BOILLY, C’EST PARIS ! Chroniques parisiennes au musée Cognacq-Jay

Qui est déjà allé au musée Cognacq-Jay ? Qui ?

Ben pas moi !

Pour moi, Cognacq-Jay, c’était Léon Zitrone et son célèbre « À vous les studios, à vous Cognacq-Jay ». En aucun cas, ce n’était un couple de philanthropes, passionné d’art du XVIIIè siècle et fondateur des grands magasins de la Samaritaine.

Je cherchais une exposition à faire, sans vrai cahier des charges. Seule contrainte, ne pas être dans la foule. Exit donc, les Louis Vuitton et autres Louvre. C’est alors que je tombe sur la peinture choisie pour représenter l’exposition « Boilly, chroniques parisiennes ».

Il s’agit d’un autoportrait de l’artiste. Il a une bouille très sympathique, ça va parler de Paris, je ne connais pas ce musée. GO !

C’est qui, d’abord, Boilly ?

Originaire du nord de la France, il arrive à Paris en 1785. Il ne partira plus. Il traversera la révolution et différents régimes, tout en conservant son amour des gens et son mordant. Autodidacte, il va chroniquer visuellement la capitale avec humour et amour. On découvre un Paris inconnu, la prison des femmes (bâtiment aujourd’hui disparu), l’arrivée des diligences, les grands boulevards, les cafés. Tout est spectacle, il croque les bourgeois comme les indigents (cette peinture où les pauvres se pressent à une représentation de théâtre gratuite sous l’oeil amusé des bourgeois 😱). Ses tableaux sont vivants, expressifs, on a l’impression d’y être, on sent l’énergie nous traverser. Il aime Paris, ses excès, ses travers, ses beautés.

Plein les mirettes !

L’oeuvre de Boilly est foisonnante. Cela va de la peinture classique, aux portraits, en passant par les caricatures, les trompe-l’oeil et les illusions d’optique. C’est jubilatoire ! Ce type était d’une curiosité insatiable et un vrai touche-à-tout.

Loin des peintures classiques reproduisant scènes de batailles et grands du monde, il croque la vie quotidienne. Un vrai documentaliste. En cela, son oeuvre est riche en enseignement sur l’époque.

L’art du portrait est à son apogée. Il va créer un format unique, sorte de miniature qu’il peut finaliser en 2H, et ainsi réaliser le portrait de plus de 5000 parisiens, toutes classes confondues. Publicitaire avant l’heure, il « markete » ses propres oeuvres, valorisant sa signature avec différents effets. Sa série « Grimaces » met l’emphase sur les expressions humaines (rire, dégoût, avarice, colère et bien d’autres). C’est juste, c’est mordant, c’est jouissif !

Il s’intéresse aussi aux sciences, à la photographie naissante et propose des oeuvres étonnantes et pleines d’entourloupes.

N’ayons pas peur des mots, ça ne mord pas. C’est une des expositions les plus instructives et enthousiasmantes que j’ai faite dernièrement. Et pourtant, je ne suis pas XVIIIè siècle. Et pourtant, en sortant du musée, encore remplie de ses merveilles, je découvre qu’on m’a volé mon vélo. Ce qui en fait l’exposition la plus chère de mon existence… mais je ne regrette pas (même si j’ai maudit mon voleur ou ma voleuse et promis de lui éclater sa face contre le bitume 😈).

Si vous avez l’occasion, foncez tête baissée, je m’en porte garante 🤪. C’est jusqu’au 26 juin.

Psssst ! Allez-y en métro ou avec un bon antivol !

LE BAL DES FOLLES de Victoria Mas

Certains livres sont comme des bonbons.

Vous savez que vous allez finir le paquet d’un seul coup et que ce sera délicieusement régressif. Vous connaissez la plupart des goûts, c’est tout ce que vous aimez, fraise, citron, menthe. Il y a des nouveautés, acidulées, qui vous picotent la langue et font le plein de sensations. C’est un plaisir connu et rassurant.

Le Bal des Folles fait partie de ces livres. Vous le pressentez rien qu’en lisant le résumé. Le sujet est alléchant, l’intrigue est bien construite, l’histoire plaît sans nous bousculer. C’est ce qu’on appelle un page-turner. Bien sûr, c’est captivant, on découvre un univers d’autant plus passionnant qu’il est historique et méconnu. Tous les ingrédients sont là : des surprises, des personnages sacrifiés car il en faut, des rêves enterrés car c’est souvent le propre des rêves, des vies brisées qui mettent en exergue celles qui seront sauvées. Au final, le lecteur a ce qu’il veut, le contrat est rempli. On a passé un très bon moment. 

Victoria a de l’avenir….

« Vous êtes cordialement conviés au bal costumé de la mi-carême, qui aura lieu le 18 mars 1885 à l’hôpital de la Salpêtrière. »

Ce bal est le point d’orgue du livre, l’événement où le Tout Paris accourt pour se procurer sa dose d’adrénaline, pour frissonner sans danger. Car dans ce bal, se côtoient la haute société et les folles de l’hôpital de la Salpétrière.

On y découvre les dingues, les sorcières, les hystériques, les apathiques…

Derrière ces termes, des femmes brisées par les hommes car « trop ». Trop indépendantes, trop rebelles, trop érudites, trop curieuses. Elles gênent, dérangent, troublent l’ordre établi et confortable de la société. Elles osent parler tout haut, espérer une vie où elles seraient écoutées, considérées. Elles viennent de tous les milieux, le besoin de liberté ne s’embarrasse pas des conditions sociales. Mais l’ordre patriarcal transcende les classes, c’est même leur seul point commun.

Alors, elles sont décrétées folles, enfermées, étudiées, deviennent des cobayes au nom de la science. Certaines s’en accommodent, après tout, être enfermée dehors ou être enfermée dedans, quelle différence ? D’autres pas.

… et du travail.

C’est son premier roman et je l’ai dévoré. Pour plein de raisons : c’est un roman historique, le Paris de la Belle Époque. Il parle des femmes, de folie, de violence et de liberté.

Le roman de Victoria pourrait être ambitieux, pourtant il m’a laissé un goût d’inachevé.

Le style, d’abord, est trop scolaire, trop anodin, malgré quelques passages intenses qui augurent une écrivaine capable de puissance.

L’histoire, enfin. L’intrigue est structurée, presque trop. Victoria ne s’est autorisée aucun écart, de ces écarts qui vous culbutent, vous ravagent.

Je vous le conseille néanmoins. Victoria Mas livre là un étonnant et séduisant roman-feuilleton, de ceux que l’on lisait dans les gazettes du temps du Bal des folles. Et ce n’est pas donné à tout le monde !

MORALES ESPIEGLES de Michel Serres

Commençons par un peu de douceur et de consensualisme !

En six mois, j’ai vu ou lu de nombreuses interviews de Michel Serres. A chaque fois, j’étais en pâmoison devant ce vieillard !

D’abord, je lui trouvais un charme fou. Il souriait tout le temps et je suis très sensible aux sourires, voire même aux rires, aux éclats de rire, aux fous rires, aux rires subtils, aux rires cons. Je prends tout ! J’expérimente tout 🤪 ! A une époque où beaucoup s’astreignent à tirer des tronches de trois mètres de long, où l’agressivité devient une norme comportementale, je trouve qu’on sous-estime beaucoup le pouvoir du sourire.

Il avait le regard malicieux et c’est très difficile. Pour avoir l’œil malicieux, il faut avoir l’esprit malicieux. J’ai essayé et ça ne marche pas à tous les coups. J’oscille entre l’œil moqueur, cynique, bovin, mais la malice ça ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval ! Vous me suivez toujours ? 😱

Mais ce que j’aimais par-dessus tout, c’était sa curiosité et son intelligence bienveillante. Lorsqu’on arrive à un âge avancé, on est très souvent enclin à se barricader face au monde qui change, à seriner des « c’était mieux avant », « de mon temps c’était autre chose », « les jeunes d’aujourd’hui, c’est des bons à rien » et autres « halala, le pauvre Général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe ». Bon, ce n’est pas l’apanage des vieux, il y a des jeunes qui font ça très bien aussi (d’ailleurs Brassens en a fait une chanson), mais c’est quand même une petite tendance chez les plus de 70 ans. Et ça m’a toujours gonflée… et effrayée. Car qui me dit que dans quelques années, je ne deviendrai pas, moi aussi, une parfaite Tatie Danielle ? Michel, c’était tout le contraire, je le trouvais ouvert, optimiste, tolérant.

Bref, j’aimais beaucoup Michel Serres. Donc, forcément, j’étais mûre pour lire un de ses livres.

Putain ! Que je me suis fait chier !

Voilà, c’est dit ! Je sais que je vais choquer plein de gens, que ce n’est pas Michel qui est en cause, c’est moi qui n’ai rien compris… Mais ça ne change rien. Le livre était minuscule et j’ai fait péter le champagne de soulagement quand je l’eus terminé.

Est-ce que j’avais oublié que j’avais affaire à un philosophe ? Est-ce qu’il avait déjà tout dit dans ses interviews, le livre n’apportant pas grand chose de plus ?

Les deux ! Et pourtant, j’adore la philosophie (je lis Frédéric Lenoir, c’est vous dire) ! Mais Michel avait déjà tout dévoilé dans ses interviews… en beaucoup mieux ! Ce qui était simple, fluide, évident, quand vous l’écoutiez à la télévision ou le lisiez dans un magazine, devenait ampoulé, poussif, répétitif dans son livre.

Pourtant, sa pensée a tout pour me plaire. Il ne se prend pas au sérieux, il réhabilite la désobéissance à la hiérarchie, le chahut, l’espièglerie, il loue des valeurs telles l’empathie, l’humilité, le respect de la nature, la transmission… tout ce à quoi j’essaie d’être fidèle (notez que le verbe « essayer » est primordial dans cette phrase 😜). Ce recueil de petites leçons de vie, tirées de son expérience, ne POUVAIT PAS ne pas me séduire.

Mais, c’est oublier que rien n’est prévisible et c’est justement un des plus beaux attraits de la vie. Je ne me décourage pas (moi ? Jamais !) ! Prochaine lecture : Petite Poucette !

SORCIÈRES (ou La puissance invaincue des femmes) de Mona Chollet

Mona CHOLLET a tout pour me plaire !

Je suis tombée en arrêt devant ce livre à la Fnac. Mais vraiment en arrêt ! Je suivais Népoux qui voulait me montrer un ouvrage EX-TRA-OR-DI-NAIRE, quand, soudain, je me suis immobilisée et plus rien ne comptait hormis ce bouquin. Laissant Népoux continuer à tracer dans les rayonnages, parlant tout seul, persuadé qu’il était que je le suivais, j’observe la couverture. Le titre, Sorcières, et l’illustration 😍. Un vrai coup au cœur ! Tout était réuni pour un potentiel gros gros coup de foudre. Même le fait que ce soit un essai ne m’a pas arrêtée, moi l’accro aux romans, au contraire ! Je subodorais qu’on allait sortir des sentiers battus, que les sorcières en question allaient être diablement intéressantes et subversives. Tel un Jean-Marc Généreux de la littérature : J’ACHÈÈÈÈÈÈTE !!!

Je démarre, et là, joie intégrale. Mona et moi avons plein de références communes. Quel bonheur de lire un livre peuplé de gens que j’admire. Des êtres qui sortent des clous, mais pas seulement. Ils ont une vision, des convictions chevillées au corps, un génie, un courage, un humour… Et même si toutes les vies se valent, la leur m’émerveille tant ! Alan Moore, Gloria Steinem, Anne Sylvestre, Clarissa Pinkola Estes, pour ne citer qu’eux, des âmes tellement riches et plurielles qu’il est réducteur de les qualifier.

Et ça continue ! Références pop-culturelles (ma passion, inventer des mots 🥶), historiques, etc. Bon sang, c’est jouissif ! Quand, en plus, Mona se décrit comme un cliché sexiste ambulant : émotive, impulsive, parfois naïve, maladroite, toujours à côté de la plaque. Une bourgeoise un peu coincée qui aime que rien ne dépasse, que tout soit carré, mais mue intérieurement par une petite voix qui la titille, une voix de révolte qui la bouscule, ne la laisse pas en paix. Mais bordel, Mona c’est moi !!!

Disney et la Renaissance ont bien miné les femmes !

Oubliez la représentation de la vieille, moche, aigrie et méchante telle que nous a abreuvé Disney à longueur de dessins animés ! C’est bien connu : toutes les insoumises sont laides et psychopathes ! Or, celles qu’on a désigné comme sorcières étaient simplement des femmes, qui avaient accumulé au fil des siècles, une force vitale, un savoir instinctif et expérientiel menaçant le pouvoir des hommes.

Je découvre, pêle-mêle, que la répression dont elles ont été victimes :

  • a été très peu le fait du fanatisme religieux mais surtout de la société civile,
  • les protestants (que je voyais comme modérés et tolérants, ayant eux-mêmes été persécutés) y ont activement participé,
  • a culminé à la Renaissance (et non au Moyen-âge, comme je le pensais).

Pourquoi la Renaissance ? C’est l’apparition de l’homme nouveau, l’homme tout puissant, qui, grâce aux multiples découvertes géographiques et scientifiques, réussit à dompter la nature. La science se pare alors d’atouts exclusivement masculins :

  • intelligence (le cerveau de la femme est plus petit et plus léger, CQFD),
  • réflexion (si on savait réfléchir, ça se saurait),
  • rationalité (y a-t-il plus illogique qu’une meuf ?),
  • stabilité (la femelle est totalement hystérique),
  • rigueur (plus bordélique qu’une nana, y’a pas),
  • transparence (on est toutes une sale bande de sournoises), et j’en passe.

Exit tout ce qui est créativité, imagination, inspiration, intuition, etc. La femme est cause de désordre, comme la nature, et doit être domptée, comme elle. Bref, « la machine à fabriquer l’homme nouveau est aussi une machine à tuer la femme ancienne ». Cet évincement de la femme de l’Histoire et son asservissement se sont encore accentués lors de l’avènement du capitalisme.

Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler ! 😈😈😈

Je ne vous dis pas le retard qu’il y a à rattraper ! Même le trône de fer paraît plus accessible !

Mona étudie plus particulièrement trois types de femmes qui cristallisent tous les rejets, toutes les haines :

  • la femme indépendante (c’est-à-dire hors de contrôle pour l’homme). Inacceptable ! La meilleure solution est de nous passer le goût de la liberté. Souvenez-vous du personnage de Glenn Close dans Liaison Fatale. Une femme libre, professionnellement et sexuellement, ça cache forcément quelque chose (Zou ! On va lui coller solitude et déséquilibres, ça va calmer tout le monde 🥳🥳🥳).
  • la femme sans enfant. Une femme ne peut trouver de véritable épanouissement qu’à travers l’enfantement. La pitié est réservée à celles qui ne peuvent connaître cette joie ultime et la haine, à celles qui ne le souhaitent pas. Et Mona, de citer Pauline Bonaparte : « les enfants, je préfère en commencer 100 que d’en finir un seul ». TU M’É-TO-NNES Pauline !
  • la vieille femme. L’horreur ultime ! Cachez cette décrépitude que les hommes (et beaucoup de femmes) ne sauraient voir !

Ce livre est passionnant et foisonnant ! Il a juste les défauts de ses qualités : parfois trop redondant et un peu désordonné, mais d’une richesse incroyable.

Et surtout, il annonce une excellente nouvelle : les sorcières sont de retour !

LA PENDULE De Raymond Queneau

Sous ce physique de banquier austère se cache l’un des poètes français les plus fous et les plus talentueux !

Je mbaladais sulles boulevards 
Lorsque jrencontre lami 
Bidard 
Il avait lair si estomaqué 
Que jlui ai dmandé dsesspliquer

Eh bien voilà me dit-il 
Jviens davaler ma pendule 
Alors jvais chez lchirurgien 
Car jai une peupeur de chien 
Que ça mtombe dans les vestibules

Un mois après jrevois mon copain 
Il avait lair tout skia dplus rupin 
Alors je suis été ltrouver 
Et jlavons sommé dsesspliquer

Eh bien voilà me dit-il

Jgagne ma vie avec ma pendule J’ai su lestomac un petit cadran Je vends lheure à tous les passants En attendant qujai Icadran sulles vestibules

A la fin ltype issuissuida Lossquil eut vu qupersonne lopéra Et comme jarrivais juste sul chantier Moi je lui ai demandé qui vienne sesspliquer

Eh bien voilà me dit-il

Jen avais assez davoir une pendule Ça mempèchait ddormir la nuit Pour la remonter fallait mfaire un trou dans ldos
Jpréfère être pendu qupendule

Lorsquil fut mort jvais à son enterrement Cétnit 
Imatin ça mennuyait bien Mais lorsqui fut dans 
Itrou ah skon rigola Quand au fond dla bière le septième coup dmidi tinta

Eh bien voilà voilà voilà Il avait avalé une pendule Ça narrive pas à tous les chrétiens Même à ceux quont un estomm de chien Et du cœur dans les vestibules


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