FLEABAG de Phoebe Waller-Bridge

Mon p’tit cœur palpite à l’idée de vous parler de Fleabag 🥳

Non ! J’ai dit non ! Ce n’est pas parce que tout le monde en parle que je vais regarder. Pourquoi ? Parce que c’est une série. Qui dit série dit engrenage, chronophage, nuits blanches, réveils douloureux où je ressemble à un lémurien boursouflé, « promis, ce soir je me couche tôt » et autres ennemis de mon capital sommeil. Sauf que Télérama est passé par là, avec une critique au cordeau que je vous fais courte : « Fleabag, une mécanique très méticuleuse à l’humour noir magistral », ou encore, « Fleabag manie, avec brio, désespoir et humour noir ». Mais, croyez-moi, le meilleur pitch est une répartie de l’héroïne qui résume tout : « toute ma vie, j’ai utilisé le sexe pour combler le vide flagrant dans mon cœur ». Youhouuuu, c’est plus un résumé, c’est un diagnostic. J’arriiiiive !

Avant de foncer tête baissée, comme à mon habitude, je googlelise quand même, histoire de voir la tête des protagonistes et l’ambiance visuelle. Je tombe sur une photo du personnage principal, magnifique trentenaire à l’élégance british, regard face caméra, Rimmel coulant sur les joues.

C’est parti !

Cette série vous donnerait presque envie d’avoir une vie de merde !

Bienvenue dans le quotidien de Fleabag, surnom d’une jeune londonienne, belle, drôle, naturelle, déjantée, bref… parfaite. Sa vie pourrait être un long fleuve tranquille. Mais (car sans mais, pas de série), il y a des failles que l’on découvre progressivement, ou plutôt des absences abyssales, celle de sa mère et, surtout, celle de sa meilleure amie. Et c’est là que l’expression « l’humour est la politesse du désespoir » de Chris Marker (si, si, c’est Wikipédia qui le dit) prend tout son sens. Car Fleabag est un bon petit soldat, luttant comme elle peut, avec ses armes, pour continuer à vivre, à trouver sa place entre une affreuse belle-mère (génialissime Olivia Colman), une sœur presque parfaite et un père dépassé par à peu près tous les événements de la vie.

Le meilleur de l’humour british !

Les puristes vous diront que rien n’égale les Monty Python, mais je ne suis pas puriste, et je n’aime pas les Monty Python.

Les cinq premières minutes sont assez déstabilisantes car, régulièrement, l’héroïne vous regarde et s’adresse directement à vous (le fameux 4e mur). Mais une fois que vous êtes dedans, impossible de décrocher ! C’est une corne d’abondance d’émotions, vous passez de l’hilarité à la tendresse, de l’humour trash à la tristesse.

C’est bouleversant, c’est prodigieux ! Fleabag est tout à la fois délicate, cash, élégante et inapte. Elle est surtout pudique. Pas la pudeur physique, non, la vraie, celle où, par politesse et par orgueil aussi un peu, on tait notre souffrance. Pour ne pas déranger, pour ne pas inquiéter, pour se convaincre soi-même qu’on va y arriver.

Elle ose tout, envoie valser à la fois le patriarcat et les féministes.

Ne passez pas à côté de cette série ! Douze épisodes de 25 minutes et je prends les paris que vous aurez envie d’avoir Fleabag comme meilleure amie.

C’est doux comme une plume et raide comme un alcool fort. C’est indispensable pour passer les fêtes 🥳.

Bonnes fêtes à tous !

LES GRATITUDES de Delphine de Vigan

J’ai des préjugés !

Il y a des écrivains qui me font fuir sans aucune raison objective, vu que je ne les ai jamais lus : Marc Levy, Anna Gavalda, Tatiana de Rosnay, Guillaume Musso et … Delphine de Vigan en font partie.

Pourquoi ? Parce que ce sont les auteurs les plus lus en France ? Parce qu’ils ont du succès ? Serait-ce donc pure jalousie de ma part ? 🤔

Peut-être 😈… ou pas. Le problème est qu’ils sont partout et qu’ils sont parfaits. Ils submergent les Fnac et les librairies, ils enchaînent les critiques élogieuses et ils vendent. À Noël, c’est l’idée cadeau qui vous évite de vous planter. Quand ma liseuse m’envoie des alertes sur « Les 10 meilleurs livres de l’année » ou autre liste de best-sellers, bim, ils sont dedans. Les rares fois où j’ai vu ou lu une interview d’eux, rien ne dépasse, ils sont charmants, sensibles, spirituels et légèrement tourmentés, comme s’ils avaient une blessure ancienne et secrète (mais n’insistez surtout pas ! Elle restera secrète, mais un peu visible quand même). Parfaits, vous dis-je ! Justement, peut-être un peu trop parfaits et consensuels.

Quand ma route croise celle de Delphine…

Vous ai-je déjà parlé de mes très chers amis, Céline et Laurent ? Après m’avoir poussé au suicide en m’offrant Glaise de Franck Bouysse, ils ne désespèrent pas et récidivent avec Les Gratitudes (la question qui va finir par s’imposer c’est : me veulent-ils du mal ?). Je suis taquine, car, grâce à eux, je vais enfin découvrir Delphine !

Je commence les deux premiers chapitres… et je DÉTESTE AVOIR RAISON 😭 ! Je laisse donc la place à ma jumelle maléfique pour la suite de cette chronique.

Ce livre m’a donné envie d’étrangler des chatons.

C’est Michka. Elle est vieille. Elle ne peut plus vivre seule dans son appartement. Elle n’a pas d’enfants naturels, mais elle a une fille de cœur : Marie. Michka est prête à partir, mais elle doit réaliser une dernière chose avant, comme un solde de tout compte.

C’est plein de bons sentiments, mielleux, doux, sucrés, qui vous culpabilisent bien. Hein, toi là, oui, toi 👉 !!! Quand as-tu dit merci pour la dernière fois ? Pas un merci quand on te tient la porte. Non ! Un vrai merci, un merci qui fait chialer quand tu le dis ou quand tu le reçois ! Tu sais que les gens vont mourir ? Dépêche-toi, ingrate !!!

Je sais que c’est facile de critiquer les bons sentiments mais merde, c’est facile aussi de les surexploiter !

On veut tous de la douceur, de l’amour, de la bienveillance et des crêpes au Nutella (même si ça fait mourir les orangs-outans), moi y compris, mais à ce stade, c’est l’overdose. J’ai l’impression de lire le livre d’un calino-thérapeute.

C’est pas grave, on va se refaire sur le style et l’histoire.

Eh ben non ! C’est propre, bien écrit, rien à dire. RIEN À DIRE 😱 ! Quant à l’histoire, c’est celle qu’on pressent. Aucune surprise, aucun étonnement !

C’est ce qu’on appelle un livre bien ficelé. Sauf que ça ne suffit pas. Un livre ne doit pas être bien ficelé, ni correct, ni efficace.

Je n’ai pas aimé Les Gratitudes. C’est exactement ce à quoi je m’attendais. Comme quoi, parfois les préjugés ont du bon.

PROPRIÉTÉ PRIVÉE de Julia Deck

François avait dit que c’était drôle…

… Et tout ce que dit François est parole d’évangile. De plus, j’ai trouvé Julia Deck charmante lors de son passage à La Grande Librairie, un brin caustique, des yeux rieurs, n’en faisant pas trop. Elle parlait de son livre de façon simple, avec un mélange d’assurance et de retenue des gens qui se plient à la promo mais dont ce n’est pas la tasse de thé. Son sujet se prêtait parfaitement à la satire : un couple de bobos parisiens qui se rêve propriétaire, qui plus est, dans une résidence écologique dernier cri alliant proximité de la nature et des commodités.

On notera que le bobo parisien est la cible de choix de l’époque, l’ennemi commun, l’insulte suprême de tous ceux qui ont des griefs sur tout et n’importe quoi mais ne savent pas trop qui incriminer, « c’est la faute aux bobos ». C’est dit d’une façon tellement définitive que ça doit bien être vrai. Ça me fait toujours un peu mal. J’avoue que je les aime bien les bobos, au moins ils n’avancent pas masqué… et puis j’en suis une et de la pire espèce 😱!

Bref, ça fleurait la caricature mais plutôt maline et subtile sur fond de réalisme. Je me suis laissée tenter.

Quand la mayonnaise veut pas monter…

Y’a tout les ingrédients, vous avez suivi la recette à la lettre, fait tout comme c’était marqué… mais ça veut pas prendre.

Là, c’est pareil ! Julia écrit bien, c’est mordant à souhait, pas de palabres, elle rentre tout de suite dans le vif du sujet qu’elle déroule avec maîtrise. Ça se lit agréablement et rapidement car le récit est court.

Alors quoi ?

Déjà, je n’ai ressenti aucune attirance pour les personnages. Le couple principal est totalement atone, cohabitant, sans envie, ni projet, ni désir, si ce n’est aspirer au calme (cela dit, au moment où je l’écris, je me dis que le calme peut être un projet de vie totalement honorable…. mais ce n’est pas encore le mien).

Ensuite, la satire est un peu légère, tout est survolé et tout est attendu. Julia se limite à planter le décor et les personnages. Elle installe un minimum d’interactions pour bien faire comprendre que « l’enfer, c’est les autres » mais les situations sont assez convenues, entre travaux, fêtes et vide-greniers et souvent expédiées. Finalement la caricature n’est pas si subtile que ça.

Enfin, je reconnais qu’il y a bien un embryon d’intrigue, genre thriller. J’avoue que je suis totalement passée à côté. Franchement, je n’ai compris ni en quoi les voisins étaient démoniaques et machiavéliques (chiants tout au plus), ni l’utilité d’une telle histoire dans l’histoire puisque de toutes façons tout est laissé en suspens.

Je n’ai pas détesté… je n’ai pas aimé. C’est un livre que j’ai lu rapidement et que j’oublierai tout aussi rapidement. Dommage car Julia a un vrai style qui pourrait donner des pépites.

LE BAL DES FOLLES de Victoria Mas

Certains livres sont comme des bonbons.

Vous savez que vous allez finir le paquet d’un seul coup et que ce sera délicieusement régressif. Vous connaissez la plupart des goûts, c’est tout ce que vous aimez, fraise, citron, menthe. Il y a des nouveautés, acidulées, qui vous picotent la langue et font le plein de sensations. C’est un plaisir connu et rassurant.

Le Bal des Folles fait partie de ces livres. Vous le pressentez rien qu’en lisant le résumé. Le sujet est alléchant, l’intrigue est bien construite, l’histoire plaît sans nous bousculer. C’est ce qu’on appelle un page-turner. Bien sûr, c’est captivant, on découvre un univers d’autant plus passionnant qu’il est historique et méconnu. Tous les ingrédients sont là : des surprises, des personnages sacrifiés car il en faut, des rêves enterrés car c’est souvent le propre des rêves, des vies brisées qui mettent en exergue celles qui seront sauvées. Au final, le lecteur a ce qu’il veut, le contrat est rempli. On a passé un très bon moment. 

Victoria a de l’avenir….

« Vous êtes cordialement conviés au bal costumé de la mi-carême, qui aura lieu le 18 mars 1885 à l’hôpital de la Salpêtrière. »

Ce bal est le point d’orgue du livre, l’événement où le Tout Paris accourt pour se procurer sa dose d’adrénaline, pour frissonner sans danger. Car dans ce bal, se côtoient la haute société et les folles de l’hôpital de la Salpétrière.

On y découvre les dingues, les sorcières, les hystériques, les apathiques…

Derrière ces termes, des femmes brisées par les hommes car « trop ». Trop indépendantes, trop rebelles, trop érudites, trop curieuses. Elles gênent, dérangent, troublent l’ordre établi et confortable de la société. Elles osent parler tout haut, espérer une vie où elles seraient écoutées, considérées. Elles viennent de tous les milieux, le besoin de liberté ne s’embarrasse pas des conditions sociales. Mais l’ordre patriarcal transcende les classes, c’est même leur seul point commun.

Alors, elles sont décrétées folles, enfermées, étudiées, deviennent des cobayes au nom de la science. Certaines s’en accommodent, après tout, être enfermée dehors ou être enfermée dedans, quelle différence ? D’autres pas.

… et du travail.

C’est son premier roman et je l’ai dévoré. Pour plein de raisons : c’est un roman historique, le Paris de la Belle Époque. Il parle des femmes, de folie, de violence et de liberté.

Le roman de Victoria pourrait être ambitieux, pourtant il m’a laissé un goût d’inachevé.

Le style, d’abord, est trop scolaire, trop anodin, malgré quelques passages intenses qui augurent une écrivaine capable de puissance.

L’histoire, enfin. L’intrigue est structurée, presque trop. Victoria ne s’est autorisée aucun écart, de ces écarts qui vous culbutent, vous ravagent.

Je vous le conseille néanmoins. Victoria Mas livre là un étonnant et séduisant roman-feuilleton, de ceux que l’on lisait dans les gazettes du temps du Bal des folles. Et ce n’est pas donné à tout le monde !

LAISSEZ-MOI de Marcelle Sauvageot

Pourquoi ?

Depuis que j’ai lu ce texte, je n’éprouve que des mauvais sentiments… Jalousie de ne pas l’avoir écrit, regret de ne pas l’avoir lu plus tôt, colère de ne jamais avoir entendu parler de Marcelle….

C’est d’abord (comme souvent) sa couverture qui m’a attirée. La photo est célébrissime (Les plongeursGeorge Hoyningen-Huene) mais surtout trompeuse. Un couple en maillot de bain, pose de profil en nous tournant la tête, assis sur ce qui semble être un plongeoir, face à la mer. En réalité, cette photo des années 30 a été prise sur les toits de Paris.

Je prends le livre, le tourne et découvre des critiques pleines de louanges teintées d’incompréhension et de tristesse que cet ouvrage n’ait pas fait date dans la littérature.

Zou ! Je l’achète et le lirai pendant les vacances ! On va voir s’il va faire date !

Les facéties de la vie ont voulu que, je lise ce livre, bloquée sur un lit d’hôpital. Quelle ironie ! S’immerger dans une histoire de femme malade (et condamnée ?) dans un sanatorium quand on est soi-même coincée dans une ambiance gériatrie 👌👌👌.
J’ai toujours eu un excellent sens de l’à-propos.

Alors, date ou pas date ?

Au diable le suspense ! Date bien sûr !!! Ce texte est tout à la fois un récit, une lettre, un manifeste, un adieu. Il est court, 123 pages, sans emphase, sans effet de style et pourtant… L’écriture est simple, fulgurante, tellement juste et belle, à la fois douce et violente. Un peu comme l’eau vive et glacée d’un torrent. Y plonger est une évidence mais qui n’a rien de confortable. Après vous avoir rafraîchi, la froidure vous saisit et vous oblige à nager pour ne pas perdre pied, pour éviter l’engourdissement.

Car c’est de cela qu’il s’agit, ne pas s’engourdir, jamais, ni pendant une histoire, ni après une rupture.

Jamais je n’ai été aussi proche de la vérité d’une rupture, jamais je n’ai lu un texte qui exprime tout à la fois les émotions, l’affect mais aussi l’intelligence, la distance, la force. Comme l’autopsie enflammée et lucide que l’on ferait d’un amour mort. 

Entrez dans la lumière…

L’héroïne, soignée dans un sanatorium dont elle ne ressortira peut-être pas vivante, illumine ses journées en pensant à son amant. Jusqu’au jour où elle reçoit une lettre « Je me marie… Notre amitié demeure. »

Malgré le choc, elle ne subira pas. Elle a décidé d’aimer cet homme, elle va décider de le désaimer… presque pour les mêmes raisons. Femme libre, amoureuse, délaissée, mais libre avant tout. Elle est forte. Personne ne pourra détruire ce qu’elle est intrinsèquement. À force de tout faire pour plaire à l’autre on se perd et c’est le pire, comme une trahison à soi-même, comme une solitude supplémentaire qui s’ajoute à nos renoncements. Elle évoque « le petit coin qui ne vibre pas, même au plus profond du bonheur », ce refuge accessible de vous seul et dans lequel vous conservez votre intégrité. Un lieu à soi. « Vous êtes parti, mais je me suis retrouvée… Je ne me sens pas seule ».

Certains diront que c’est le charme de la passion, de tout vivre intensément, de toucher le fond, de s’oublier… Je pense, au contraire, comme Marcelle : on ne doit jamais s’oublier, jamais s’effacer devant qui que ce soit.

Ce livre est un bijou brut, à lire et à relire… Et puis, cela n’a rien à voir, ne légitime rien, n’apporte rien … Mais Marcelle était belle, tellement belle.

CONTRADICTIONS de Esther Granek

Contradictions

Ils cohabitent en moi.
Se battent sans qu’on le voie :

Le passé le présent
Le futur et maintenant
L’illusion et le vrai
Le maussade et le gai
La bêtise la raison
Et les oui et les non
L’amour de ma personne
Les dégoûts qu’elle me donne
Les façades qu’on se fait
Et ce qui derrière est
Et les peurs qu’on avale
Les courages qu’on étale
Les envies de dire zut
Et les besoins de lutte
Et l’humain et la bête
Et le ventre et la tête
Les sens et la vertu
Le caché et le nu
L’aimable et le sévère
Le prude et le vulgaire
Le parleur le taiseux
Le brave et le peureux
Et le fier et le veule…

Pour tout ça je suis seule.

CHANSON DE LA SEINE de Jacques Prévert

Back to Paris !

La Seine a de la chance
Elle n’a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et elle sort de sa source
Tout doucement, sans bruit…
Sans sortir de son lit
Et sans se faire de mousse,
Elle s’en va vers la mer
En passant par Paris.


La Seine a de la chance
Elle n’a pas de souci
Et quand elle se promène
Tout au long de ses quais
Avec sa belle robe verte
Et ses lumières dorées
Notre-Dame jalouse,
Immobile et sévère
Du haut de toutes ses pierres
La regarde de travers


Mais la Seine s’en balance
Elle n’a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et s’en va vers le Havre
Et s’en va vers la mer
En passant comme un rêve
Au milieu des mystères
Des misères de Paris

L’AMOUR SOUS ALGORITHME de Judith Duportail

Youhouuuu, aurait-on découvert l’algorithme de l’amour ?

Ce livre est sorti récemment et a valu moult interviews à son auteure. Le sujet est MEGA attractif. Judith est journaliste et son ouvrage est présenté comme une enquête dont le contenu s’annonce explosif. Le résumé est plus qu’alléchant, jugez-en par vous même :

Après une rupture amoureuse, Judith Duportail s’inscrit sur l’application de rencontre Tinder. Pluie de textos, dizaines d’hommes à ses pieds, ego boosté…
Elle s’enivre. Jusqu’au jour où une information l’estomaque : l’application note secrètement ses utilisateurs sur leur “désirabilité”.
La journaliste prend alors le pas sur l’amoureuse. Épaulée par un hacker, un mathématicien et un avocat, elle se lance dans une quête qui l’amènera à plonger très loin dans les rouages des algorithmes et de son intimité. Jusqu’à découvrir un document de 27 pages susceptible de faire trembler Tinder.

Faire trembler une des applications les plus rentables de l’App Store ? J’achèèèèèète ! Ça fleure le scandale retentissant, la vilaine multinationale qui s’en donne à cœur joie sur le dos des pauvres naufragés de l’amour. Il va y avoir de sombres manœuvres, des méchants, des victimes, du pouvoir, de l’argent, du sang ??!! (je m’égare, je m’égare 🤪).

Ce livre est totalement addictif

Ça commence par une rupture, celle de Judith. J’adoooore. Oui, je sais, c’est mal mais j’assume, car comme disait Jules Renard (repris par Pierre Desproges) : « il ne suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres ne le soient pas ».

Et ce livre est un petit bonbon bien sucré ! C’est toujours un bonheur, comme un baume bien gras, hydratant et confortable sur votre petit 💜 (ou égo), de constater que, non, vous n’êtes pas la seule à être TOUJOURS à côté de vos pompes, à vivre en dix secondes une myriades de sentiments que certaines personnes mettent une vie à ressentir, à douter de tout et n’importe quoi.

Judith s’en va donc chercher l’amour sur Tinder. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle s’en donne les moyens : régime pour correspondre aux canons de beauté, choix de la meilleure photo, humour saupoudré d’un soupçon d’esprit… Vous riez, vous compatissez, vous l’encouragez… Bref, vous vivez son histoire avec elle ! Lorsqu’elle commence son enquête sur le fonctionnement du site, qui n’est pas aussi transparent qu’elle l’imaginait, vous l’accompagnez dans ses investigations, assistez à ses découvertes. Du vrai reportage, caméra à l’épaule !

On sent la journaliste, son écriture est précise, fluide, incarnée, accessible. Pas de bavardage ni de verbiage. Elle est directe, punchy et drôle, avec un style très agréable à lire.

Alors ? Ce scandale ? Ben, Pile ET Face 🤔

C’est malin, ce titre 😤. Maintenant je vais avoir la chanson de Corynne Charby dans la tête toute la journée (les musiques pourries des 80’s : ma passion 🥳 ).

Mais revenons au livre. Si je résume, côté Pile : ce livre est addictif, instructif, agréable et rapide à lire. Son enquête est ultra documentée et sérieuse (pour autant que je puisse en juger, vu que je n’ai aucune légitimité en la matière)… Alors quoi ?!!!

Ben… Côté Face : franchement, ses révélations m’ont fait l’effet d’un glaçon dans une citerne (canicule oblige 🥵). Peut-être suis-je blasée ? Cynique ? Pas aussi féministe que je le revendique ? Peut-être ai-je lu trop d’articles sur les dangers relatifs aux données personnelles ? Peut-être n’ai-je pas saisi la portée de ses révélations. Sûrement un peu de tout ça.

  • Alors, oui, Tinder surexploite ce qu’on appelle la Data, votre Data… mais comme tout le monde. Ça n’en reste pas moins un vrai problème. Et c’est le seul point qui m’a affolée un chouïa.
  • Oui, Tinder décerne une note de « désirabilité » aux utilisateurs afin d’aiguiller les rencontres (en résumé : les winners avec les winners et les boloss avec les boloss). En même temps, c’était déjà le cas quand j’étais au collège !
  • Oui, Tinder s’arroge une image de modernité et d’égalité Hommes-Femmes dans la relation amoureuse, alors que leurs algorithmes reprennent tous les critères de la société machiste.
  • Oui, les facteurs tels l’éducation, le niveau social, le physique, l’âge… jouent un rôle prépondérant dans une mise en relation, y compris pour les femmes. Rien de vraiment nouveau sous le soleil. Ce serait pure hypocrisie de ne pas le reconnaître. On ne détruit pas des siècles d’éducation patriarcale en si peu de temps.
  • Non, le hasard n’a pas sa place sur Tinder… comme dans les agences matrimoniales du siècle dernier. L’échelle a juste changé à l’heure d’internet et de la mondialisation.

C’est toujours délicat de parler de sentiments. Chacun arrive avec l’imaginaire qu’il s’est construit autour de l’amour, de la rencontre, de la découverte, du partage, de l’autre. Forcément, quand cet imaginaire se trouve confronté au réel (a fortiori sur un site de rencontres), le décalage peut être violent.

Même si je ne partage pas le sentiment de révolte de Judith, je suis d’accord sur un point : une femme avertie en vaut deux. Si le contrat était transparent dès le début, beaucoup de femmes hésiteraient à s’inscrire… ce qui ne ferait pas les affaires de Tinder vu qu’elles ne représentent qu’un tiers des utilisateurs !

J’ai adoré ce livre mais pas pour les « bonnes raisons » manifestement. Pas pour les raisons « vendues » dans le résumé ou par les médias. Je l’ai perçu comme divertissant, « feel good », le récit autobiographique prenant largement le pas sur les aspects journalistiques attendus, tels « enquête », « révélations ». Peut-être ai-je mal compris le contrat moi aussi ? 🤷🏻‍♀️

BAISE-MOI de Virginie Despentes

Entre Virginie Despentes et moi, c’était pas gagné !

Il y a deux ans, je me suis résignée (oui, vous avez bien lu, RÉ-SI-GNÉE) à lire un livre d’elle. Elle fait partie des auteur·e·s incontournables en France, elle est régulièrement invitée dans les émissions littéraires ou dites de « divertissement ». Elle se retrouve plus souvent qu’à son tour en tête de gondole à la Fnac. Bref, j’étais obligée ! Histoire de l’avoir lue, « comme tout le monde » et d’avoir un avis, « comme tout le monde » (paradoxalement, j’aime bien le concept « être comme tout le monde » de temps en temps🥺).

Restait le choix du bouquin ! Ça allait se jouer entre les trois titres les plus connus : Baise-Moi, King Kong Théorie ou, le dernier en date, Vernon Subutex.

La sélection se fait naturellement. King Kong Théorie est un essai, je veux un roman. Baise-Moi traîne une réputation sulfureuse, c’est peut-être un peu too much pour moi, petite chose sensible. Je pars sur Vernon Subutex tome 1 (sensible, mais logique 🤪) !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’a pas été le coup de foudre ! Je me suis traînée jusqu’à la fin. La lente descente aux enfers de Vernon m’a paru interminable. Le genre de type attachant mais qui s’incruste et qu’on n’arrive plus à dégager. Même l’intrigue n’a pas suffit pour que je rentre dans cette galerie de portraits d’une génération déchue. Même ses errances dans Paris, même les multiples références aux années 80, qui sont trop pointues pour moi. Je n’ai pas détesté, j’ai aimé l’écriture brute, sans concession, qui exprime tellement bien la désillusion, la détresse, le dégoût, la marginalisation. Mais j’ai refermé le livre en ne sachant pas trop quoi en penser. Et c’est mauvais signe…

Il ne faut jamais dire « jamais » !

Il y a quelques semaines, je tombe par hasard sur une interview croisée entre Virginie Despentes, Béatrice Dalle et Casey sur le féminisme. Chaque intervention de Virginie est juste, brillante, radicale. Première étape du coup de foudre. Je ne peux pas rester sur un avis tiède, je décide de lire Baise-Moi !

Coup de foudre définitif et irréversible ! Je l’ai terminé depuis cinq jours et Nadine et Manu sont toujours avec moi. Je n’ai démarré aucune autre lecture tant j’ai peur que leur présence s’estompe, tant j’ai envie de rester avec elles, tant ça m’a pris aux tripes.

Et pourtant, c’est tout sauf amazing 🥳🥳🥳 !!!

Une banlieue sinistre, qui transformerait n’importe quel winner en paumé toxico et alcoolo. Une banlieue que même quand t’as encore l’envie et une chance de t’en sortir, elle te calme bien comme pour te signifier qu’on ne perturbe pas indûment la hiérarchie sociale. N’Y PENSE MÊME PAS !

Et puis, il y a Nadine et Manu. Elles ne se connaissent pas, mais ont la même histoire. Deux filles à qui personne n’a jamais fait de cadeau et encore moins la vie. Elles ont appris à esquiver les coups, si besoin à les encaisser. Elles ne se laissent pas marcher sur les pieds mais savent faire profil bas quand il le faut. Elles ont des plaisirs simples, baise et alcool, l’un finançant l’autre. Elles tiennent à leur tranquillité ; se défoncer nécessite un minimum de sérénité. Ça pourrait les faire passer pour asociales et amorales, mais ce n’est pas le cas : elles ont des accointances (le terme « amitiés » serait un chouïa exagéré) et leur propre code d’honneur.

Quand elles se rencontrent, elles ont déjà savouré la violence chacune de leur côté, elles vont juste mettre en commun leur savoir-faire, parfaire leur technique, une sorte de joint-venture du sang.

Elles assument tout,  en cela ce sont les personnages les plus féministes que j’ai jamais croisés. Elles sont libres. Une liberté grisante, choquante, absolue, qui s’obtient au détriment des autres par ceux qui n’ont plus rien à perdre. C’est totalement gratuit, c’est totalement flippant, c’est totalement enivrant ! Des Thelma et Louise trashs. « On est en train de rattraper toute une vie en quelques jours ».

Il est des livres que vous ne voudriez jamais finir. J’aurais pu les suivre au bout du monde.

Je laisserai la phrase de fin à Nadine : « ce qui convient à la main, c’est le flingue, la bouteille et la queue ».

Ni plus… ni moins. 

MAUDIE EST FOLLE de Thomas Fersen

Maudie est folle
Tout le monde le sait
Tout le monde l’a dit quand elle passait

Maudie a ses idées à elle
Pour le moins inhabituelles

Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle…

Elle entend bourdonner des mouches
Elle a peur qu’elles entrent dans sa bouche
Elle fait ses courses en robe de chambre
Et les gens ont peur de comprendre que

Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle…

Je suis la reine d’Angleterre
Je dors dans un lit à colonnes
Je suis la reine d’Angleterre

Maudie est folle

Depuis la faillitte de son père
Maudie a perdu ses repères
Un homme lui a fait une offense
Et les choses ont perdu leurs sens

Maudie est folle, Maudie est folle

Elle porte toujours quatre épaisseurs
Alors je veille sur ma sœur
Car elle est folle

Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle…

Je suis la reine d’Angleterre
Je dors dans un lit à colonnes
Je suis la reine d’Angleterre

Maudie est folle

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