SAN-ANTONIO – Aux frais de la princesse – de Frédéric Dard

Si tu n’as pas lu un San-Antonio avant tes cinquante ans, tu as raté ta vie !

Autant vous dire qu’il y avait un chouïa urgence pour moi !

  • Bien évidemment que je connais de nom.
  • Bien évidemment que je sais de quoi ça parle (enquêtes policières du Commissaire San-Antonio).
  • Bien évidemment que je sais que l’écriture de Frédéric Dard est truculente, fleurie, argotique et tout le tintouin.
  • Bien évidemment que je sais que la série des San-Antonio est devenue un classique.

Mais (je ne me repose jamais 🥳) :

  • Les San-Antonio sont systématiquement rangés dans le secteur « testostérone » des rayons des Maisons de la Presse, au mieux à côté des SAS, au pire entre les revues pornographiques et de musculation (et oui, avant de soulever des filles faut soulever de la fonte – c’est pas ma meilleure mais je l’aime bien 🥳).
  • Les titres me font rire (« Le pétomane ne répond plus« , « L’année de la moule« …) mais pas de là à déclencher l’acte d’achat (ici, le marketing pour les nuls 🤣).
  • Les couvertures sont délicieusement vintages, certaines frôlant le collector, mais elles fleurent aussi le grossier roman de gare. Bon sang, non, je ne suis pas prête pour ça !

Et Frédéric, alors ?

  • J’ai toujours eu une grande sympathie pour lui, bien que ne l’ayant jamais lu et ne connaissant pas son univers. Quand il passait à la télé, c’était un vrai plaisir de le regarder et de l’écouter parler.
  • Il avait le regard tendre, parfois triste ou plutôt inquiet, mais jamais cynique ni désabusé.
  • Il était drôle, un humour qui rassemble, élégant. Un humour comme une politesse.
  • Il était cultivé, avait un vocabulaire extrêmement riche (contrairement à ce qu’il pouvait dire « J’ai commencé avec 300 mots, tous les autres je les ai inventés »).
  • Et il vénérait Céline 🤗 !
  • Comment pouvais-je ne pas aimer Frédéric 🥰 ?

Il était donc dit que je devais le lire un jour… Et ce jour est arrivé cet été.


Mais il n’était pas dit que j’aimerais !

Ben non, j’ai pas aimé.

Pourtant ça commençait bien ! J’adore les romans policiers et l’humour 🤗.

Les soixante premières pages me comblent. Je découvre une écriture qui guérirait une vache neurasthénique (non, je ne parle pas de moi 😜).

Bref, je souris, je ris aussi. L’intrigue est intrigante, le style est stylé. Les personnages sont hauts en couleur, le sexe est récurrent et au-delà du burlesque. Jouer avec les mots comme il le fait demande une culture et une maîtrise phénoménales. Je comprends qu’on puisse être fan….
Sauf que… j’ai fini par trouver ça toujours pareil, j’ai commencé à tourner en rond, lentement puis de plus en plus vite. Tant et si bien que je ne l’ai pas fini 😱.

Je ne saurai jamais ce qui est arrivé au Vieux… et franchement, je m’en fous.

Je continue d’avoir une grande tendresse pour Frédéric… Et c’est le principal !


VIETNAM / LES BONNES CONDITIONS / CORLEONE LE PARRAIN DES PARRAINS

Attention : cet article comporte une ENOOOOORME déclaration d’amour à Arte 😍

Cette chaîne me donnerait presque envie de demander la nationalité allemande ! La programmation est toujours dingue, des sujets variés auxquels vous n’auriez même pas pensé, d’autres que vous attendez depuis toujours… Et cet été, Arte a fait fort.. Une corne d’abondance de pépites ! Parmi les documentaires sous-titrés (plus simple pour savoir de quoi je parle 🥳), je vous en ai sélectionné 3.

VIETNAM de Ken Burns et Lynn Novick

Sur ce sujet, je pars de loin et ma marge de progression est assez vertigineuse.

Je savais que :

  • l’Amérique s’y était embourbée et en reste traumatisée (bourbier et traumatisme relayés, esthétisés, dramatisés par des films cultes tels Voyage au bout de l’enfer, Apocalypse Now, Platoon, La Déchirure, Full Metal Jacket et bien d’autres pour ne parler que de cinéma).
  • il y avait une vague histoire de Vietnam Nord contre Vietnam Sud
  • il y avait aussi une vague histoire de lutte contre le communisme.

Bref, je ne sais rien ! Zou ! En route pour 9 épisodes de 50 minutes (on est la Queen de la géopolitique ou on ne l’est pas 👸🏻). Dire que cette série documentaire est ambitieuse est un euphémisme. Des images d’archives inédites, des enregistrements secrets, des témoignages aussi bien de militaires, politiques, rescapés, familles, reporters. Et c’est effrayant (et hypnotique de voir à quel point les erreurs se répètent inlassablement) car tous, qu’il soient vietnamiens ou américains, soldats ou stratèges, pacifistes ou va-t-en-guerre, politiques ou citoyens… Tous disent la même chose… Cette prescience générale dès le début qu’il ne fallait pas y aller, qu’il n’y aurait pas de vainqueur, que cette guerre n’était pas une « bonne » guerre, celle où l’Amérique défend triomphalement les valeurs du bien contre le mal. Le communisme était même à la limite de l’anecdotique au début du conflit. Il s’agissait juste d’un peuple voulant son indépendance. Mais, rongée par son anti-communisme atavique, l’Amérique n’a rien vu ou voulu voir.

J’apprends pêle-mêle les origines du conflit (guerre d’Indochine), les turpitudes de de Gaulle (whouuuu qu’il a été vilain le Général 😡), le soutien américain à Hô Chi Minh en pleine guerre mondiale (si, si !), l’engrenage qui se met en place peu à peu, les mauvais choix, la corruption, les promesses non tenues, les jeunes que l’on sacrifie en toute connaissance de cause, les massacres… et la confirmation que si l’ensemble des présidents américains étaient des lâches, Nixon était réellement le salaud que l’Histoire en a fait.

Dernière info à la marge. Ken Burns, un des réalisateurs de ce documentaire, n’est pas un total inconnu. Il a donné son nom à un effet de travelling sur images fixes que l’on retrouve dans iMovie… Non parce qu’il l’a inventé (c’est un opérateur de Louis Lumière qui a inventé le premier travelling de l’histoire) mais plutôt largement démocratisé dans ses documentaires.

LES BONNES CONDITIONS de Julie Gavras

Changement total de décor ! La réalisatrice a suivi huit adolescents des beaux quartiers, pendant 13 ans, de leur terminale jusqu’à l’aube de leur trente ans, au rythme d’une rencontre par an. Ils habitent tous le 7ème arrondissement de Paris et n’en sortent que très rarement. Leurs parents sont bijoutiers, directeurs financiers, publicitaires. Ha ha ha, c’est parti pour une séance d’antrophologie de gosses de riches ! Forcément, pétrie de préjugés comme je suis, je démarre le visionnage d’un oeil goguenard (je fais très bien l’oeil goguenard 🤪), pensant que le summum de leurs problèmes existentiels doit être de choisir entre l’ENA et Polytechnique 🥳.

Honte sur moi 😳 ! Je découvre des jeunes sympathiques, drôles, touchants, conscients de leur chance… qui tâtonnent, adhèrent à leur milieu ou résistent. Plus que la légèreté de l’aisance financière, c’est le poids de la transmission qui se fait sentir. Transmission de valeurs, de patrimoine, d’une lignée, d’une histoire. C’est aussi des accidents de vie, de parcours, des prises de risques…

Ces portraits sont tous précieux, émouvants. Tout est filmé sobrement, sans voyeurisme. Du Strip-Tease de la grande époque, qui vous fait aimer les gens, vous enlève vos idées reçues, bref vous rend un chouïa meilleur. Si en plus vous êtes parents de grands adolescents, je ne peux que vous encourager à regarder ce documentaire avec eux !

CORLEONE LE PARRAIN DES PARRAINS de Mosco Levi Boucault

Deux parties, ce n’est pas de trop pour retracer l’ascension et la chute de Totò Riina, un des parrains les plus célèbres et sanguinaires de Sicile.

Et mon festival de culture générale continue ! J’apprends donc que Corleone n’est pas le nom d’une famille mais d’un village, que la Sicile est le vrai berceau de la mafia, que ses origines remontent, à priori, au XVIIIème siècle et bien d’autres choses…

Quelle ironie de voir ce vieillard se présenter comme un pauvre et honnête paysan, attaché aux valeurs chrétiennes, qui n’a jamais dévié des enseignements de Dieu. Une belle ordure oui 👿! N’en déplaise aux nostalgiques qui s’accrochent à leur vision romantique de la Cosa Nostra : le code d’honneur, les dettes, la loyauté, le respect, la famille et tout le tintouin… La vérité, c’est de la brutalité pure, des exécutions sommaires, des tortures, des corps dissous dans l’acide… juste la loi du plus fort, l’appât du pouvoir, rien à voir avec l’honneur.

Témoignages de repentis, de procureurs, images d’archives, vous êtes happé par cette histoire et surtout en admiration totale devant les rares qui ont osé se dresser contre la pieuvre.

CHANSON DE LA SEINE de Jacques Prévert

Back to Paris !

La Seine a de la chance
Elle n’a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et elle sort de sa source
Tout doucement, sans bruit…
Sans sortir de son lit
Et sans se faire de mousse,
Elle s’en va vers la mer
En passant par Paris.


La Seine a de la chance
Elle n’a pas de souci
Et quand elle se promène
Tout au long de ses quais
Avec sa belle robe verte
Et ses lumières dorées
Notre-Dame jalouse,
Immobile et sévère
Du haut de toutes ses pierres
La regarde de travers


Mais la Seine s’en balance
Elle n’a pas de souci
Elle se la coule douce
Le jour comme la nuit
Et s’en va vers le Havre
Et s’en va vers la mer
En passant comme un rêve
Au milieu des mystères
Des misères de Paris

SUR LA VILLE DE PARIS de Isaac de Benserade

Rien n’égale Paris ; on le blâme, on le louë ;
L’un y suit son plaisir, l’autre son interest ;
Mal ou bien, tout s’y fait, vaste grand comme il est
On y vole, on y tuë, on y pend, on y rouë.

On s’y montre, on s’y cache, on y plaide, on y jouë ;
On y rit, on y pleure, on y meurt, on y naist :
Dans sa diversité tout amuse, tout plaist,
Jusques à son tumulte et jusques à sa bouë.

Mais il a ses défauts, comme il a ses appas,
Fatal au courtisan, le roy n’y venant pas ;
Avecque sûreté nul ne s’y peut conduire :

Trop loin de son salut pour être au rang des saints,
Par les occasions de pécher et de nuire,
Et pour vivre longtemps trop prés des médecins.

L’AFFAIRE ALBERT de Jean-Baptiste Veber

Je déclare ouverte la séance d’auto-satisfaction de la bibliothécaire, par la bibliothécaire !

Ce blog a bientôt deux ans. C’est mon bébé ! Je le vois grandir de semaines en semaines avec le ravissement d’une jeune mère. Comme tout enfant en bas âge, il se transforme souvent en despote, exige des soins constants, de l’attention, du temps. Pour couronner le tout, il a son caractère, fait régulièrement la forte tête en refusant d’enregistrer certaines chroniques, voire même de les programmer. J’ai parfois du mal à trouver les mots justes pour lui exprimer mes ressentis. Mais, comme tout enfant, il me procure un plaisir incommensurable, la fierté de ceux de dire : « c’est moi qui l’ai fait ! ». Il n’est pas très précoce mais grandit à son rythme. Il a sa cour, ses fidèles, quelques visiteurs de passage. Certains jours sa courbe de croissance explose, d’autres, elle reste désespérément anémique. Mais, depuis quelque temps, ça bouge ! Enfin, ça frémit !

Il y a quelques semaines, un auteur, Jean-Baptiste Veber, propose de m’envoyer ses livres et, pourquoi pas, d’en parler si l’un d’eux m’inspire. Youhouuuuuuuu ! J’ai l’impression, fugace mais exquise, d’être la reine des chroniqueuses littéraires.

Mais après la joie, l’angoisse m’étreint. Et si je n’aime pas ? Je fais quoi ? Je me contente de lui dire ? « Merci pour les bouquins. J’ai détesté. Ciao ». C’est cruel quand on connaît la douleur, la difficulté, l’engagement que représente l’écriture d’un livre. Oh pétard !!! (juron favori de Madame Sophie D., ma muse en la matière 😂). Dans quoi m’embarqué-je 😱 ?

Et puis d’abord, qui est Jean-Baptiste Veber ?

Dire qu’il est multiple est un euphémisme. Ce serait mon gamin, je le cataloguerais direct comme hyperactif et l’enverrai fissa chez ses grand-parents !

Jugez plutôt : professeur d’Histoire-Géographie, auteur d’ouvrages en la matière, qui plus est, adoubés par l’Education nationale. Il écrit également des articles pour des revues qui n’ont rien de confidentiel. Le dernier en date traite de l’histoire de la couleur bleue en occident… et c’est dans l’éléphant, s’il vous plaît (numéro de juillet) !

Et comme il a encore un peu de temps libre à tuer (ahahah, rire nerveux), il en profite pour écrire nouvelles et romans.

Mon choix se porte sur L’affaire Albert. Zou ! C’est parti !

Mesdames et Messieurs, la cour, les jurés : le verdict !

Chapeau l’artiste ! Surtout que sieur Veber arrivait juste après la lecture de Baise-moi de Virginie Despentes. Cela avait été un tel coup de foudre, une telle déflagration, que tout me paraissait fade et sans saveur dans les jours qui ont suivi. Pourtant, son livre a réussi à m’impressionner.

Albert Lapins a été assassiné ! Il vivait dans un quartier populaire, haut en couleurs, peuplé de personnages pittoresques. L’assassinat d’un être sans histoire comme Albert provoque un sacré ramdam dans le secteur ! Chacun y va de son appréciation, mêlant rumeurs et jugements pour tenter d’expliquer (voire même de justifier) l’inexplicable. Car enfin, Albert était-il vraiment sans histoire ?

La narration est basée sur une mosaïque de témoignages, chacun apportant un éclairage sur l’existence et la personnalité de ce pauvre Albert. Cela va du parrain local à l’institutrice en passant par la voisine de palier, genre vieille commère… et j’en passe.

L’intrigue prend corps progressivement, démarrant comme un banal fait divers pour se terminer comme…. Ben non, je ne vous le dis pas 😜 !

Jean-Baptiste écrit bien, très bien même ! Car l’exercice est difficile et périlleux. C’est déjà difficile d’écrire correctement. Trouver son style c’est un peu le Graal. Mais jongler entre plusieurs styles, cela demande une maîtrise assez impressionnante. Manier l’argot, la gouaille, un phrasé truculent dans la bouche d’une petite frappe, puis, passer à un récit structuré et châtié dans la bouche d’un universitaire, c’est prendre des risques.

On ne connait jamais vraiment un homme de son vivant (ça marche aussi pour les femmes😉). Que reste-t-il de lui après sa mort ? Le concret ? Ce qu’il a fait ? Ou juste des avis, des opinions, tous subjectifs, qu’ils soient positifs ou négatifs, car dictés par les émotions et les sentiments de ceux qui les profèrent ?

L’été arrive, vous n’avez pas d’idées lecture ? Vous voulez sortir des sentiers battus ? Rire, être surpris et lire de la belle ouvrage ? Alors, « L’affaire Albert » aux éditions Encre Rouge est pour vous !

QUAND ON N’A RIEN À DIRE de Bernard Dimey

Quand on n’a rien à dire et du mal à se taire,
On peut toujours aller gueuler dans un bistrot,
Parler de son voisin qui n’a pas fait la guerre,
Parler de Boumedienne et de Fidel Castro,
Parler parler parler… pour que l’air se déplace,
Pour montrer qu’on sait vivre et qu’on a des façons,
Parler de son ulcère ou bien des saints de glace,
Pour fair’ croire aux copains qu’on n’est pas le plus con.

Quand on n’a rien à dire on parle de sa femme
Qui ne vaut pas tripette et qui n’a plus vingt ans,
Qui sait pas cuisiner, qui n’aime que le drame,
Qui découche à tout va, qu’a sûrement des amants.
On parle du Bon Dieu, on parle de la France
Ou du Vittel-cassis qui vaut pas çui d’avant,
On pense rien du tout on dit pas tout c’ qu’on pense.
Quand on n’a rien à dire on peut parler longtemps.

Quand on n’a rien à dire on parle du Mexique
De l’Amérique du Nord où tous les gens sont fous,
Du Pape et du tiercé, des anti-alcooliques,
Du cancer des fumeurs et des machines à sous,
Des soldats, des curés, d’la musique militaire,
De la soupe à l’oignon, de l’île de la Cité.
Quand on n’a rien à dire et du mal à se taire
On arrive au sommet de l’imbécillité.

L’AMOUR SOUS ALGORITHME de Judith Duportail

Youhouuuu, aurait-on découvert l’algorithme de l’amour ?

Ce livre est sorti récemment et a valu moult interviews à son auteure. Le sujet est MEGA attractif. Judith est journaliste et son ouvrage est présenté comme une enquête dont le contenu s’annonce explosif. Le résumé est plus qu’alléchant, jugez-en par vous même :

Après une rupture amoureuse, Judith Duportail s’inscrit sur l’application de rencontre Tinder. Pluie de textos, dizaines d’hommes à ses pieds, ego boosté…
Elle s’enivre. Jusqu’au jour où une information l’estomaque : l’application note secrètement ses utilisateurs sur leur “désirabilité”.
La journaliste prend alors le pas sur l’amoureuse. Épaulée par un hacker, un mathématicien et un avocat, elle se lance dans une quête qui l’amènera à plonger très loin dans les rouages des algorithmes et de son intimité. Jusqu’à découvrir un document de 27 pages susceptible de faire trembler Tinder.

Faire trembler une des applications les plus rentables de l’App Store ? J’achèèèèèète ! Ça fleure le scandale retentissant, la vilaine multinationale qui s’en donne à cœur joie sur le dos des pauvres naufragés de l’amour. Il va y avoir de sombres manœuvres, des méchants, des victimes, du pouvoir, de l’argent, du sang ??!! (je m’égare, je m’égare 🤪).

Ce livre est totalement addictif

Ça commence par une rupture, celle de Judith. J’adoooore. Oui, je sais, c’est mal mais j’assume, car comme disait Jules Renard (repris par Pierre Desproges) : « il ne suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres ne le soient pas ».

Et ce livre est un petit bonbon bien sucré ! C’est toujours un bonheur, comme un baume bien gras, hydratant et confortable sur votre petit 💜 (ou égo), de constater que, non, vous n’êtes pas la seule à être TOUJOURS à côté de vos pompes, à vivre en dix secondes une myriades de sentiments que certaines personnes mettent une vie à ressentir, à douter de tout et n’importe quoi.

Judith s’en va donc chercher l’amour sur Tinder. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle s’en donne les moyens : régime pour correspondre aux canons de beauté, choix de la meilleure photo, humour saupoudré d’un soupçon d’esprit… Vous riez, vous compatissez, vous l’encouragez… Bref, vous vivez son histoire avec elle ! Lorsqu’elle commence son enquête sur le fonctionnement du site, qui n’est pas aussi transparent qu’elle l’imaginait, vous l’accompagnez dans ses investigations, assistez à ses découvertes. Du vrai reportage, caméra à l’épaule !

On sent la journaliste, son écriture est précise, fluide, incarnée, accessible. Pas de bavardage ni de verbiage. Elle est directe, punchy et drôle, avec un style très agréable à lire.

Alors ? Ce scandale ? Ben, Pile ET Face 🤔

C’est malin, ce titre 😤. Maintenant je vais avoir la chanson de Corynne Charby dans la tête toute la journée (les musiques pourries des 80’s : ma passion 🥳 ).

Mais revenons au livre. Si je résume, côté Pile : ce livre est addictif, instructif, agréable et rapide à lire. Son enquête est ultra documentée et sérieuse (pour autant que je puisse en juger, vu que je n’ai aucune légitimité en la matière)… Alors quoi ?!!!

Ben… Côté Face : franchement, ses révélations m’ont fait l’effet d’un glaçon dans une citerne (canicule oblige 🥵). Peut-être suis-je blasée ? Cynique ? Pas aussi féministe que je le revendique ? Peut-être ai-je lu trop d’articles sur les dangers relatifs aux données personnelles ? Peut-être n’ai-je pas saisi la portée de ses révélations. Sûrement un peu de tout ça.

  • Alors, oui, Tinder surexploite ce qu’on appelle la Data, votre Data… mais comme tout le monde. Ça n’en reste pas moins un vrai problème. Et c’est le seul point qui m’a affolée un chouïa.
  • Oui, Tinder décerne une note de « désirabilité » aux utilisateurs afin d’aiguiller les rencontres (en résumé : les winners avec les winners et les boloss avec les boloss). En même temps, c’était déjà le cas quand j’étais au collège !
  • Oui, Tinder s’arroge une image de modernité et d’égalité Hommes-Femmes dans la relation amoureuse, alors que leurs algorithmes reprennent tous les critères de la société machiste.
  • Oui, les facteurs tels l’éducation, le niveau social, le physique, l’âge… jouent un rôle prépondérant dans une mise en relation, y compris pour les femmes. Rien de vraiment nouveau sous le soleil. Ce serait pure hypocrisie de ne pas le reconnaître. On ne détruit pas des siècles d’éducation patriarcale en si peu de temps.
  • Non, le hasard n’a pas sa place sur Tinder… comme dans les agences matrimoniales du siècle dernier. L’échelle a juste changé à l’heure d’internet et de la mondialisation.

C’est toujours délicat de parler de sentiments. Chacun arrive avec l’imaginaire qu’il s’est construit autour de l’amour, de la rencontre, de la découverte, du partage, de l’autre. Forcément, quand cet imaginaire se trouve confronté au réel (a fortiori sur un site de rencontres), le décalage peut être violent.

Même si je ne partage pas le sentiment de révolte de Judith, je suis d’accord sur un point : une femme avertie en vaut deux. Si le contrat était transparent dès le début, beaucoup de femmes hésiteraient à s’inscrire… ce qui ne ferait pas les affaires de Tinder vu qu’elles ne représentent qu’un tiers des utilisateurs !

J’ai adoré ce livre mais pas pour les « bonnes raisons » manifestement. Pas pour les raisons « vendues » dans le résumé ou par les médias. Je l’ai perçu comme divertissant, « feel good », le récit autobiographique prenant largement le pas sur les aspects journalistiques attendus, tels « enquête », « révélations ». Peut-être ai-je mal compris le contrat moi aussi ? 🤷🏻‍♀️

VOUS NE SAUREZ JAMAIS de Marguerite Yourcenar

Vous ne saurez jamais que votre âme voyage

Comme au fond de mon cœur un doux cœur adopté ;

Et que rien, ni le temps, d’autres amours, ni l’âge,

N’empêcheront jamais que vous ayez été.

Que la beauté du monde a pris votre visage,

Vit de votre douceur, luit de votre clarté,

Et que ce lac pensif au fond du paysage

Me redit seulement votre sérénité.

Vous ne saurez jamais que j’emporte votre âme

Comme une lampe d’or qui m’éclaire en marchant ;

Qu’un peu de votre voix a passé dans mon chant.

Doux flambeau, vos rayons, doux brasier, votre flamme,

M’instruisent des sentiers que vous avez suivis,

Et vous vivez un peu puisque je vous survis.

BAISE-MOI de Virginie Despentes

Entre Virginie Despentes et moi, c’était pas gagné !

Il y a deux ans, je me suis résignée (oui, vous avez bien lu, RÉ-SI-GNÉE) à lire un livre d’elle. Elle fait partie des auteur·e·s incontournables en France, elle est régulièrement invitée dans les émissions littéraires ou dites de « divertissement ». Elle se retrouve plus souvent qu’à son tour en tête de gondole à la Fnac. Bref, j’étais obligée ! Histoire de l’avoir lue, « comme tout le monde » et d’avoir un avis, « comme tout le monde » (paradoxalement, j’aime bien le concept « être comme tout le monde » de temps en temps🥺).

Restait le choix du bouquin ! Ça allait se jouer entre les trois titres les plus connus : Baise-Moi, King Kong Théorie ou, le dernier en date, Vernon Subutex.

La sélection se fait naturellement. King Kong Théorie est un essai, je veux un roman. Baise-Moi traîne une réputation sulfureuse, c’est peut-être un peu too much pour moi, petite chose sensible. Je pars sur Vernon Subutex tome 1 (sensible, mais logique 🤪) !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’a pas été le coup de foudre ! Je me suis traînée jusqu’à la fin. La lente descente aux enfers de Vernon m’a paru interminable. Le genre de type attachant mais qui s’incruste et qu’on n’arrive plus à dégager. Même l’intrigue n’a pas suffit pour que je rentre dans cette galerie de portraits d’une génération déchue. Même ses errances dans Paris, même les multiples références aux années 80, qui sont trop pointues pour moi. Je n’ai pas détesté, j’ai aimé l’écriture brute, sans concession, qui exprime tellement bien la désillusion, la détresse, le dégoût, la marginalisation. Mais j’ai refermé le livre en ne sachant pas trop quoi en penser. Et c’est mauvais signe…

Il ne faut jamais dire « jamais » !

Il y a quelques semaines, je tombe par hasard sur une interview croisée entre Virginie Despentes, Béatrice Dalle et Casey sur le féminisme. Chaque intervention de Virginie est juste, brillante, radicale. Première étape du coup de foudre. Je ne peux pas rester sur un avis tiède, je décide de lire Baise-Moi !

Coup de foudre définitif et irréversible ! Je l’ai terminé depuis cinq jours et Nadine et Manu sont toujours avec moi. Je n’ai démarré aucune autre lecture tant j’ai peur que leur présence s’estompe, tant j’ai envie de rester avec elles, tant ça m’a pris aux tripes.

Et pourtant, c’est tout sauf amazing 🥳🥳🥳 !!!

Une banlieue sinistre, qui transformerait n’importe quel winner en paumé toxico et alcoolo. Une banlieue que même quand t’as encore l’envie et une chance de t’en sortir, elle te calme bien comme pour te signifier qu’on ne perturbe pas indûment la hiérarchie sociale. N’Y PENSE MÊME PAS !

Et puis, il y a Nadine et Manu. Elles ne se connaissent pas, mais ont la même histoire. Deux filles à qui personne n’a jamais fait de cadeau et encore moins la vie. Elles ont appris à esquiver les coups, si besoin à les encaisser. Elles ne se laissent pas marcher sur les pieds mais savent faire profil bas quand il le faut. Elles ont des plaisirs simples, baise et alcool, l’un finançant l’autre. Elles tiennent à leur tranquillité ; se défoncer nécessite un minimum de sérénité. Ça pourrait les faire passer pour asociales et amorales, mais ce n’est pas le cas : elles ont des accointances (le terme « amitiés » serait un chouïa exagéré) et leur propre code d’honneur.

Quand elles se rencontrent, elles ont déjà savouré la violence chacune de leur côté, elles vont juste mettre en commun leur savoir-faire, parfaire leur technique, une sorte de joint-venture du sang.

Elles assument tout,  en cela ce sont les personnages les plus féministes que j’ai jamais croisés. Elles sont libres. Une liberté grisante, choquante, absolue, qui s’obtient au détriment des autres par ceux qui n’ont plus rien à perdre. C’est totalement gratuit, c’est totalement flippant, c’est totalement enivrant ! Des Thelma et Louise trashs. « On est en train de rattraper toute une vie en quelques jours ».

Il est des livres que vous ne voudriez jamais finir. J’aurais pu les suivre au bout du monde.

Je laisserai la phrase de fin à Nadine : « ce qui convient à la main, c’est le flingue, la bouteille et la queue ».

Ni plus… ni moins. 

MORALES ESPIEGLES de Michel Serres

Commençons par un peu de douceur et de consensualisme !

En six mois, j’ai vu ou lu de nombreuses interviews de Michel Serres. A chaque fois, j’étais en pâmoison devant ce vieillard !

D’abord, je lui trouvais un charme fou. Il souriait tout le temps et je suis très sensible aux sourires, voire même aux rires, aux éclats de rire, aux fous rires, aux rires subtils, aux rires cons. Je prends tout ! J’expérimente tout 🤪 ! A une époque où beaucoup s’astreignent à tirer des tronches de trois mètres de long, où l’agressivité devient une norme comportementale, je trouve qu’on sous-estime beaucoup le pouvoir du sourire.

Il avait le regard malicieux et c’est très difficile. Pour avoir l’œil malicieux, il faut avoir l’esprit malicieux. J’ai essayé et ça ne marche pas à tous les coups. J’oscille entre l’œil moqueur, cynique, bovin, mais la malice ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval ! Vous me suivez toujours ? 😱

Mais ce que j’aimais par-dessus tout, c’était sa curiosité et son intelligence bienveillante. Lorsqu’on arrive à un âge avancé, on est très souvent enclin à se barricader face au monde qui change, à seriner des « c’était mieux avant », « de mon temps c’était autre chose », « les jeunes d’aujourd’hui, c’est des bons à rien » et autres « halala, le pauvre Général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe ». Bon, ce n’est pas l’apanage des vieux, il y a des jeunes qui font ça très bien aussi (d’ailleurs Brassens en a fait une chanson), mais c’est quand même une petite tendance chez les plus de 70 ans. Et ça m’a toujours gonflée… et effrayée. Car qui me dit que dans quelques années, je ne deviendrai pas, moi aussi, une parfaite Tatie Danielle ? Michel, c’était tout le contraire, je le trouvais ouvert, optimiste, tolérant.

Bref, j’aimais beaucoup Michel Serres. Donc, forcément, j’étais mûre pour lire un de ses livres.

Putain ! Que je me suis fait chier !

Voilà, c’est dit ! Je sais que je vais choquer plein de gens, que ce n’est pas Michel qui est en cause, c’est moi qui n’ai rien compris… Mais ça ne change rien. Le livre était minuscule et j’ai fait péter le champagne de soulagement quand je l’eus terminé.

Est-ce que j’avais oublié que j’avais affaire à un philosophe ? Est-ce qu’il avait déjà tout dit dans ses interviews, le livre n’apportant pas grand chose de plus ?

Les deux ! Et pourtant, j’adore la philosophie (je lis Frédéric Lenoir, c’est vous dire) ! Mais Michel avait déjà tout dévoilé dans ses interviews… en beaucoup mieux ! Ce qui était simple, fluide, évident, quand vous l’écoutiez à la télévision ou le lisiez dans un magazine, devenait ampoulé, poussif, répétitif dans son livre.

Pourtant, sa pensée a tout pour me plaire. Il ne se prend pas au sérieux, il réhabilite la désobéissance à la hiérarchie, le chahut, l’espièglerie, il loue des valeurs telles l’empathie, l’humilité, le respect de la nature, la transmission… tout ce à quoi j’essaie d’être fidèle (notez que le verbe « essayer » est primordial dans cette phrase 😜). Ce recueil de petites leçons de vie, tirées de son expérience, ne POUVAIT PAS ne pas me séduire.

Mais, c’est oublier que rien n’est prévisible et c’est justement un des plus beaux attraits de la vie. Je ne me décourage pas (moi ? Jamais !) ! Prochaine lecture : Petite Poucette !

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