MOISSONS SANGLANTES : 1933, la famine en Ukraine / La Case du siècle sur France 5

Gareth Jones, ce héros inconnu

Alors non, ce n’est ni un talonneur au rugby (je fais genre mais j’ai regardé sur Wikipédia), ni le leader d’un groupe de rock.

Il est né en 1905 au pays de Galles. Il sort diplômé de l’université de Cambridge avec mention en 1929. Il parle couramment français, allemand et russe. Il enchaîne en devenant, en 1930, le conseiller en politique étrangère de l’ancien premier ministre britannique Lloyd George. Bref, à 25 ans, Gareth a déjà ce qu’on appelle un parcours de compète.

En 1933, il devient journaliste. Intrigué par des rumeurs de famine en Ukraine, il souhaite s’y rendre. Sauf que Staline interdit l’accès au pays (cruel, mais pas con). Il en faut plus pour décourager Gareth.

Commence alors un voyage de plus de 10 000 kilomètres à travers l’Europe, je le cite : « déchirée par les passions nationalistes, les haines de classes et la crise économique mondiale » (ça vous rappelle rien ? 🥶).

Il se rend d’abord à Berlin. Il y décroche son premier scoop : une interview du tout jeune chancelier allemand. Il est, en effet, le premier journaliste étranger à être autorisé à voyager avec Hitler dans son avion privé.

De Berlin, il se rend à Moscou. Il feinte, fait croire qu’il travaille toujours pour Lloyd George et souhaite rendre compte des miracles du communisme. Ça marche ! Il obtient un visa. La situation à Moscou est catastrophique : Gareth y croise des queues interminables aux rares distributions alimentaires, rencontre des paysans qui affluent dans la capitale à la recherche de nourriture. Et toujours « Ici, c’est dramatique, mais en Ukraine c’est pire ».

Il va réussir à s’infiltrer, traverser des villages avec toujours le même spectacle, des cadavres qui jonchent les routes, des enfants au ventre gonflé, des survivants qui attendent la mort et partout l’absence totale de nourriture.

Pourquoi cette famine dans un pays aussi riche en céréales ?

Staline souhaite transformer l’URSS en nation moderne. Pour mener son industrialisation à marche forcée, il a besoin d’argent, de beaucoup d’argent. Et l’argent vient d’où ? Des exportations de céréales.

Il va donc méthodiquement planifier la collecte de céréales partout mais surtout en Ukraine, riche en blé. Les paysans qui résistent sont déportés, ceux qui essaient de cacher une partie de leur récolte sont torturés ou tués. À la famine s’ajoute la terreur. Staline veut broyer et spolier l’Ukraine. Que ce soit une hécatombe, que les survivants mangent de l’herbe, des racines, des charognes ou des cadavres, le petit père du peuple s’en fout… comme de son peuple.

Gareth Jones va alerter le monde

Il fait une conférence de presse à Berlin le 29 mars 1933. D’abord horrifié par ses révélations, l’Occident ne va pas y croire longtemps. En effet, Gareth va être l’objet d’une campagne de diffamation par nombre de journalistes, dont un des plus prestigieux, Walter Duranty, le correspondant du New-York Times à Moscou et détenteur du prestigieux prix Pulitzer. Pour Walter, « Tout est admirable en URSS ». « Oui, les gens ont faim, mais ils n’en meurent pas ». Ben c’est sûr mon gars, si tu passes ton temps à répéter ce que te disent les officiels et à faire la bamboche avec eux tous les soirs à l’hôtel Métropole à Moscou, tout va bien !

Même le ministre français Édouard Herriot, soucieux de voir par lui-même l’état du pays, va se faire balader par les soviétiques dans un village ukrainien débarrassé de ses cadavres et remplis de figurants dodus, habillés de neuf. La visite se passe à merveille, à tel point qu’il dira, de retour en France : « L’Ukraine dont on me parle, c’est la Beauce ». Bon sang, mais que foutaient les renseignements ?!

Suite et fin de Gareth Jones

Ecœuré par ces attaques et devenu indésirable en Russie, Gareth part en Mongolie intérieure pour y couvrir les tensions entre Russes et Japonais. Il y sera assassiné la veille de son trentième anniversaire. Sur demande de Staline ? On ne le sait pas.

C’est le premier (et l’un des rares) journalistes occidentaux à avoir documenté et alerté sur l’Holodomor.

En deux ans, 7 millions de soviétiques dont 4 millions d’ukrainiens mourront de faim, 1,5 millions de Kazhaks et 1,5 millions de Russes. Cette famine est reconnue officiellement comme un génocide par l’Union européenne en 2022.

Le 28 mars prochain, la France se prononcera à son tour. Cette décision semble faire consensus à l’Assemblée nationale…. sauf pour le RN et LFI.

Documentaire disponible ICI jusqu’au 27 juin 2023

VIETNAM / LES BONNES CONDITIONS / CORLEONE LE PARRAIN DES PARRAINS

Attention : cet article comporte une ENOOOOORME déclaration d’amour à Arte 😍

Cette chaîne me donnerait presque envie de demander la nationalité allemande ! La programmation est toujours dingue, des sujets variés auxquels vous n’auriez même pas pensé, d’autres que vous attendez depuis toujours… Et cet été, Arte a fait fort.. Une corne d’abondance de pépites ! Parmi les documentaires sous-titrés (plus simple pour savoir de quoi je parle 🥳), je vous en ai sélectionné 3.

VIETNAM de Ken Burns et Lynn Novick

Sur ce sujet, je pars de loin et ma marge de progression est assez vertigineuse.

Je savais que :

  • l’Amérique s’y était embourbée et en reste traumatisée (bourbier et traumatisme relayés, esthétisés, dramatisés par des films cultes tels Voyage au bout de l’enfer, Apocalypse Now, Platoon, La Déchirure, Full Metal Jacket et bien d’autres pour ne parler que de cinéma).
  • il y avait une vague histoire de Vietnam Nord contre Vietnam Sud
  • il y avait aussi une vague histoire de lutte contre le communisme.

Bref, je ne sais rien ! Zou ! En route pour 9 épisodes de 50 minutes (on est la Queen de la géopolitique ou on ne l’est pas 👸🏻). Dire que cette série documentaire est ambitieuse est un euphémisme. Des images d’archives inédites, des enregistrements secrets, des témoignages aussi bien de militaires, politiques, rescapés, familles, reporters. Et c’est effrayant (et hypnotique de voir à quel point les erreurs se répètent inlassablement) car tous, qu’il soient vietnamiens ou américains, soldats ou stratèges, pacifistes ou va-t-en-guerre, politiques ou citoyens… Tous disent la même chose… Cette prescience générale dès le début qu’il ne fallait pas y aller, qu’il n’y aurait pas de vainqueur, que cette guerre n’était pas une « bonne » guerre, celle où l’Amérique défend triomphalement les valeurs du bien contre le mal. Le communisme était même à la limite de l’anecdotique au début du conflit. Il s’agissait juste d’un peuple voulant son indépendance. Mais, rongée par son anti-communisme atavique, l’Amérique n’a rien vu ou voulu voir.

J’apprends pêle-mêle les origines du conflit (guerre d’Indochine), les turpitudes de de Gaulle (whouuuu qu’il a été vilain le Général 😡), le soutien américain à Hô Chi Minh en pleine guerre mondiale (si, si !), l’engrenage qui se met en place peu à peu, les mauvais choix, la corruption, les promesses non tenues, les jeunes que l’on sacrifie en toute connaissance de cause, les massacres… et la confirmation que si l’ensemble des présidents américains étaient des lâches, Nixon était réellement le salaud que l’Histoire en a fait.

Dernière info à la marge. Ken Burns, un des réalisateurs de ce documentaire, n’est pas un total inconnu. Il a donné son nom à un effet de travelling sur images fixes que l’on retrouve dans iMovie… Non parce qu’il l’a inventé (c’est un opérateur de Louis Lumière qui a inventé le premier travelling de l’histoire) mais plutôt largement démocratisé dans ses documentaires.

LES BONNES CONDITIONS de Julie Gavras

Changement total de décor ! La réalisatrice a suivi huit adolescents des beaux quartiers, pendant 13 ans, de leur terminale jusqu’à l’aube de leur trente ans, au rythme d’une rencontre par an. Ils habitent tous le 7ème arrondissement de Paris et n’en sortent que très rarement. Leurs parents sont bijoutiers, directeurs financiers, publicitaires. Ha ha ha, c’est parti pour une séance d’antrophologie de gosses de riches ! Forcément, pétrie de préjugés comme je suis, je démarre le visionnage d’un oeil goguenard (je fais très bien l’oeil goguenard 🤪), pensant que le summum de leurs problèmes existentiels doit être de choisir entre l’ENA et Polytechnique 🥳.

Honte sur moi 😳 ! Je découvre des jeunes sympathiques, drôles, touchants, conscients de leur chance… qui tâtonnent, adhèrent à leur milieu ou résistent. Plus que la légèreté de l’aisance financière, c’est le poids de la transmission qui se fait sentir. Transmission de valeurs, de patrimoine, d’une lignée, d’une histoire. C’est aussi des accidents de vie, de parcours, des prises de risques…

Ces portraits sont tous précieux, émouvants. Tout est filmé sobrement, sans voyeurisme. Du Strip-Tease de la grande époque, qui vous fait aimer les gens, vous enlève vos idées reçues, bref vous rend un chouïa meilleur. Si en plus vous êtes parents de grands adolescents, je ne peux que vous encourager à regarder ce documentaire avec eux !

CORLEONE LE PARRAIN DES PARRAINS de Mosco Levi Boucault

Deux parties, ce n’est pas de trop pour retracer l’ascension et la chute de Totò Riina, un des parrains les plus célèbres et sanguinaires de Sicile.

Et mon festival de culture générale continue ! J’apprends donc que Corleone n’est pas le nom d’une famille mais d’un village, que la Sicile est le vrai berceau de la mafia, que ses origines remontent, à priori, au XVIIIème siècle et bien d’autres choses…

Quelle ironie de voir ce vieillard se présenter comme un pauvre et honnête paysan, attaché aux valeurs chrétiennes, qui n’a jamais dévié des enseignements de Dieu. Une belle ordure oui 👿! N’en déplaise aux nostalgiques qui s’accrochent à leur vision romantique de la Cosa Nostra : le code d’honneur, les dettes, la loyauté, le respect, la famille et tout le tintouin… La vérité, c’est de la brutalité pure, des exécutions sommaires, des tortures, des corps dissous dans l’acide… juste la loi du plus fort, l’appât du pouvoir, rien à voir avec l’honneur.

Témoignages de repentis, de procureurs, images d’archives, vous êtes happé par cette histoire et surtout en admiration totale devant les rares qui ont osé se dresser contre la pieuvre.

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