SORCIÈRES (ou La puissance invaincue des femmes) de Mona Chollet

Mona CHOLLET a tout pour me plaire !

Je suis tombée en arrêt devant ce livre à la Fnac. Mais vraiment en arrêt ! Je suivais Népoux qui voulait me montrer un ouvrage EX-TRA-OR-DI-NAIRE, quand, soudain, je me suis immobilisée et plus rien ne comptait hormis ce bouquin. Laissant Népoux continuer à tracer dans les rayonnages, parlant tout seul, persuadé qu’il était que je le suivais, j’observe la couverture. Le titre, Sorcières, et l’illustration 😍. Un vrai coup au cœur ! Tout était réuni pour un potentiel gros gros coup de foudre. Même le fait que ce soit un essai ne m’a pas arrêtée, moi l’accro aux romans, au contraire ! Je subodorais qu’on allait sortir des sentiers battus, que les sorcières en question allaient être diablement intéressantes et subversives. Tel un Jean-Marc Généreux de la littérature : J’ACHÈÈÈÈÈÈTE !!!

Je démarre, et là, joie intégrale. Mona et moi avons plein de références communes. Quel bonheur de lire un livre peuplé de gens que j’admire. Des êtres qui sortent des clous, mais pas seulement. Ils ont une vision, des convictions chevillées au corps, un génie, un courage, un humour… Et même si toutes les vies se valent, la leur m’émerveille tant ! Alan Moore, Gloria Steinem, Anne Sylvestre, Clarissa Pinkola Estes, pour ne citer qu’eux, des âmes tellement riches et plurielles qu’il est réducteur de les qualifier.

Et ça continue ! Références pop-culturelles (ma passion, inventer des mots 🥶), historiques, etc. Bon sang, c’est jouissif ! Quand, en plus, Mona se décrit comme un cliché sexiste ambulant : émotive, impulsive, parfois naïve, maladroite, toujours à côté de la plaque. Une bourgeoise un peu coincée qui aime que rien ne dépasse, que tout soit carré, mais mue intérieurement par une petite voix qui la titille, une voix de révolte qui la bouscule, ne la laisse pas en paix. Mais bordel, Mona c’est moi !!!

Disney et la Renaissance ont bien miné les femmes !

Oubliez la représentation de la vieille, moche, aigrie et méchante telle que nous a abreuvé Disney à longueur de dessins animés ! C’est bien connu : toutes les insoumises sont laides et psychopathes ! Or, celles qu’on a désigné comme sorcières étaient simplement des femmes, qui avaient accumulé au fil des siècles, une force vitale, un savoir instinctif et expérientiel menaçant le pouvoir des hommes.

Je découvre, pêle-mêle, que la répression dont elles ont été victimes :

  • a été très peu le fait du fanatisme religieux mais surtout de la société civile,
  • les protestants (que je voyais comme modérés et tolérants, ayant eux-mêmes été persécutés) y ont activement participé,
  • a culminé à la Renaissance (et non au Moyen-âge, comme je le pensais).

Pourquoi la Renaissance ? C’est l’apparition de l’homme nouveau, l’homme tout puissant, qui, grâce aux multiples découvertes géographiques et scientifiques, réussit à dompter la nature. La science se pare alors d’atouts exclusivement masculins :

  • intelligence (le cerveau de la femme est plus petit et plus léger, CQFD),
  • réflexion (si on savait réfléchir, ça se saurait),
  • rationalité (y a-t-il plus illogique qu’une meuf ?),
  • stabilité (la femelle est totalement hystérique),
  • rigueur (plus bordélique qu’une nana, y’a pas),
  • transparence (on est toutes une sale bande de sournoises), et j’en passe.

Exit tout ce qui est créativité, imagination, inspiration, intuition, etc. La femme est cause de désordre, comme la nature, et doit être domptée, comme elle. Bref, « la machine à fabriquer l’homme nouveau est aussi une machine à tuer la femme ancienne ». Cet évincement de la femme de l’Histoire et son asservissement se sont encore accentués lors de l’avènement du capitalisme.

Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler ! 😈😈😈

Je ne vous dis pas le retard qu’il y a à rattraper ! Même le trône de fer paraît plus accessible !

Mona étudie plus particulièrement trois types de femmes qui cristallisent tous les rejets, toutes les haines :

  • la femme indépendante (c’est-à-dire hors de contrôle pour l’homme). Inacceptable ! La meilleure solution est de nous passer le goût de la liberté. Souvenez-vous du personnage de Glenn Close dans Liaison Fatale. Une femme libre, professionnellement et sexuellement, ça cache forcément quelque chose (Zou ! On va lui coller solitude et déséquilibres, ça va calmer tout le monde 🥳🥳🥳).
  • la femme sans enfant. Une femme ne peut trouver de véritable épanouissement qu’à travers l’enfantement. La pitié est réservée à celles qui ne peuvent connaître cette joie ultime et la haine, à celles qui ne le souhaitent pas. Et Mona, de citer Pauline Bonaparte : « les enfants, je préfère en commencer 100 que d’en finir un seul ». TU M’É-TO-NNES Pauline !
  • la vieille femme. L’horreur ultime ! Cachez cette décrépitude que les hommes (et beaucoup de femmes) ne sauraient voir !

Ce livre est passionnant et foisonnant ! Il a juste les défauts de ses qualités : parfois trop redondant et un peu désordonné, mais d’une richesse incroyable.

Et surtout, il annonce une excellente nouvelle : les sorcières sont de retour !

ADIEU POULET de Pierre Granier-Deferre

Vous le savez (mais si, vous le savez) que je vais vous parler des Dossiers de l’Écran !

Je suis un pur produit des années 70 !

J’ai porté des sous-pulls orange, des pantalons en velours pattes d’éph marron, des cagoules, j’ai gueulé à tue-tête Le Lundi au Soleil dans une 2 chevaux … et tous les mardis soirs, j’allais dormir chez mon pépé et ma mémé.

Et tous les mardi soirs, c’était le même cérémonial : après le repas, ils se calaient dans leur fauteuil, moi assise par terre entre les genoux de mon grand-père et on regardait, dans un silence quasi religieux, les informations d’Antenne 2, suivies des Dossiers de l’Écran (oui ! On était Antenne 2, certainement pas TF1, on avait le respect du service public dans la famille 😂). Autant vous dire que, concernant le prime, il n’y avait pas les avertissements pour public sensible et autres pastilles « -10 », « -14 », et j’en ai vu des scènes de meurtres et parfois de torture.

Sauf le sexe ! Ça, il faut avouer que ma famille était d’une rapidité déconcertante quand il fallait m’éloigner d’une scène de cul. Surtout qu’ils n’avaient pas la télécommande hein, fallait se lever pour changer de chaîne ! La misère !!! En revanche, totale tolérance pour la violence !

Comme tout le monde, la musique du générique me remplissait à la fois de terreur mais aussi d’une jubilation secrète : j’allais me coucher tard et regarder un programme pour les grands.

Pourquoi je vous parle de tout ça ?

Car, il y a quelques mois, Arte a diffusé Adieu Poulet. Et tout est remonté à ma mémoire, ce film étant typique des années 70 !

Un film avec Dewaere et Ventura, c’est plus une affiche, c’est un feu d’artifice !

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Je m’assure donc que les mioches n’ont pas prévu une OPA sur la télé, je me cale (ou plutôt me vautre) sur le canapé et c’est parti !

L’immersion dans les 70’s commence dès le générique 😱😱😱 !

Une typo blanche d’outre-tombe, qui bave sur un fond orange. Une musique jazzy-mélancolique (que si tu fermes les yeux tu voies un flic, sous la pluie, sous un réverbère, dans une rue déserte, avec son col de pardessus remonté, le genre de flic qui est toujours seul contre tous).

Le film commence… et je gueule « Qui a touché aux réglages de la télé ??? ». Personne 😩😩😩. Eh oui, ce petit filtre bleu sur les images, c’est d’époque !

Mais quel bonheur de revoir Dewaere, son charme de sale gamin, à la fois sympathique et dérangeant, et Ventura, toujours bougon, incorruptible, du côté des petits, ceux qui ne possèdent rien mais qui tiennent à une seule chose : leur honneur.

Et me vient une bouffée de nostalgie, ma petite minute « c’était mieux avant », en pensant à tous ces films français que j’ai vu le mardi soir et où tout semblait simple : les gentils contre les méchants, les honnêtes contre les pourris, les courageux contre les lâches, les fragiles contre les forts. C’était pas forcément les meilleurs qui gagnaient mais, WHAOUUUU, les Michel Piccoli, les Romy Schneider, les Noiret, Fabian (Françoise pas Lara 😉), Rochefort, Jobert et tous les autres, qu’est-ce que ça avait de la gueule !

Et au milieu de tout ça, Dewaere, qui n’en revenait pas d’être là, qui dévorait chaque miette tellement c’était bon, comme s’il savait que ça ne durerait pas (je vous avais dit que c’était ma minute réac. J’ai prévenu, j’y ai droit !).

Bon, OK, mais c’est quoi le pitch ?

Je vais faire court, car beaucoup connaissent.

À Rouen, en pleine campagne électorale, un candidat de droite, Lardatte, défend l’ordre et la morale. Ses hommes de main attaquent des colleurs d’affiches du camp adverse (oui, à l’époque, il n’y en avait que deux : la droite et la gauche 😉). Deux morts. Le commissaire Verjeat et le jeune inspecteur Lefèvre, chargés de l’enquête, vont vite se heurter au monde politique.

Les dialogues sont savoureux (cette répartie ! “Verjeat ? Il est pas là Verjeat ! Il est à Montpellier Verjeat ! » 😍😍😍), les acteurs excellents, je m’habitue même au filtre bleu !

Je ne suis peut-être pas très objective (sûrement pas, d’ailleurs), mais c’était chouette de le revoir. Comme une madeleine de Proust, la découverte de ses vieux jouets dans une boîte oubliée. Un petit retour en arrière qui fait du bien et qui rend triste aussi. Une nostalgie douceâtre qui s’installe dès le film terminé et la télé éteinte.

Ça ne dure pas longtemps, Fifille N°2, gueulant, comme un cochon qu’on égorge, que quelqu’un est entré dans sa chambre, Népoux, furax que Fifille N°3 ait piqué son portable et Fifille n°1 ralant que, dans cette maison, y’a jamais rien à manger.

Alors, je pense à mon pépé et ma mémé, qui, là où ils sont, me regardent peut-être, moi et ma p’tite famille. Ils doivent sourire… et je leur souris aussi.

 

 

 

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