LA PROSE DU TRANSSIBÉRIEN ET DE LA PETITE JEHANNE DE FRANCE poème de Blaise Cendrars, couleurs de Sonia Delaunay

La probabilité que je tombe sur ce livre était quasi nulle.

Mais c’est sans compter sur les hasards de la vie… et la merveilleuse programmation d’Arte !

L’émission « Au fil des enchères » raconte l’histoire d’un objet. D’où vient-il ? Quel est son parcours ? Pourquoi déchaîne-t-il les passions dans une salle des ventes ? Bref, comment en est-on arrivé là ma pov’dame ?

On se retrouve lors de la vente de la bibliothèque de Pierre Bergé. Un livre attise toutes les convoitises. C’est un recueil de poèmes de Blaise Cendrars. Jusque là, pas de quoi faire un AVC. Je vais à la Fnac et moi aussi je l’ai dans ma bibliothèque.

Sauf que la caméra s’approche, tourne autour et ça ne ressemble pas du tout aux livres de la Fnac.

Ça ressemble à un vieux carnet jauni, épais, qui se ferme par un bouton pression. On sent une certaine fragilité, pas le genre de bouquin qui va se bonifier au gré des prises en main. Mieux vaut le manier avec délicatesse. Sur la tranche, ce ne sont pas des pages mais des feuillets repliés. Sur la couverture, aucune inscription, ni titre, ni auteur, juste des aplats de couleur. De loin, dans le brouillard, on pourrait penser à un agenda Desigual 😱.

En plus, il vaut un rein. C’est quoi ce bordel ?

Où je découvre l’histoire de ce livre…

… et c’est passionnant !

1913. Un poète inconnu, Blaise Cendrars, rencontre un couple de peintre à la renommée déjà installée, les Delaunay. Sonia adore son poème « La prose du Transsibérien » et souhaite l’illustrer, voire un peu plus. En effet, leur projet est ambitieux : inaugurer un langage nouveau où le texte et l’image se répondraient, se mêleraient jusqu’à fusionner. Leur imagination déborde. Le poème parle de voyage ? Pourquoi ne pas faire un dépliant à la manière des cartes topographiques ? La destination est Paris ? Tout sera abstrait, sauf une petite Tour Eiffel, seul élément figuratif. Déplié, le livre fera deux mètres. Pourquoi ne pas l’éditer à 150 exemplaires qui, mis bout à bout, feront la hauteur de la Tour Eiffel ? Tout est pensé, tout est vecteur : la typographie, la couleur, la mise en page. Ce livre sera une œuvre d’art, absolue, moderne, le premier poème simultané. Idée géniale…

… mais qui coûte cher. Il nécessite des matières précieuses comme le parchemin, le papier japon, des techniques authentiques telles l’aquarelle, le pochoir, et requiert une fabrication complexe.

Qu’à cela ne tienne, Blaise et Sonia lancent une souscription pour le financer (première cagnotte Leetchi ever 😉). Échec total ! Finalement, on commencera par 70 exemplaires, le reste sera édité plus tard. La Tour Eiffel attendra !

La première guerre mondiale mettra brutalement fin au projet.

Y’a tout plein de choses dans ce livre : de la poésie, de la peinture, de l’histoire, des voyages, de l’amour…

Autant vous dire qu’à ce stade de l’histoire, je suis comme une dingue. JE DOIS lire ce livre. Je fonce sur le site de la Fnac qui me donne le choix entre une version à 650€ et une autre, certes plus basique, à 4€. Contre toute attente, j’opte pour celle à 4€.

C’est l’histoire d’un voyage. On y parle de New-York, Moscou, la Sibérie, Berlin, on y parle même de la Patagonie. Et enfin, Paris, destination finale, ville éternelle et féconde, comme un refuge, une délivrance. C’est l’histoire d’un jeune homme qui rencontre une petite prostituée. C’est le mouvement du train, les gares qu’il traverse, la violence et la puissance de la machine. Ce sont les odeurs, les bruits, les couleurs. Ce sont les rencontres. C’est la guerre. C’est le monde qui change et qui défile à toute allure. C’est la vie qui passe.

Cendrars parle de ce monde qui rugit et menace d’exploser, des petites gens qui perdront quoiqu’il arrive. Il y a de la mélancolie, mais aussi du merveilleux, du féérique, de la magie.

Ce poème ne ressemble à aucun autre, ce livre non plus.

Il n’aura aucun succès à sa sortie, trop bizarre, trop inclassable (c’est un livre ? Un poème ? Un tableau ?), trop moderne. Ce n’est que bien des années plus tard que ce livre-objet sera reconnu comme un chef-d’œuvre.

FLEABAG de Phoebe Waller-Bridge

Mon p’tit cœur palpite à l’idée de vous parler de Fleabag 🥳

Non ! J’ai dit non ! Ce n’est pas parce que tout le monde en parle que je vais regarder. Pourquoi ? Parce que c’est une série. Qui dit série dit engrenage, chronophage, nuits blanches, réveils douloureux où je ressemble à un lémurien boursouflé, « promis, ce soir je me couche tôt » et autres ennemis de mon capital sommeil. Sauf que Télérama est passé par là, avec une critique au cordeau que je vous fais courte : « Fleabag, une mécanique très méticuleuse à l’humour noir magistral », ou encore, « Fleabag manie, avec brio, désespoir et humour noir ». Mais, croyez-moi, le meilleur pitch est une répartie de l’héroïne qui résume tout : « toute ma vie, j’ai utilisé le sexe pour combler le vide flagrant dans mon cœur ». Youhouuuu, c’est plus un résumé, c’est un diagnostic. J’arriiiiive !

Avant de foncer tête baissée, comme à mon habitude, je googlelise quand même, histoire de voir la tête des protagonistes et l’ambiance visuelle. Je tombe sur une photo du personnage principal, magnifique trentenaire à l’élégance british, regard face caméra, Rimmel coulant sur les joues.

C’est parti !

Cette série vous donnerait presque envie d’avoir une vie de merde !

Bienvenue dans le quotidien de Fleabag, surnom d’une jeune londonienne, belle, drôle, naturelle, déjantée, bref… parfaite. Sa vie pourrait être un long fleuve tranquille. Mais (car sans mais, pas de série), il y a des failles que l’on découvre progressivement, ou plutôt des absences abyssales, celle de sa mère et, surtout, celle de sa meilleure amie. Et c’est là que l’expression « l’humour est la politesse du désespoir » de Chris Marker (si, si, c’est Wikipédia qui le dit) prend tout son sens. Car Fleabag est un bon petit soldat, luttant comme elle peut, avec ses armes, pour continuer à vivre, à trouver sa place entre une affreuse belle-mère (génialissime Olivia Colman), une sœur presque parfaite et un père dépassé par à peu près tous les événements de la vie.

Le meilleur de l’humour british !

Les puristes vous diront que rien n’égale les Monty Python, mais je ne suis pas puriste, et je n’aime pas les Monty Python.

Les cinq premières minutes sont assez déstabilisantes car, régulièrement, l’héroïne vous regarde et s’adresse directement à vous (le fameux 4e mur). Mais une fois que vous êtes dedans, impossible de décrocher ! C’est une corne d’abondance d’émotions, vous passez de l’hilarité à la tendresse, de l’humour trash à la tristesse.

C’est bouleversant, c’est prodigieux ! Fleabag est tout à la fois délicate, cash, élégante et inapte. Elle est surtout pudique. Pas la pudeur physique, non, la vraie, celle où, par politesse et par orgueil aussi un peu, on tait notre souffrance. Pour ne pas déranger, pour ne pas inquiéter, pour se convaincre soi-même qu’on va y arriver.

Elle ose tout, envoie valser à la fois le patriarcat et les féministes.

Ne passez pas à côté de cette série ! Douze épisodes de 25 minutes et je prends les paris que vous aurez envie d’avoir Fleabag comme meilleure amie.

C’est doux comme une plume et raide comme un alcool fort. C’est indispensable pour passer les fêtes 🥳.

Bonnes fêtes à tous !

LES GRATITUDES de Delphine de Vigan

J’ai des préjugés !

Il y a des écrivains qui me font fuir sans aucune raison objective, vu que je ne les ai jamais lus : Marc Levy, Anna Gavalda, Tatiana de Rosnay, Guillaume Musso et … Delphine de Vigan en font partie.

Pourquoi ? Parce que ce sont les auteurs les plus lus en France ? Parce qu’ils ont du succès ? Serait-ce donc pure jalousie de ma part ? 🤔

Peut-être 😈… ou pas. Le problème est qu’ils sont partout et qu’ils sont parfaits. Ils submergent les Fnac et les librairies, ils enchaînent les critiques élogieuses et ils vendent. À Noël, c’est l’idée cadeau qui vous évite de vous planter. Quand ma liseuse m’envoie des alertes sur « Les 10 meilleurs livres de l’année » ou autre liste de best-sellers, bim, ils sont dedans. Les rares fois où j’ai vu ou lu une interview d’eux, rien ne dépasse, ils sont charmants, sensibles, spirituels et légèrement tourmentés, comme s’ils avaient une blessure ancienne et secrète (mais n’insistez surtout pas ! Elle restera secrète, mais un peu visible quand même). Parfaits, vous dis-je ! Justement, peut-être un peu trop parfaits et consensuels.

Quand ma route croise celle de Delphine…

Vous ai-je déjà parlé de mes très chers amis, Céline et Laurent ? Après m’avoir poussé au suicide en m’offrant Glaise de Franck Bouysse, ils ne désespèrent pas et récidivent avec Les Gratitudes (la question qui va finir par s’imposer c’est : me veulent-ils du mal ?). Je suis taquine, car, grâce à eux, je vais enfin découvrir Delphine !

Je commence les deux premiers chapitres… et je DÉTESTE AVOIR RAISON 😭 ! Je laisse donc la place à ma jumelle maléfique pour la suite de cette chronique.

Ce livre m’a donné envie d’étrangler des chatons.

C’est Michka. Elle est vieille. Elle ne peut plus vivre seule dans son appartement. Elle n’a pas d’enfants naturels, mais elle a une fille de cœur : Marie. Michka est prête à partir, mais elle doit réaliser une dernière chose avant, comme un solde de tout compte.

C’est plein de bons sentiments, mielleux, doux, sucrés, qui vous culpabilisent bien. Hein, toi là, oui, toi 👉 !!! Quand as-tu dit merci pour la dernière fois ? Pas un merci quand on te tient la porte. Non ! Un vrai merci, un merci qui fait chialer quand tu le dis ou quand tu le reçois ! Tu sais que les gens vont mourir ? Dépêche-toi, ingrate !!!

Je sais que c’est facile de critiquer les bons sentiments mais merde, c’est facile aussi de les surexploiter !

On veut tous de la douceur, de l’amour, de la bienveillance et des crêpes au Nutella (même si ça fait mourir les orangs-outans), moi y compris, mais à ce stade, c’est l’overdose. J’ai l’impression de lire le livre d’un calino-thérapeute.

C’est pas grave, on va se refaire sur le style et l’histoire.

Eh ben non ! C’est propre, bien écrit, rien à dire. RIEN À DIRE 😱 ! Quant à l’histoire, c’est celle qu’on pressent. Aucune surprise, aucun étonnement !

C’est ce qu’on appelle un livre bien ficelé. Sauf que ça ne suffit pas. Un livre ne doit pas être bien ficelé, ni correct, ni efficace.

Je n’ai pas aimé Les Gratitudes. C’est exactement ce à quoi je m’attendais. Comme quoi, parfois les préjugés ont du bon.

PROPRIÉTÉ PRIVÉE de Julia Deck

François avait dit que c’était drôle…

… Et tout ce que dit François est parole d’évangile. De plus, j’ai trouvé Julia Deck charmante lors de son passage à La Grande Librairie, un brin caustique, des yeux rieurs, n’en faisant pas trop. Elle parlait de son livre de façon simple, avec un mélange d’assurance et de retenue des gens qui se plient à la promo mais dont ce n’est pas la tasse de thé. Son sujet se prêtait parfaitement à la satire : un couple de bobos parisiens qui se rêve propriétaire, qui plus est, dans une résidence écologique dernier cri alliant proximité de la nature et des commodités.

On notera que le bobo parisien est la cible de choix de l’époque, l’ennemi commun, l’insulte suprême de tous ceux qui ont des griefs sur tout et n’importe quoi mais ne savent pas trop qui incriminer, « c’est la faute aux bobos ». C’est dit d’une façon tellement définitive que ça doit bien être vrai. Ça me fait toujours un peu mal. J’avoue que je les aime bien les bobos, au moins ils n’avancent pas masqué… et puis j’en suis une et de la pire espèce 😱!

Bref, ça fleurait la caricature mais plutôt maline et subtile sur fond de réalisme. Je me suis laissée tenter.

Quand la mayonnaise veut pas monter…

Y’a tout les ingrédients, vous avez suivi la recette à la lettre, fait tout comme c’était marqué… mais ça veut pas prendre.

Là, c’est pareil ! Julia écrit bien, c’est mordant à souhait, pas de palabres, elle rentre tout de suite dans le vif du sujet qu’elle déroule avec maîtrise. Ça se lit agréablement et rapidement car le récit est court.

Alors quoi ?

Déjà, je n’ai ressenti aucune attirance pour les personnages. Le couple principal est totalement atone, cohabitant, sans envie, ni projet, ni désir, si ce n’est aspirer au calme (cela dit, au moment où je l’écris, je me dis que le calme peut être un projet de vie totalement honorable…. mais ce n’est pas encore le mien).

Ensuite, la satire est un peu légère, tout est survolé et tout est attendu. Julia se limite à planter le décor et les personnages. Elle installe un minimum d’interactions pour bien faire comprendre que « l’enfer, c’est les autres » mais les situations sont assez convenues, entre travaux, fêtes et vide-greniers et souvent expédiées. Finalement la caricature n’est pas si subtile que ça.

Enfin, je reconnais qu’il y a bien un embryon d’intrigue, genre thriller. J’avoue que je suis totalement passée à côté. Franchement, je n’ai compris ni en quoi les voisins étaient démoniaques et machiavéliques (chiants tout au plus), ni l’utilité d’une telle histoire dans l’histoire puisque de toutes façons tout est laissé en suspens.

Je n’ai pas détesté… je n’ai pas aimé. C’est un livre que j’ai lu rapidement et que j’oublierai tout aussi rapidement. Dommage car Julia a un vrai style qui pourrait donner des pépites.

LA MAISON de Emma Becker

Ce livre n’est pas un bonbon.

Dans ma dernière chronique je vous parlais de livres qui étaient comme des bonbons, doux, agréables et sucrés.

Et puis il y en a d’autres. Qui picotent, râpent la langue, font grimacer.

La Maison en fait partie.

C’est un récit qu’on n’attend pas, qui va à contre-courant de la pensée dominante de l’époque, et qui dérange. Pourtant, ça parle de choses qui existent, qui sont vraies, pas d’une vérité absolue mais tout du moins réelles. On fait quoi face à une réalité qui ne correspond pas à notre schéma de pensée ? On réfute ? On oublie ? On fuit ?

La Maison d’Emma Becker

Une femme décide de se prostituer, le revendique, l’assume, en retire même des plaisirs et des moments de bonheur. Ça chatouille hein ?

Si, encore, il s’agissait d’une femme lambda, personnage imaginaire tout droit sortie du cerveau d’Emma… ou à la limite (mais vraiment extrême limite) d’une femme qu’elle a rencontrée et dont elle raconte l’histoire. On pourrait mettre le récit à distance, le balayer d’un revers de main : « c’est totalement inventé, c’est l’exception qui confirme la règle, c’est une nymphomane, elle fait genre mais elle est profondément malheureuse… ». Et on replongerait nos mains allègrement dans le paquet de bonbons avec la satisfaction que rien ne peut troubler nos convictions.

Mais non ! C’est d’elle dont elle parle ! Pas de mise à distance possible, pas de dédain à opposer, parce qu’en plus, elle a de la répartie, Emma ! Elle est là, à vous regarder droit dans les yeux : « c’est mon histoire, c’est mon choix et je ne suis pas la seule ».

La première fois que je l’ai vue c’était à La Grande Librairie (bon sang, je devrais me faire payer tellement je fais de pub à cette émission). Et, croyez-moi, Emma a picoté tous les invités, hommes et femmes. Et c’est parti pour une série de réactions empruntées : « oui, le livre est vraiment intéressant mais attention à ne pas glorifier la prostitution », « je suis un peu dérangée quand même ». Comme si ce livre était forcément plus qu’un témoignage et légitimait toutes formes de prostitution, la recommandait comme une voie royale. Allez zou ! Cursus en 5 ans chez Sup de Pute, c’est l’assurance d’une carrière d’avenir !

Parce que c’est bien connu, une pute, ça doit être exclusivement une victime, faut quand même flatter un minimum notre moralité, nos valeurs. OK, c’est une pute mais elle n’a pas le choix, on la force. Elle attend d’être sauvée.

Mais une pute qui n’attend rien, ça met méchamment à mal nos certitudes, nos batailles, les avancées de la condition féminine passées et à venir. Et si la véritable avancée c’était la liberté ? Liberté pour les femmes de disposer de leur corps sans être jugée y compris par leurs sœurs ? Liberté de se défaire des règles et injonctions du patriarcat sans tomber dans celles des féministes ?

Et le livre, dans tout ça ?

Je comprends le malaise qui se déroule en 2 temps :

  • Le sujet. Il serait somme toute assez commun, avec son charme belle époque si justement l’époque n’était contemporaine (il existe donc encore des maisons closes de nos jours ?).
  • Ce que l’auteure a fait pour écrire ce livre, ou plutôt ce que ce livre lui a permit (autorisé) de faire
  • Enfin, l’atmosphère du livre et de la Maison, un univers caché, feutré, protégé du monde, bruissant d’une charmante ambiance féminine. On a envie d’y être.

Que c’est agréable de lire un livre bien écrit avec un beau style.

Et drôle, ce que je ne soupçonnais pas, car en promotion, Emma becker est beaucoup de choses – belle, énigmatique, (on la regarde comme une bête curieuse) douce et forte (pas besoin de parler plus fort et il ne viendrait a personne l’idée d’être malotru avec elle) – mais pas drôle

SAN-ANTONIO – Aux frais de la princesse – de Frédéric Dard

Si tu n’as pas lu un San-Antonio avant tes cinquante ans, tu as raté ta vie !

Autant vous dire qu’il y avait un chouïa urgence pour moi !

  • Bien évidemment que je connais de nom.
  • Bien évidemment que je sais de quoi ça parle (enquêtes policières du Commissaire San-Antonio).
  • Bien évidemment que je sais que l’écriture de Frédéric Dard est truculente, fleurie, argotique et tout le tintouin.
  • Bien évidemment que je sais que la série des San-Antonio est devenue un classique.

Mais (je ne me repose jamais 🥳) :

  • Les San-Antonio sont systématiquement rangés dans le secteur « testostérone » des rayons des Maisons de la Presse, au mieux à côté des SAS, au pire entre les revues pornographiques et de musculation (et oui, avant de soulever des filles faut soulever de la fonte – c’est pas ma meilleure mais je l’aime bien 🥳).
  • Les titres me font rire (« Le pétomane ne répond plus« , « L’année de la moule« …) mais pas de là à déclencher l’acte d’achat (ici, le marketing pour les nuls 🤣).
  • Les couvertures sont délicieusement vintages, certaines frôlant le collector, mais elles fleurent aussi le grossier roman de gare. Bon sang, non, je ne suis pas prête pour ça !

Et Frédéric, alors ?

  • J’ai toujours eu une grande sympathie pour lui, bien que ne l’ayant jamais lu et ne connaissant pas son univers. Quand il passait à la télé, c’était un vrai plaisir de le regarder et de l’écouter parler.
  • Il avait le regard tendre, parfois triste ou plutôt inquiet, mais jamais cynique ni désabusé.
  • Il était drôle, un humour qui rassemble, élégant. Un humour comme une politesse.
  • Il était cultivé, avait un vocabulaire extrêmement riche (contrairement à ce qu’il pouvait dire « J’ai commencé avec 300 mots, tous les autres je les ai inventés »).
  • Et il vénérait Céline 🤗 !
  • Comment pouvais-je ne pas aimer Frédéric 🥰 ?

Il était donc dit que je devais le lire un jour… Et ce jour est arrivé cet été.


Mais il n’était pas dit que j’aimerais !

Ben non, j’ai pas aimé.

Pourtant ça commençait bien ! J’adore les romans policiers et l’humour 🤗.

Les soixante premières pages me comblent. Je découvre une écriture qui guérirait une vache neurasthénique (non, je ne parle pas de moi 😜).

Bref, je souris, je ris aussi. L’intrigue est intrigante, le style est stylé. Les personnages sont hauts en couleur, le sexe est récurrent et au-delà du burlesque. Jouer avec les mots comme il le fait demande une culture et une maîtrise phénoménales. Je comprends qu’on puisse être fan….
Sauf que… j’ai fini par trouver ça toujours pareil, j’ai commencé à tourner en rond, lentement puis de plus en plus vite. Tant et si bien que je ne l’ai pas fini 😱.

Je ne saurai jamais ce qui est arrivé au Vieux… et franchement, je m’en fous.

Je continue d’avoir une grande tendresse pour Frédéric… Et c’est le principal !


RHAPSODIE DES OUBLIÉS de Sofia Aouine

La Grande Librairie a encore frappé !

Mercredi 18 septembre. François annonce depuis plusieurs jours, sur les réseaux sociaux, une interview exclusive de Joyce Carol Oates, MA Joyce, que j’adore, que je vénère 🤩 !

Autant vous dire que mieux installée que moi sur le canapé, ce n’est pas possible. Zou ! C’est parti !

L’interview sera diffusée en fin d’émission (malin, le François 😤). Pas le choix, je vais donc regarder l’intégralité du programme. Je ne connais aucun des invités. Le thème, « Sexe et pouvoir » est alléchant bien comme il faut et promet une émission passionnante. Promesse tenue ! Ça a été un des numéros les plus enthousiasmants de la rentrée ! Mais, surtout, j’ai découvert Sofia.

Comment ai-je pu vivre sans Sofia ?

Quand elle arrive sur le plateau, on ne voit qu’elle !

  • Sofia, c’est d’abord un physique. Elle ne répond à aucun des canons de beauté en vigueur, elle est grosse (ce n’est pas une insulte, c’est factuel), sa tenue chatoyante jure parmi le trio de teintes « Bleu / Gris / Noir » des autres invités. Bref, elle est sublime ! Elle sourit, plante ses yeux droits dans ceux de son interlocuteur, a le regard teinté de malice même si on n’est pas forcément là pour rigoler. Elle est magnifique, je VEUX que ce soit ma copine  🥳 !
  • Elle n’est pas connue (enfin, par moi), ne bénéficie d’aucune notoriété, c’est son premier roman.
  • Elle a 41 ans, n’a plus la candeur de la prime jeunesse (si tant est qu’elle l’ait eu un jour vu son parcours). Elle a mieux ! L’énergie et la rage de ceux qui ont bien galéré pour s’en sortir.
  • Peu importe, elle irradie. Vous êtes irrésistiblement attirée dans son sillage, vous avez envie de la connaître, de profiter de son aura, comme si cela pouvait vous donner un peu de sa détermination que vous devinez, de son appétit de vivre, de son audace. Elle me fait penser à une ogresse, une sorcière, une guérisseuse, tous ces noms qui ont servi à dévaloriser, détruire, soumettre les femmes mais qui, au contraire, devraient les libérer, les définir. Elle est LA femme !

Quand elle parle, tout le monde se tait !

  • Elle dit ce qu’elle veut, comme elle veut. François, les invités, moi, (la France entière 😂) sommes suspendus à ses lèvres, à ses mots.
  • Des mots justes, précis et précieux pour se raconter et raconter son livre.

Et son livre, alors ?

François annonce la couleur très rapidement en précisant qu’il s’agit de son coup de  ❤️ de la semaine. Je l’ai lu, j’ai adoré ! Et je comprends maintenant les références à La vie devant soi, faites au cours de l’émission. Abad, le jeune héros de 13 ans est le frère de Momo. Le quartier a changé, les protagonistes aussi mais la misère humaine reste la même. Injuste, rageante, triste… et drôle aussi, d’autant plus qu’elle est vue par l’œil d’un adolescent qui apporte sa franchise, son bon sens et son effronterie.

Facile à aborder, facile à lire, ce livre se dévore. Le langage peut être cru ou drôle ou plein d’amour, mais il m’a toujours touché.

C’est aussi une formidable déclaration d’amour :

  • à la Goutte-d’Or, ce quartier mal-aimé de Paris et à ceux qui le peuplent. Ces invisibles qui ne me ressemblent pas, qui me font peur et que, souvent, je préfère ignorer. C’est vrai, c’est tellement plus facile et confortable de les aimer au travers d’un livre.
  • et surtout aux femmes, les premières victimes mais surtout les seules capables d’assez d’abnégation pour distiller de l’espoir.

Ce n’est pas le roman du siècle, ce n’est pas La vie devant soi, c’est Rhapsodie des oubliés et c’est bien !

BAISE-MOI de Virginie Despentes

Entre Virginie Despentes et moi, c’était pas gagné !

Il y a deux ans, je me suis résignée (oui, vous avez bien lu, RÉ-SI-GNÉE) à lire un livre d’elle. Elle fait partie des auteur·e·s incontournables en France, elle est régulièrement invitée dans les émissions littéraires ou dites de « divertissement ». Elle se retrouve plus souvent qu’à son tour en tête de gondole à la Fnac. Bref, j’étais obligée ! Histoire de l’avoir lue, « comme tout le monde » et d’avoir un avis, « comme tout le monde » (paradoxalement, j’aime bien le concept « être comme tout le monde » de temps en temps🥺).

Restait le choix du bouquin ! Ça allait se jouer entre les trois titres les plus connus : Baise-Moi, King Kong Théorie ou, le dernier en date, Vernon Subutex.

La sélection se fait naturellement. King Kong Théorie est un essai, je veux un roman. Baise-Moi traîne une réputation sulfureuse, c’est peut-être un peu too much pour moi, petite chose sensible. Je pars sur Vernon Subutex tome 1 (sensible, mais logique 🤪) !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’a pas été le coup de foudre ! Je me suis traînée jusqu’à la fin. La lente descente aux enfers de Vernon m’a paru interminable. Le genre de type attachant mais qui s’incruste et qu’on n’arrive plus à dégager. Même l’intrigue n’a pas suffit pour que je rentre dans cette galerie de portraits d’une génération déchue. Même ses errances dans Paris, même les multiples références aux années 80, qui sont trop pointues pour moi. Je n’ai pas détesté, j’ai aimé l’écriture brute, sans concession, qui exprime tellement bien la désillusion, la détresse, le dégoût, la marginalisation. Mais j’ai refermé le livre en ne sachant pas trop quoi en penser. Et c’est mauvais signe…

Il ne faut jamais dire « jamais » !

Il y a quelques semaines, je tombe par hasard sur une interview croisée entre Virginie Despentes, Béatrice Dalle et Casey sur le féminisme. Chaque intervention de Virginie est juste, brillante, radicale. Première étape du coup de foudre. Je ne peux pas rester sur un avis tiède, je décide de lire Baise-Moi !

Coup de foudre définitif et irréversible ! Je l’ai terminé depuis cinq jours et Nadine et Manu sont toujours avec moi. Je n’ai démarré aucune autre lecture tant j’ai peur que leur présence s’estompe, tant j’ai envie de rester avec elles, tant ça m’a pris aux tripes.

Et pourtant, c’est tout sauf amazing 🥳🥳🥳 !!!

Une banlieue sinistre, qui transformerait n’importe quel winner en paumé toxico et alcoolo. Une banlieue que même quand t’as encore l’envie et une chance de t’en sortir, elle te calme bien comme pour te signifier qu’on ne perturbe pas indûment la hiérarchie sociale. N’Y PENSE MÊME PAS !

Et puis, il y a Nadine et Manu. Elles ne se connaissent pas, mais ont la même histoire. Deux filles à qui personne n’a jamais fait de cadeau et encore moins la vie. Elles ont appris à esquiver les coups, si besoin à les encaisser. Elles ne se laissent pas marcher sur les pieds mais savent faire profil bas quand il le faut. Elles ont des plaisirs simples, baise et alcool, l’un finançant l’autre. Elles tiennent à leur tranquillité ; se défoncer nécessite un minimum de sérénité. Ça pourrait les faire passer pour asociales et amorales, mais ce n’est pas le cas : elles ont des accointances (le terme « amitiés » serait un chouïa exagéré) et leur propre code d’honneur.

Quand elles se rencontrent, elles ont déjà savouré la violence chacune de leur côté, elles vont juste mettre en commun leur savoir-faire, parfaire leur technique, une sorte de joint-venture du sang.

Elles assument tout,  en cela ce sont les personnages les plus féministes que j’ai jamais croisés. Elles sont libres. Une liberté grisante, choquante, absolue, qui s’obtient au détriment des autres par ceux qui n’ont plus rien à perdre. C’est totalement gratuit, c’est totalement flippant, c’est totalement enivrant ! Des Thelma et Louise trashs. « On est en train de rattraper toute une vie en quelques jours ».

Il est des livres que vous ne voudriez jamais finir. J’aurais pu les suivre au bout du monde.

Je laisserai la phrase de fin à Nadine : « ce qui convient à la main, c’est le flingue, la bouteille et la queue ».

Ni plus… ni moins. 

LES DESSOUS CHICS de Serge Gainsbourg

Des chansons divines de Serge, il y en a à la pelle… mais c’est celle-ci… entre toutes… depuis toujours.

Les dessous chics 
C’est ne rien dévoiler du tout 
Se dire que lorsqu’on est à bout 
C’est tabou

Les dessous chics 
C’est une jarretelle qui claque 
Dans la tête comme une paire de claques 

Les dessous chics 
Ce sont des contrats résiliés 
Qui comme des bas résilles 
Ont filé

Les dessous chics 
C’est la pudeur des sentiments 
Maquillés outrageusement 
Rouge sang

Les dessous chics 
C’est se garder au fond de soi 
Fragile comme un bas de soie 

Les dessous chics 
C’est des dentelles et des rubans 
D’amertume sur un paravent 
Désolant

Les dessous chics 
Ce serait comme un talon aiguille 
Qui transpercerait le coeur des filles

https://youtu.be/SEjmofaVuDY

K.O. de Hector Mathis

Il ne faut pas en promettre à la Bibliothécaire !

Tous les ans, début novembre, est dévoilé le prestigieux Prix Goncourt. La tension est savamment orchestrée, dès la rentrée littéraire, grâce aux pré-sélections de septembre et octobre. Mais fin octobre, on atteint le summum de l’effervescence. Chacun y va de son pronostic ; les plus téméraires balancent leur coup de cœur, les plus prudents tablent sur une sélection. Quant à moi, je m’en fous, vu qu’en général, je commence juste à attaquer les livres de la rentrée littéraire d’il y a dix ans !

Cette année, La Grande Librairie n’a pas dérogé à la règle. Une semaine avant l’attribution du Goncourt, l’émission donne la parole à quatre libraires : quel est, pour eux, le livre qui mérite le prix et pourquoi ?

Le premier libraire présente et argumente son choix, le deuxième itou, jusqu’à la troisième ! Une libraire passionnée qui dit CE QU’IL NE FALLAIT PAS DIRE ! Elle tient K.O. de Hector Mathis. Elle raconte juste ce qu’il faut pour donner envie de le lire et termine par : « c’est la première fois que je ressens cela pour un livre, depuis Voyage au bout de la nuit« .

La bibliothécaire se raidit, fait une moue où se mêlent surprise, suspicion et contrariété (ce qui, d’après Népoux, est assez drôle à voir). Attention, on n’évoque pas Céline à la légère ! Mais le mal est fait, elle m’a donné envie de lire ce bouquin !

Ressentir la même chose que pour Voyage au bout de la nuit ??!!! Elle est sérieuse ???

Je ne menace pas, je préviens : je peux vite perdre toute objectivité en ce qui concerne le Voyage !

Pour moi, c’est le seul, l’unique livre au monde. Tout le reste n’est que tentatives plus ou moins vaines pour approcher la condition humaine. Ce livre m’a littéralement foudroyée, fracassée, il m’a changée, a bouleversé mon rapport à la vie… et aux livres. J’en suis sortie hébétée, sidérée… et je passe ma vie à chercher le livre qui me fera revivre ça. Frédéric Beigbeder, dans Dernier inventaire avant liquidation, a comparé la lecture du Voyage à un dépucelage littéraire ; je trouve que c’est largement en-deçà de la réalité.

Ça ressemble à Céline… mais ce n’est pas du Céline !

Je m’en doutais… mais j’y ai cru quand même ! Je vais donc essayer d’oublier cette comparaison pour rendre un avis objectif et honnête de ce livre, car c’est un premier roman prometteur même si je l’ai trouvé maladroit.

Ça raconte Sitam et la môme Capu, un couple en marge, deux solitudes qui se tiennent chaud dans un monde hostile. Deux inaptes à la vie, non pas en société, mais dans notre société.

Sitam est fou de jazz et de littérature. Il est jeune mais suffisamment vieux pour avoir plus de désillusions que de rêves. 

C’est l’histoire de sa fuite en avant, son errance dans une France puis une Europe en proie au chaos, comme lui.

Dans ce livre, ce qui frappe, c’est l’écriture. Il y a de la gouaille, de l’argot, de la vie, du rythme. Hector écrit comme on joue du jazz, avec frénésie. Un jazzman a dit un jour : « le jazz n’offre aucun répit. Il ne tient pas en place et ne le fera jamais ». C’est exactement ça !

Puisque notre héros n’a plus d’espoir, l’auteur s’en donne à coeur joie. Tout est foutu ? Autant s’en payer une bonne tranche ! Bim, bam, boum ! De la musique à vous faire tourner la tête, à vous saouler, à vous écoeurer ! Des ribambelles de mots qui vous apostrophent, se heurtent, finissent par se répéter et ne plus vouloir rien dire.

C’est ça, le principal problème de ce récit : la forme l’emporte sur le fond. Comme une improvisation de jazz qui finit par tourner en boucle autour d’accords majeurs mais sans jamais réussir à les approcher.

Hector Mathis est jeune, talentueux, même si j’ai été déçue, je suis curieuse de savoir ce qu’il va écrire à l’avenir !

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