parce qu’il n’y a pas plus beau que les plages du nord 🌊

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Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague
Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues
Et de vagues rochers que les marées dépassent
Et qui ont à jamais le cœur à marée basse
Avec infiniment de brumes à venir
Avec le vent de l’est écoutez-le tenir
Le plat pays qui est le mien
Avec des cathédrales pour uniques montagnes
Et de noirs clochers comme mâts de cocagne
Où des diables en pierre décrochent les nuages
Avec le fil des jours pour unique voyage
Et des chemins de pluie pour unique bonsoir
Avec le vent d’ouest écoutez-le vouloir
Le plat pays qui est le mien
Avec un ciel si bas qu’un canal s’est perdu
Avec un ciel si bas qu’il fait l’humilité
Avec un ciel si gris qu’un canal s’est pendu
Avec un ciel si gris qu’il faut lui pardonner
Avec le vent du nord qui vient s’écarteler
Avec le vent du nord écoutez-le craquer
Le plat pays qui est le mien
Avec de l’Italie qui descendrait l’Escaut
Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot
Quand les fils de novembre nous reviennent en mai
Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet
Quand le vent est au rire quand le vent est au blé
Quand le vent est au sud écoutez-le chanter
Le plat pays qui est le mien.
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