Je suis une névrosée des prix
Je ne vous parle pas des promotions dans la grande distribution mais des récompenses artistiques.
Quand une œuvre, cinématographique ou littéraire, est couronnée, c’est pour moi comme une garantie de qualité, un peu comme les TTT de Télérama, le macaron « Élu produit de l’année » ou le nombre de petits ronds verts sur TripAdvisor. Je marche à tout !
Je me dis que si tout un tas de messieurs (ben oui, il y a très peu de femmes dans les jurys, allez savoir pourquoi. Elles doivent être plus douées pour le shopping 😤😤😤) en costard-cravate, sérieux, intelligents , ont décidé de primer un ouvrage, c’est qu’il sort du lot, qu’il est ambitieux tant dans le style que dans la réflexion qu’il va initier chez le lecteur.
Et comme je n’aime pas la facilité (sauf pour la cuisine), je me dis « vais-je être capable de le comprendre, vais-je ressentir quelque chose ? ». Bref, suis-je assez intelligente pour le lire ? Gros défi en perspective.
Bon, je reconnais que c’est assez tordu comme raisonnement, mais c’est plus fort que moi.
Parfois je me plante…
…Comme pour Bakhita, dont je vous parlais il y a quelques semaines. Ce livre répondait à beaucoup de mes critères. Un sujet grave, l’esclavage. Basé sur une histoire vraie, l’occasion d’apprendre. Un destin individuel atypique, j’adore les personnes en dehors des clous. Un prix, celui du roman Fnac et finaliste de plusieurs autres dont le prestigieux Goncourt.
Au final, une grande déception.
Ce roman, qui raconte l’histoire vraie d’une esclave soudanaise, devenue religieuse, puis canonisée par Jean-Paul II, m’a permis de découvrir une personnalité incroyable. Mais je n’ai pas du tout aimé le style littéraire. Trop de phrases courtes, trop de ponctuations, trop de réflexions toutes faites qui nous disent quoi penser et nous ôtent toute liberté. Un style tellement présent qu’il dessert totalement l’histoire.
Au final, un livre qui ne m’aura pas marqué.
Mais je ne lâche rien
Malgré certaines déconvenues, les prix littéraires me font toujours rêver, et un plus que les autres, le prix Pulitzer ! Pourquoi ? Je n’en sais fichtrement rien ! Peut-être parce que c’est un prix américain et que j’aime beaucoup la littérature américaine. Peut-être parce que Hemingway l’a eu, et qu’un emmerdeur de première, alcoolique, incontrôlable, décroche le Pulitzer, ajoute à la légende, et du prix, et de l’écrivain ! Peut-être aussi parce qu’il m’évoque l’histoire mythique du journalisme.
Et soudain, que vois-je ?
Bien mis en valeur dans la vitrine de mon libraire, un roman avec une photo étrange, une voie de chemin de fer qui s’élève dans le ciel et se transforme en une envolée d’oiseaux noirs. Puis, le bandeau qui annonce le livre comme Prix Pulitzer 2017.
Arghhhhhhh, je l’achète ! Sans connaître le sujet (ben non, ça sert à quoi ? Puisqu’il a le PRIX PULITZER !!!).
Badaboum, ça parle de l’esclavage ! J’accuse un peu le coup car je viens de me brouetter Bakhita sur le sujet et je ne serai pas contre une petite pause.
Underground Railroad
XIXème siècle aux Etats-Unis. Underground Railroad, c’est le nom d’un réseau d’itinéraires clandestins, utilisé par les esclaves noirs du sud pour rejoindre les états du nord où ils pourront être libres.
Cora, jeune esclave de 16 ans, va tenter ce périple, pourchassée et traquée comme du gibier par un chasseur de primes.
Ce roman vous emmène dans les rouages du racisme organisé, quotidien, normal, presque rassurant car garant d’un ordre confortable et immuable.
Si Colson Whitehead prend quelques libertés avec l’Histoire, en imaginant un chemin de fer secret qui parcourt les entrailles de la terre (welcome Harry Potter 😜), son récit est implacable et glaçant.
Le mal est si profond qu’on comprend que les Etats-Unis n’en aient pas fini avec leurs démons. Et forcément, on pense à l’Amérique de Trump et on se dit que le chemin de l’Underground Railroad n’est pas prêt de s’arrêter.
C’est un livre beau et fort, je l’ai dévoré, mais, sans remettre en cause ses qualités, honnêtement, je pense que le sujet et la situation des Etats-Unis aujourd’hui ont fortement joué en sa faveur pour l’obtention des prestigieux Prix Pulitzer et National Books Award.