LES ANNÉES de Annie Ernaux

Ça va pas être la chronique la plus rigolote, mais quel livre !

Moi qui suis encline à la nostalgie et la mélancolie, WoW, j’ai été servie. Ça m’a bien mise à l’envers.

Je ne sais même pas par où commencer.

Par le début, peut-être.

Ce livre embrasse les années de 1941 jusqu’à 2006. Sa vie.

Elle part de photos d’elle prises à différentes époques, en noir et blanc, puis en couleurs. À partir de ces archives qu’elle décrit minutieusement – le lieu, la pose, les habits, le sourire ou l’absence de sourire – elle égrène ses souvenirs, entre dans l’intime puis dans l’époque. Comme les ondulations de l’eau quand on fait un ricochet, le prisme s’amplifie.

À quoi pensait cette petite fille, cette adolescente, cette femme ? Quels étaient ses rêves, sa vie, son état d’esprit. Où était-elle ? Comment vivaient les gens ? Elle nous parle de la grande histoire et de la petite. Son récit sociologique réussit à nous embarquer. Les élections qui apportent leur lot d’espoir et de désillusions, les avancées, les reculs, les révoltes, les faits divers qui ont secoué ces années-là, les publicités, les films. Tout y passe, la reconstruction de la France d’après-guerre, les hypermarchés, les autoroutes, la société de consommation, mai 68, Jean-Claude Killy, le mange-disques.

Elle évite la narration auto-centrée en utilisant la troisième personne du singulier. À la fois pour prendre de la distance avec ses souvenirs, ne pas laisser l’affect prendre le dessus et pour qu’on puisse s’approprier le livre. Avec des mots simples, justes, qui disent le passé, le temps qui passe et les disparus.

Il y a peu de ponctuations, les souvenirs affluent, fusent tels des diables sortant de leur boîte. Il faut que ça sorte.

Contrairement aux autres livres que j’ai lus d’elle, c’est une structure horizontale. Il n’est pas construit autour d’un thème principal : la condition de la femme ou le transfuge de classe. Tout est évoqué qui peut permettre de restituer l’époque. Les souvenirs sont à la fois prétexte et essence du livre.

C’est un véritable tour de force, écrire une autobiographie qu’elle s’astreint à rendre impersonnelle. C’est notre passé commun qu’elle ressuscite, notre mémoire collective.

Et c’est comme ça qu’on se retrouve à chialer.

A partir de la moitié du livre, je me souviens de tout, Ranucci, les brigades rouges, « À la pêche aux moules, moules, moules ». Je me revois dans la salle à manger de mes grand-parents, assise en tailleur sur le tapis, devant les informations. Je revois cette voiture, coffre ouvert où on a retrouvé le corps d’Aldo Moro.

J’essaie de plaisanter pour faire fuir les larmes : « C’est pas rassurant de me souvenir de la quasi-totalité de l’autobiographie d’une femme qui a 30 ans de plus que moi « .

Et pourtant j’y retourne, accro à cette mélancolie douce et sucrée qu’est le temps qui ne reviendra plus. J’y reviens à ce goût doux-amer, je m’y vautre même, avec complaisance. Ça fait mal mais c’est bon.

Puis, je me demande si ce livre parlerait à mes filles. Je ne sais pas s’il est accessible à tous, à toutes les générations, s’il est « universel » comme on dit. Il y a tellement de références temporelles.

Et le début 🤩, et la fin 🤩 !

C’est sobre, c’est brut, dépouillé, presque violent. Comme si elle nous l’imposait.

C’est Annie et son supplément d’âme, celui qui fait de ses livres une œuvre.

MALEVIL de Robert Merle

Robert Merle, Robert Merle 🤔

Un poète ? Un vieux poète ? Grabataire ? Mort ? Bon sang, je ne sais rien de lui, je le connais de nom mais après, c’est le vide intersidéral. Forcément, on me l’a conseillé, je ne pense pas à Robert Merle le matin en me rasant.

« Si, si, c’est vraiment bien, je suis sûre que tu aimeras », « Malevil a marqué mon adolescence ». Diantre ! Carrément ? En voilà une personne audacieuse et qui ne manque pas d’air.

On va déjà le googleliser pour voir sa tête. Robert. On me propose Roberto Alagna, Robert Palmer, Robert Mitchum. Manifestement, y’a pas que moi qui suis passée à côté.

Je l’ai ! J’apprends qu’il est né en Algérie en 1908 et mort en 2004 dans les Yvelines. Ça ne m’avance pas beaucoup. En revanche, coup de tonnerre, c’est lui qui a écrit « La mort est mon métier ». Saperlipopette, j’ai déjà lu du Robert Merle. J’apprends que son premier roman est « Week-end à Zuydcoote » qui a obtenu le prix Goncourt dans la foulée et une adaptation cinématographique 15 ans plus tard avec Jean-Paul Belmondo.

C’est de l’excellent pedigree, je me laisse donc convaincre. Zou pour « Malevil » !

Ça commence comme du Pagnol….

Emmanuel, le narrateur raconte sa vie dans la France des campagnes. Il dit sa région et ses habitants hauts en couleur. Ça fleure bon le terroir, les champs, le pâté de campagne et la vie simple ; pas forcément plus heureuse mais plus simple en apparence. La narration est fluide et maîtrisée. Le language est multiple, châtié, patoisé. C’est drôle, émouvant, époustouflant. C’est vif comme un animal sauvage, gouleyant comme un bon vin.

L’Événement

Emmanuel nous parle de sa vie et de ses bornes c’est-à-dire les étapes clés qui l’ont jalonnée. Il y en a 7. Jusqu’à l’Événement. Au stade où j’en suis je me dis que l’Événement est un accident de voiture qui l’a laissé paralysé ou la découverte qu’il est le fils caché du chatelain du coin ou encore qu’il a un oncle en Amériques qui, en mourant, lui lègue toute sa fortune. AhAhAh, que nenni ! Putain, l’Événement ! Mais l’Événement bon sang ! Heureusement que je n’ai pas googlelisé le livre avant, ça m’aurait volé le choc et l’incrédulité que j’ai ressentis.

A partir de l’Événement, un deuxième livre commence.

Oubliez tout ce que vous savez, on change de paradigme. Exit ce quotidien rural, rassurant, éternel. Sans changer de lieu, on se découvre perdus, vulnérables et terriblement imparfaits.

Momo

Emmanuel n’est pas seul. Il y a La Menou, Peyssou, Meyssonnier, Miette, Colin, La Falvine et Thomas, pour ne citer qu’eux.

Et il y a Momo. Momo, c’est le fils de La Menou. Un grand costaud de 49 ans, simple d’esprit, que sa mère protège, couve et rabroue.

Momo c’est mon coup de ❤️. Il m’a fait rire et pleurer. Il s’exprime difficilement, déteste se laver. Je le voyais, sous mes yeux, en train de courir se cacher quand sa mère l’appelait pour la douche. Et quel couple avec sa mère ! Ils ont été tous les deux mes plus grands fous rires de l’été.

 Je ne peux pas vous en dire plus. Lisez-le, mais sans vous renseigner sur internet avant, sans lire le résumé. Soyez vierge de toute cette histoire et laissez-vous porter. Que c’est beau un livre singulier qui vous saisit comme ça.

Je finirai avec Momo et une de ses fameuses phrases : « Mé bouémalabé oneieu emebalo ».

A vous de trouver sa traduction !

ANATOMIE DE L’AMANT DE MA FEMME de Raphaël Rupert

Comment ça, le confinement est terminé ? Vous êtes sûrs ?

Fin août. Je traine dans les allées d’une librairie. Pas vraiment motivée. Rien ne me tente. Je jauge et juge uniquement les titres et les couvertures ; lire le résumé est un trop gros effort. Il faut dire que le confinement est passé par là. Il m’a totalement abrutie. Comme si on me plongeait violemment dans un épisode de The Twilight Zone, sans texte et sans scénario (la vie quoi 🤪). Le bazar tellement improbable, ahurissant, que j’en suis restée hébétée avec une incapacité totale à réagir et à me concentrer. Autant vous dire que la lecture ne faisait pas partie de mes activités, lesquelles se résumaient à regarder alternativement BFM et des vidéos de chatons.

Les pires choses ayant une fin, je me réveille au monde progressivement (un réveil étalé sur 5 mois, on est sur de la bonne progressivité 👌) et je cherche un livre pour m’y accompagner. J’ai l’embarras du choix, encore faut-il que je sache ce dont j’ai envie. Soit un truc bien violent genre réveil trompette comme à l’armée. Soit un réveil tout doux, tout délicat. Ou alors, intello et exigeant, le genre qui vous vrille le cerveau. Ou enfin, un livre qui la ramène pas, drôle et simple. J’en étais là de mes réflexions, louchant quand même très largement sur le drôle et simple, quand apparaît LE TITRE.

Un titre plein de promesses…

« Anatomie de l’amant de ma femme ». Bon sang, tout est dit ! Le titre = le Pitch ! C’est ça qu’il me faut ! Rien que de lire la couverture j’en suis à un tiers du bouquin. Parfait !

Ce titre en dit long, sur le sujet bien sûr mais surtout sur la tonalité et le style. Je m’explique. C’est un titre factuel, minimaliste, neutre presque rigoriste. Ça pourrait être l’en-tête d’un traité scientifique. Il ne traduit pas la colère, la jalousie, l’abattement légitimes du mari, mais plutôt sa curiosité, sa réflexion, son observation. L’amant considéré comme sujet d’étude par le mari !

Vous le sentez l’humour sous-jacent ? Moi, oui !

Ce n’est pas tant « Ciel ! ma femme a un amant ! 😱 » que « Ciel ! Ma femme a un amant qui en a une grosse ». Je suis cocufié, certes, mais par quelqu’un de bien foutu ou du moins bien pourvu. 

Banco, c’est parti !

… non tenues 😩

Le héros, architecte de son état, est en pleine reconversion professionnelle. Il veut devenir écrivain. Malheureusement l’inspiration ne se convoque pas. Il va l’apprendre à ses dépends. En la cherchant, il découvre que sa femme a un amant.

Ça démarre plutôt pas mal. Une narration légère, drôle, hilarante même, avec quelques touches d’érudition saupoudrées deci-delà. Je ris et j’apprends. Jusque là tout va bien. Sauf que ça ne dure pas. Le récit commence à être interrompu régulièrement par des réflexions philosophico-existentielles totalement foutraques, un galimatias auquel je ne comprends RIEN. La seule chose qui me fait tenir c’est l’humour qu’il distille régulièrement. À chaque fois je me dis : « Yallah, c’est bon, ça redémarre ». Ben non, c’est un spasme… Et c’est reparti dans tous les sens sur la vie, la création littéraire, le métier d’architecte totalement stérile, la frontière entre imaginaire et réalité… Quel dommage d’avoir des saillies aussi drôles pour ensuite retomber sur des monologues aussi chiants ! Et je vous épargne la fin (si, si).

C’est peut-être moi qui suis totalement passée à côté. Mais tout n’est pas perdu ! Je commence à retrouver mon envie de lire… et d’écrire.

A très vite donc pour une nouvelle chronique !

L’ÉTRANGER de Albert Camus

Les plus belles rencontres commencent parfois par des rendez-vous manqués.

La première fois que je l’ai lu, j’ai détesté. Comme si on m’avait volée sur la marchandise. J’en attendais tellement. Trop ? J’imaginais déjà ce que j’allais lire. L’histoire, l’ambiance, les messages cachés. Avec le recul, je ne pouvais être que déçue. Forcément.

Je voulais tellement aimer Camus que je suis passée totalement à côté.

Trop simple, trop basique, trop facile, trop écrasé de chaleur. Et ce titre ? Mais c’est qui l’étranger ? Et pourquoi ?

Comme quand vous attendez trop de quelque chose ou quelqu’un. Vous imaginez la rencontre, prévoyez tout, anticipez. Vous savez exactement ce qui va être dit, fait, tout ce qui va se passer. Et rien ne se passe comme prévu. Alors, vous ne raisonnez plus, c’est la déception, telle une vague violente, qui emporte tout sur son passage.

Vous restez là, comme une imbécile qui a voulu trop forcer, imposer son histoire sans laisser de place à l’histoire de l’autre. 

J’ai détesté Camus, lui en ai voulu, comme une promesse secrète qu’il m’avait faite et qu’il n’a pas tenue. Je l’ai maudit, banni, évité, relégué dans les oubliettes de mon panthéon alors même que je lui destinais la première place.

Puis, au bout de quelques années, la curiosité et l’envie sont revenues, doucement. Je me suis décidée à relire L’Étranger.

Ne rien attendre, c’est peut-être le secret.

Ça n’a pas été une révélation, un éblouissement, un choc. Non, juste une évidence. Quelque chose de doux, de limpide, comme le soleil qui vous enveloppe de sa chaleur. Enfin, ça me parlait ! Enfin, je comprenais Meursault ! Cet homme que j’abhorrais lors de ma première lecture, que je trouvais lâche, indifférent, d’un détachement à la limite du demeuré, je l’ai enfin atteint.

C’est lui l’étranger, étranger au monde, à sa propre vie. Certains disent qu’il refuse de faire semblant. Refuser c’est déjà agir, se révolter. Non, il ne refuse pas, il ne sait pas faire semblant, il n’en éprouve ni besoin, ni envie, ça ne l’effleure même pas. Il est. Et ce qu’il est nous est incompréhensible car trop singulier, trop absolu, trop dérangeant. Alors, il faut détruire cet être impie qui menace notre vérité. La sienne risque de nous consumer.

Une femme lui propose le mariage, il ne l’aime pas. À la question évidente que tout le monde poserait, « pourquoi ? », il oppose la question « pourquoi pas ? ».

Le style est dépouillé, le récit minimaliste. Meursault est le narrateur. Il raconte son histoire, sans affect, sans fioritures, sans envie de vous convaincre. Vous la lirez… ou pas.

Je me suis trompée de bout en bout. Ce livre n’est pas simple, ce livre n’est pas vide.

Ce livre contient le monde.

UN CERTAIN MONSIEUR PIEKIELNY de François-Henri Désérable

Monsieur Piekielny, le figurant le plus célèbre de la littérature française !

Pour les amoureux d’ouvrages classiques en général et de Romain Gary en particulier, il est impossible de ne pas connaître Monsieur Piekielny ! C’est le plus grand hold-up jamais réalisé dans un roman. Ce n’est pas un personnage principal, encore moins secondaire, il n’est présent que trois pages dans un livre qui en compte 464 (il représente très exactement 0,6 % de l’œuvre, c’est quand même très très léger, on est largement en-dessous du quart d’heure de gloire revendiqué par Warhol). C’est énorme de parler d’un quidam pendant trois pages ! Autant vous dire qu’aussitôt sorti de l’obscurité, il aurait dû y retourner illico et n’en plus jamais sortir. Mais c’est sans compter sur le pouvoir de l’écriture de Romain Gary. En quelques lignes, il décrit un homme qui représente à lui-seul la condition humaine. Une ombre à la vie banale, sans éclat, qui subit, qui obéit et qui souffre aussi dans l’indifférence la plus totale. Que cet homme effacé, insignifiant, puisse avoir une requête et la porter devant un enfant, en hésitant puis en l’implorant, est d’une force émotionnelle incroyable. Et quelle requête ! Celle de laisser une trace de son passage sur cette terre, donner un sens à son existence ! Le désir ultime de tout être humain ! Ces trois pages racontent ça, NE RACONTENT QUE ÇA et pourtant elles érigent Monsieur Piekielny au rang de héros de la littérature.

Je ne suis pas la seule à le penser car, que vois-je, début 2019 ? Il fait les gros titres. On lui consacre un roman entier presque 50 ans après la sortie de La Promesse de l’Aube.

Je dois lire ce livre, mais je me pose une question 🤔

C’est qui François-Henri Désérable ?

François-Henri 😱 : je penche pour un vieux issu d’une lignée noble, mais qui, après avoir perdu la particule, a tout misé sur le prénom. Pas du tout ! Il est jeune, mignon tout plein et a un parcours totalement atypique. Passionné de hockey sur glace 😱, il devient joueur professionnel puis s’inscrit en Droit pour rassurer sa maman. Études de droit qu’il abandonne pour se consacrer à l’écriture. Ça, c’est pour Wikipédia.

Je me découvre un point commun avec lui (en plus de son admiration pour Romain Gary) : son aversion pour le 15e arrondissement de Paris. Mais tout pareil ! C’est l’arrondissement qui ne choisit pas son camp, qui essaie d’être tout à la fois : huppé, bourgeois, populaire, branché… et qui, au final, n’est rien. Tous les quartiers sont tristes (je le sais, je les ai tous écumés) : Javel, Grenelle, Mirabeau, Convention, Pasteur, même Montparnasse est chiant côté 15e ! Les jeunes ont l’air vieux, les vieux le sont. JE HAIS le 15e 👿!

Stop ! Revenons à son livre.

De quoi parle-t-il exactement ?

François-Henri, amoureux de La Promesse, décide d’enquêter sur ce Monsieur Piekielny. A-t-il seulement existé ? Quelle était sa vie ? Quelle a été sa fin ?

Et commence alors un grand bringuebalement pour le lecteur.

  • L’histoire, d’abord, qui a pour point de départ Monsieur Piekielny, mais qui n’est rien d’autre qu’une déclaration d’amour à Romain Gary, aux hommes de bien et parfois de rien. L’histoire qui nous entraîne à Vilnius en Lituanie, pays que l’on imagine gris, triste et froid, parfait linceul pour ces Juifs qui y sont morts par milliers. Piekielny en faisait-il partie ? Et puis l’auteur, au milieu de tout ça, qui essaie de trouver sa place, de mettre son histoire dans l’Histoire, sans prétention, avec malice et élégance.
  • La forme, ensuite, qui virevolte entre enquête rigoureuse et imaginaire fécond et débridé de l’auteur. Cela donne un ouvrage foisonnant et tourbillonnant.
  • Le style, enfin. François-Henri jongle avec tous les styles, avec une décontraction et une aisance apparentes. On passe de l’humour (FH est très très drôle) à la tristesse, de la légèreté à la gravité, de la vérité au mensonge. Seul bémol : à avoir tant de talent, parfois FH en fait trop. Certains passages manquent de simplicité, sont un peu trop pompeux, l’auteur se regarde écrire (libre adaptation par moi-même 😜).
J'ai pris énormément de plaisir à lire ce livre. C'est un bel hommage à Romain Gary et à un certain Monsieur Piekielny !

La guerre, ce massacre de gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas.  Paul Valéry

Et par le pouvoir d'un nom
Je recommence Ta vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer
Piekielny

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