LE JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE d’Octave Mirbeau

J’ai décidé de combler mes lacunes en lisant des classiques

Au hasard de Twitter, je tombe sur quelqu’un qui parle de ses lectures du moment. Journal d’une femme de chambre.

Je connais l’œuvre de nom, je sais qu’il y a eu plusieurs adaptations cinématographiques. Jeanne Moreau et Léa Seydoux me semblent avoir trempé là-dedans. Mais je n’ai ni lu l’ouvrage ni vu les films et alors l’auteur, inconnu de chez inconnu.

Le titre étant suffisamment éloquent, je me doutais gentiment de ce que j’allais lire.

Hé bien non ! Rien ne me préparait à ÇA.

Ce livre est moderne

Écrit en 1900, il est étonnamment moderne tant sur le fond que sur la forme.

Il résonne avec plein de sujets contemporains : statut social, partage des richesses, précarité, violences sexuelles et conventions.

À travers le témoignage d’une femme de chambre, Mirbeau nous livre le portrait d’une noblesse ou bourgeoisie luttant pour maintenir les apparences et le personnel en est une variable d’ajustement. Mais surtout, il donne la parole à une soubrette, invisible, exploitable à merci et à qui on ne demande pas de penser. Encore moins de s’exprimer.

Et pourtant, Dieu que cette soubrette s’exprime !

Mais pour s’exprimer, elle a l’audace d’écrire et de tenir un journal, deux activités réservées à ceux qui sachent. Tout cela est un poil subversif.

Alternant entre language châtié et parler populaire, ce style ainsi que la forme du journal insufflent un rythme atypique à l’histoire. Tour à tour, on alterne entre une sorte de vitalité jubilatoire et des réflexions plus sombres. Cela donne un récit tout sauf passif ; réaliste, satirique et haletant.

Ce livre est déroutant

Diantre que j’ai été déroutée. Pendant toute la lecture et les jours qui ont suivi.

Dès les premières pages, le ton est donné. L’art de dire des choses graves l’air de rien qui vous donne l’impression qu’on se dirige lentement mais sûrement vers l’irréparable.

Un malaise vous prend et ne vous quitte plus. Car, oui, c’est une critique des mœurs bourgeoises et un aperçu de la condition des domestiques, mais cette femme de chambre a un côté sombre. Ce n’est pas les gentils d’un côté contre les méchants de l’autre.

Bien sûr, les bourgeois sont violents, hypocrites, radins, exploiteurs, agresseurs.

Mais faut voir ce qu’elle envoie sur ses semblables ! Abrutis, sournois, fainéants, voleurs, faibles. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est l’antisémitisme ambiant qu’elle décrit comme quasi généralisé dans cette France d’en bas, au début du siècle.

Elle déteste les riches mais n’en aime pas pour autant les pauvres. Elle critique les bourgeois mais aspire à vivre comme eux et déteste ses semblables qui la renvoient à sa condition. Elle s’estime à part, au-dessus de tous les lots. Et c’est vrai qu’elle est intelligente, c’est presque une étude sociologique ou antrophologique qu’elle nous fait.

Elle traque la noirceur d’âme chez les autres pour éviter la sienne, l’un justifiant l’autre. Il n’y a aucune morale dans ce livre, aucune leçon.

On sent une folie, une violence, une haine prêtes à tout emporter.

Je commence en me disant « elle est complètement frappée, la Célestine ». Mais au regard de son témoignage, de quel côté est la vraie folie ? Ceux qui vous déshumanisent ou les oppressés ?

Comme le dit Bertolt (aka Bretch) « On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent » (très très envie de me la péter avec cette référence mais bon, je l’ai découverte dans la série 10%. Hé oui, tout de suite, on descend d’un étage 🤪).

Ce livre est à lire

Je vous le conseille, j’ai ressenti plein de sentiments contradictoires. On est à la fois effrayé par Célestine et on s’y attache. Bref, rien n’est noir, rien n’est blanc, tout est gris.

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