FLEABAG de Phoebe Waller-Bridge

Mon p’tit cœur palpite à l’idée de vous parler de Fleabag 🥳

Non ! J’ai dit non ! Ce n’est pas parce que tout le monde en parle que je vais regarder. Pourquoi ? Parce que c’est une série. Qui dit série dit engrenage, chronophage, nuits blanches, réveils douloureux où je ressemble à un lémurien boursouflé, « promis, ce soir je me couche tôt » et autres ennemis de mon capital sommeil. Sauf que Télérama est passé par là, avec une critique au cordeau que je vous fais courte : « Fleabag, une mécanique très méticuleuse à l’humour noir magistral », ou encore, « Fleabag manie, avec brio, désespoir et humour noir ». Mais, croyez-moi, le meilleur pitch est une répartie de l’héroïne qui résume tout : « toute ma vie, j’ai utilisé le sexe pour combler le vide flagrant dans mon cœur ». Youhouuuu, c’est plus un résumé, c’est un diagnostic. J’arriiiiive !

Avant de foncer tête baissée, comme à mon habitude, je googlelise quand même, histoire de voir la tête des protagonistes et l’ambiance visuelle. Je tombe sur une photo du personnage principal, magnifique trentenaire à l’élégance british, regard face caméra, Rimmel coulant sur les joues.

C’est parti !

Cette série vous donnerait presque envie d’avoir une vie de merde !

Bienvenue dans le quotidien de Fleabag, surnom d’une jeune londonienne, belle, drôle, naturelle, déjantée, bref… parfaite. Sa vie pourrait être un long fleuve tranquille. Mais (car sans mais, pas de série), il y a des failles que l’on découvre progressivement, ou plutôt des absences abyssales, celle de sa mère et, surtout, celle de sa meilleure amie. Et c’est là que l’expression « l’humour est la politesse du désespoir » de Chris Marker (si, si, c’est Wikipédia qui le dit) prend tout son sens. Car Fleabag est un bon petit soldat, luttant comme elle peut, avec ses armes, pour continuer à vivre, à trouver sa place entre une affreuse belle-mère (génialissime Olivia Colman), une sœur presque parfaite et un père dépassé par à peu près tous les événements de la vie.

Le meilleur de l’humour british !

Les puristes vous diront que rien n’égale les Monty Python, mais je ne suis pas puriste, et je n’aime pas les Monty Python.

Les cinq premières minutes sont assez déstabilisantes car, régulièrement, l’héroïne vous regarde et s’adresse directement à vous (le fameux 4e mur). Mais une fois que vous êtes dedans, impossible de décrocher ! C’est une corne d’abondance d’émotions, vous passez de l’hilarité à la tendresse, de l’humour trash à la tristesse.

C’est bouleversant, c’est prodigieux ! Fleabag est tout à la fois délicate, cash, élégante et inapte. Elle est surtout pudique. Pas la pudeur physique, non, la vraie, celle où, par politesse et par orgueil aussi un peu, on tait notre souffrance. Pour ne pas déranger, pour ne pas inquiéter, pour se convaincre soi-même qu’on va y arriver.

Elle ose tout, envoie valser à la fois le patriarcat et les féministes.

Ne passez pas à côté de cette série ! Douze épisodes de 25 minutes et je prends les paris que vous aurez envie d’avoir Fleabag comme meilleure amie.

C’est doux comme une plume et raide comme un alcool fort. C’est indispensable pour passer les fêtes 🥳.

Bonnes fêtes à tous !

BAISE-MOI de Virginie Despentes

Entre Virginie Despentes et moi, c’était pas gagné !

Il y a deux ans, je me suis résignée (oui, vous avez bien lu, RÉ-SI-GNÉE) à lire un livre d’elle. Elle fait partie des auteur·e·s incontournables en France, elle est régulièrement invitée dans les émissions littéraires ou dites de « divertissement ». Elle se retrouve plus souvent qu’à son tour en tête de gondole à la Fnac. Bref, j’étais obligée ! Histoire de l’avoir lue, « comme tout le monde » et d’avoir un avis, « comme tout le monde » (paradoxalement, j’aime bien le concept « être comme tout le monde » de temps en temps🥺).

Restait le choix du bouquin ! Ça allait se jouer entre les trois titres les plus connus : Baise-Moi, King Kong Théorie ou, le dernier en date, Vernon Subutex.

La sélection se fait naturellement. King Kong Théorie est un essai, je veux un roman. Baise-Moi traîne une réputation sulfureuse, c’est peut-être un peu too much pour moi, petite chose sensible. Je pars sur Vernon Subutex tome 1 (sensible, mais logique 🤪) !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’a pas été le coup de foudre ! Je me suis traînée jusqu’à la fin. La lente descente aux enfers de Vernon m’a paru interminable. Le genre de type attachant mais qui s’incruste et qu’on n’arrive plus à dégager. Même l’intrigue n’a pas suffit pour que je rentre dans cette galerie de portraits d’une génération déchue. Même ses errances dans Paris, même les multiples références aux années 80, qui sont trop pointues pour moi. Je n’ai pas détesté, j’ai aimé l’écriture brute, sans concession, qui exprime tellement bien la désillusion, la détresse, le dégoût, la marginalisation. Mais j’ai refermé le livre en ne sachant pas trop quoi en penser. Et c’est mauvais signe…

Il ne faut jamais dire « jamais » !

Il y a quelques semaines, je tombe par hasard sur une interview croisée entre Virginie Despentes, Béatrice Dalle et Casey sur le féminisme. Chaque intervention de Virginie est juste, brillante, radicale. Première étape du coup de foudre. Je ne peux pas rester sur un avis tiède, je décide de lire Baise-Moi !

Coup de foudre définitif et irréversible ! Je l’ai terminé depuis cinq jours et Nadine et Manu sont toujours avec moi. Je n’ai démarré aucune autre lecture tant j’ai peur que leur présence s’estompe, tant j’ai envie de rester avec elles, tant ça m’a pris aux tripes.

Et pourtant, c’est tout sauf amazing 🥳🥳🥳 !!!

Une banlieue sinistre, qui transformerait n’importe quel winner en paumé toxico et alcoolo. Une banlieue que même quand t’as encore l’envie et une chance de t’en sortir, elle te calme bien comme pour te signifier qu’on ne perturbe pas indûment la hiérarchie sociale. N’Y PENSE MÊME PAS !

Et puis, il y a Nadine et Manu. Elles ne se connaissent pas, mais ont la même histoire. Deux filles à qui personne n’a jamais fait de cadeau et encore moins la vie. Elles ont appris à esquiver les coups, si besoin à les encaisser. Elles ne se laissent pas marcher sur les pieds mais savent faire profil bas quand il le faut. Elles ont des plaisirs simples, baise et alcool, l’un finançant l’autre. Elles tiennent à leur tranquillité ; se défoncer nécessite un minimum de sérénité. Ça pourrait les faire passer pour asociales et amorales, mais ce n’est pas le cas : elles ont des accointances (le terme « amitiés » serait un chouïa exagéré) et leur propre code d’honneur.

Quand elles se rencontrent, elles ont déjà savouré la violence chacune de leur côté, elles vont juste mettre en commun leur savoir-faire, parfaire leur technique, une sorte de joint-venture du sang.

Elles assument tout,  en cela ce sont les personnages les plus féministes que j’ai jamais croisés. Elles sont libres. Une liberté grisante, choquante, absolue, qui s’obtient au détriment des autres par ceux qui n’ont plus rien à perdre. C’est totalement gratuit, c’est totalement flippant, c’est totalement enivrant ! Des Thelma et Louise trashs. « On est en train de rattraper toute une vie en quelques jours ».

Il est des livres que vous ne voudriez jamais finir. J’aurais pu les suivre au bout du monde.

Je laisserai la phrase de fin à Nadine : « ce qui convient à la main, c’est le flingue, la bouteille et la queue ».

Ni plus… ni moins. 

ÇA RACONTE SARAH de Pauline Delabroy-Allard

2019 commence merveilleusement bien…. Première lecture, premier (E-NOR-ME) coup de ❤️ !

On trouve de tout sur LinkedIn !

Et pourtant, j’ai mis du temps à y aller ! Un réseau social de plus ? Pas possible ! Fusse-t-il professionnel (surtout s’il est professionnel 😂).

Pourquoi ?

  • Je passe déjà trop de temps sur Twitter,
  • LinkedIn, ça doit être sérieux à mourir, l’endroit où tout le monde parle de data, de performance et d’efficacité. Pas du tout ma ligne éditoriale 😫.
  • Et surtout, il faut se montrer sous son meilleur jour, se valoriser, nourrir son compte avec du contenu intelligent et pertinent 😱.

Bref, ce n’est pas pour moi !

Sauf qu’entendre presque chaque semaine pendant trois ans : « Quoi ???!!! T’es pas sur LinkedIn ??!! Mais faut absolument y être, c’est IN-DIS-PEN-SA-BLE ! », c’est fatiguant. Donc, un jour, j’ai craqué et j’ai créé mon compte. Je vous passe les différentes étapes (ben non, je ne vous les passe pas 😜) :

  • Ça commence par le petit texte censé vous présenter. Il doit être concis et attractif, sérieux mais en même temps décontracté (genre la fille qui maîtrise tellement qu’elle peut se permettre une bonne tranche de rigolade 🥳🥳🥳) et si, en plus, il est original alors là c’est le Graal.
  • Ensuite vient la photo de profil, étape angoissante s’il en est. Une fois éliminées les photos de soirées (trop d’alcool), celles où je fais la grimace (trop incompréhensible) et celles où je suis en vieux tee-shirt pourri et en chaussons licorne (trop fashion), il ne reste plus grand-chose.
  • Enfin, le grand moment de solitude : j’ai nommé, les compétences. C’est parti pour la brosse à reluire !

Bref, j’avais l’impression de me préparer pour un speed dating… mais c’est le jeu, alors jouons !

Finalement, je me suis familiarisée avec la bestiole, j’ai essayé d’être la plus authentique possible… et j’aime bien ! Chaque jour m’apporte son lot de découvertes.

Ma plus belle découverte sur LinkedIn, c’est ce livre !

Je tombe sur un partage d’article de Télérama. Ça parle d’un premier roman. Ce qui m’intrigue, c’est la photo de l’auteure. Une jeune femme, mignonne tout plein, la trentaine, un sourire franc, pas de pose apprêtée, un dress code totalement décontracté, un air ingénu et inoffensif de petite fille. Bref, la girl next door façon Jennifer Aniston, la copine de fac hyper sympa que vous retrouvez dix ans après. Le genre de fille qui vient de sortir un livre pour enfants ou des recettes de cupcakes.

Bon sang ! Qu’elle cache bien son jeu, Pauline !

On est très loin des enfants et des cupcakes 😱😱😱 ! On ne connaitra pas le prénom de la narratrice. Elle mène une vie tranquille, normale, douceâtre, entre son enfant qu’elle élève seule et son métier de professeure. Une vie balisée, ni heureuse, ni malheureuse, juste sans intensité. À un dîner d’amis, elle rencontre Sarah, femme fantasque, imprévisible, indomptable et seule. C’est l’amour fou, un embrasement qui consume une existence atone… jusqu’à épuisement.

Ça m’apprendra à me fier aux apparences !

Ce livre vous brûle les doigts de la première à la dernière page ! L’auteure vous attrape les tripes et ne les lâche plus, vous forçant à la suivre, vous obligeant à vivre cette passion, à jouir, à souffrir. C’est vous qui êtes face à Sarah, contre elle, en elle ! C’est vous qui allez en prendre plein la gueule ! C’est intense, fiévreux, charnel, douloureux. Vous tombez, vous vous relevez. Ça va de plus en plus vite, ça devient incontrôlable. Vous savez que vous allez dans le mur avec l’héroïne mais c’est trop tard, impossible d’arrêter ce putain de livre. Parce qu’elle est belle cette histoire, parce qu’on a envie d’y croire, parce que ne plus raisonner, perdre pied, se brûler, c’est presque un fantasme dans nos existences si bien réglées. Parce que c’est rugueux. Parce que c’est doux. Les scènes d’amour sont magnifiques, d’une beauté éprouvante, crues mais sans vulgarité. Ça dit le désir, la sensualité, les tremblements, les souffles courts, les draps froissés, le sexe et la sueur. Ça raconte Sarah.

Pauline Delabroy-Allard avance masquée ! C’est une écrivaine redoutable, dangereuse et diablement talentueuse. Vivement son deuxième roman !


PETIT PAYS de Gaël Faye

Quel est le rapport entre le rap, le slam et la littérature ?

À première vue, aucun !

Que nenni (oui, j’ai 125 ans 😂) !

Ce sont les mots ! Qu’ils soient déclamés, écrits, gueulés, chuchotés, je prends tout !

C’est l’amour du verbe, la force de la parole, l’envie de raconter, de partager des émotions, de se sentir vivant.

Je me souviens de la rage et de l’énergie que j’ai ressenties la première fois que j’ai écouté Paris sous les Bombes de NTM, de la mélancolie qui m’a envahie sur Midi Vingt de Grand Corps Malade ou encore du fracas éprouvé quand j’ai lu pour la première fois Voyage au bout de la nuit de Céline.

Quand je pense aux livres que j’ai lus, ce sont les émotions qui me reviennent en premier, avant même l’histoire dans son ensemble. Ma bibliothèque est pleine de pleurs, de joies, de colères, de dégoûts, de mélancolies, de fureurs… et parfois d’indifférences.

Et voilà qu’un slameur se met à écrire un roman alors que je ne savais même pas qu’il slamait !

Quand je vous dis que je suis en retard !

Ce livre date de 2016. L’auteur, Gaël Faye, a écumé tous les plateaux TV à sa sortie. Je découvrais totalement le personnage : slameur, poète, écrivain ; trois talents en un.

Lors des interviews, il semblait à la fois réservé et sûr de lui, une incarnation de la force tranquille, malgré sa jeunesse.

C’est peu de dire qu’on a beaucoup parlé de son livre. Il était partout ! Il a reçu plein de prix, a fait partie du dernier carré pour le Goncourt.

Ma pile à lire tenant plus du mur porteur que d’une pile à lire, je viens juste de le terminer (oui, deux ans après).

L’Afrique à hauteur d’enfant

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Ça commence par l’Afrique rêvée, fantasmée, même ; majestueuse, belle, lumineuse, simple, sauvage, enfantine. Ici, pas de surconsommation, de capitalisme effréné. On vit chichement, heureux, au contact des autres et de la nature. Tout ce que nous avons perdu en Occident : la part de nous, ancestrale, vitale.

Puis, viennent des noms magiques, qui ont le pouvoir de vous téléporter dès que vous les lisez : le lac Tanganyika, les montagnes du Zaïre, les plaines immenses, le quartier Kiriri. Vous êtes bientôt submergés par les évocations des marchés odorants, colorés, par les bruits, la musique (et c’est une sourde profonde qui le dit !). Vous y êtes ! Vous sentez les épices, la terre mouillée, les plantes, la brume. Vous êtes transportés dans l’Eden, ce paradis originel qui n’aurait été pollué ni par le péché, ni par le confort, ni par la corruption. Ce n’est pas la vérité vraie, bien sûr, mais c’est la vérité sacrée, celle d’un enfant.

Les mots sont sublimes : « Sa voix fondait comme un bout de sucre dans nos âmes », « Le Rwanda du lait et du miel ».

Enfin, vient l’Afrique cruelle, carnassière et sanglante.

On revient brutalement sur terre. L’assassinat des présidents du Burundi et du Rwanda sonne la fin de la récré. C’est l’étincelle qui met le feu à une situation déjà explosive. C’est le massacre, la violence brute des uns, la naïveté butée des autres qui continuent de croire et d’espérer. C’est la lâcheté et la peur des occidentaux, qui savaient le rouge de la terre et des rivières.

C’est l’histoire de l’enfance qui finit brusquement. C’est beau, fort et simple.

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