JE VOUDRAIS PAS CREVER de Boris Vian

Je voudrais pas crever

Avant d’avoir connu

Les chiens noirs du Mexique

Qui dorment sans rêver

Les singes à cul nu

Dévoreurs de tropiques

Les araignées d’argent

Au nid truffé de bulles

Je voudrais pas crever

Sans savoir si la lune

Sous son faux air de thune

A un coté pointu

Si le soleil est froid

Si les quatre saisons

Ne sont vraiment que quatre

Sans avoir essayé

De porter une robe

Sur les grands boulevards

Sans avoir regardé

Dans un regard d’égout

Sans avoir mis mon zobe

Dans des coinstots bizarres

Je voudrais pas finir

Sans connaître la lèpre

Ou les sept maladies

Qu’on attrape là-bas

Le bon ni le mauvais

Ne me feraient de peine

Si si si je savais

Que j’en aurai l’étrenne

Et il y a z aussi

Tout ce que je connais

Tout ce que j’apprécie

Que je sais qui me plaît

Le fond vert de la mer

Où valsent les brins d’algues

Sur le sable ondulé

L’herbe grillée de juin

La terre qui craquelle

L’odeur des conifères

Et les baisers de celle

Que ceci que cela

La belle que voilà

Mon Ourson, l’Ursula

Je voudrais pas crever

Avant d’avoir usé

Sa bouche avec ma bouche

Son corps avec mes mains

Le reste avec mes yeux

J’en dis pas plus faut bien

Rester révérencieux

Je voudrais pas mourir

Sans qu’on ait inventé

Les roses éternelles

La journée de deux heures

La mer à la montagne

La montagne à la mer

La fin de la douleur

Les journaux en couleur

Tous les enfants contents

Et tant de trucs encore

Qui dorment dans les crânes

Des géniaux ingénieurs

Des jardiniers joviaux

Des soucieux socialistes

Des urbains urbanistes

Et des pensifs penseurs

Tant de choses à voir

A voir et à z-entendre

Tant de temps à attendre

A chercher dans le noir

Et moi je vois la fin

Qui grouille et qui s’amène

Avec sa gueule moche

Et qui m’ouvre ses bras

De grenouille bancroche

Je voudrais pas crever

Non monsieur non madame

Avant d’avoir tâté

Le goût qui me tourmente

Le goût qu’est le plus fort

Je voudrais pas crever

Avant d’avoir goûté

La saveur de la mort…

LE JOURNAL D’UNE FEMME DE CHAMBRE d’Octave Mirbeau

J’ai décidé de combler mes lacunes en lisant des classiques

Au hasard de Twitter, je tombe sur quelqu’un qui parle de ses lectures du moment. Journal d’une femme de chambre.

Je connais l’œuvre de nom, je sais qu’il y a eu plusieurs adaptations cinématographiques. Jeanne Moreau et Léa Seydoux me semblent avoir trempé là-dedans. Mais je n’ai ni lu l’ouvrage ni vu les films et alors l’auteur, inconnu de chez inconnu.

Le titre étant suffisamment éloquent, je me doutais gentiment de ce que j’allais lire.

Hé bien non ! Rien ne me préparait à ÇA.

Ce livre est moderne

Écrit en 1900, il est étonnamment moderne tant sur le fond que sur la forme.

Il résonne avec plein de sujets contemporains : statut social, partage des richesses, précarité, violences sexuelles et conventions.

À travers le témoignage d’une femme de chambre, Mirbeau nous livre le portrait d’une noblesse ou bourgeoisie luttant pour maintenir les apparences et le personnel en est une variable d’ajustement. Mais surtout, il donne la parole à une soubrette, invisible, exploitable à merci et à qui on ne demande pas de penser. Encore moins de s’exprimer.

Et pourtant, Dieu que cette soubrette s’exprime !

Mais pour s’exprimer, elle a l’audace d’écrire et de tenir un journal, deux activités réservées à ceux qui sachent. Tout cela est un poil subversif.

Alternant entre language châtié et parler populaire, ce style ainsi que la forme du journal insufflent un rythme atypique à l’histoire. Tour à tour, on alterne entre une sorte de vitalité jubilatoire et des réflexions plus sombres. Cela donne un récit tout sauf passif ; réaliste, satirique et haletant.

Ce livre est déroutant

Diantre que j’ai été déroutée. Pendant toute la lecture et les jours qui ont suivi.

Dès les premières pages, le ton est donné. L’art de dire des choses graves l’air de rien qui vous donne l’impression qu’on se dirige lentement mais sûrement vers l’irréparable.

Un malaise vous prend et ne vous quitte plus. Car, oui, c’est une critique des mœurs bourgeoises et un aperçu de la condition des domestiques, mais cette femme de chambre a un côté sombre. Ce n’est pas les gentils d’un côté contre les méchants de l’autre.

Bien sûr, les bourgeois sont violents, hypocrites, radins, exploiteurs, agresseurs.

Mais faut voir ce qu’elle envoie sur ses semblables ! Abrutis, sournois, fainéants, voleurs, faibles. Ce qui m’a le plus étonnée, c’est l’antisémitisme ambiant qu’elle décrit comme quasi généralisé dans cette France d’en bas, au début du siècle.

Elle déteste les riches mais n’en aime pas pour autant les pauvres. Elle critique les bourgeois mais aspire à vivre comme eux et déteste ses semblables qui la renvoient à sa condition. Elle s’estime à part, au-dessus de tous les lots. Et c’est vrai qu’elle est intelligente, c’est presque une étude sociologique ou antrophologique qu’elle nous fait.

Elle traque la noirceur d’âme chez les autres pour éviter la sienne, l’un justifiant l’autre. Il n’y a aucune morale dans ce livre, aucune leçon.

On sent une folie, une violence, une haine prêtes à tout emporter.

Je commence en me disant « elle est complètement frappée, la Célestine ». Mais au regard de son témoignage, de quel côté est la vraie folie ? Ceux qui vous déshumanisent ou les oppressés ?

Comme le dit Bertolt (aka Bretch) « On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent » (très très envie de me la péter avec cette référence mais bon, je l’ai découverte dans la série 10%. Hé oui, tout de suite, on descend d’un étage 🤪).

Ce livre est à lire

Je vous le conseille, j’ai ressenti plein de sentiments contradictoires. On est à la fois effrayé par Célestine et on s’y attache. Bref, rien n’est noir, rien n’est blanc, tout est gris.

THÉRÈSE DESQUEYROUX de François Mauriac

Ça va pas fort Thérèse…

Et on la comprend. Sa vie est terne, étriquée, sans perspectives. En plus, elle est dans une mauvaise posture. Elle a tenté d’empoisonner son mari.

On est au début du XXème siècle. Le livre débute à la fin de son procès, après le verdict. Non-lieu. Tout ça grâce à Bernard, son mari, qui, effrayé du scandale et des retombées que cela pourrait avoir sur le nom et la famille, préfère témoigner en sa faveur.

Diantre ! Le nom, pensez ! Desqueyroux, un nom de région, bien implanté, bien respectable, synonyme de places réservées à l’église mais surtout de terres et de domaines.

Bernard n’a pas pris cette décision seul. Sa mère est toujours dans les parages. À l’époque, vous ne prenez pas seulement un mari, vous prenez les beaux-parents qui vont bien bien vous surveiller.

Comment Thérèse en est arrivée là ?

Son père vient la chercher à la fin du procès pour la ramener auprès de son mari (ben oui, toujours vivant, essai non transformé). Tout le temps du voyage, elle essaie de comprendre son geste et de structurer une défense, tout du moins un semblant d’explication pour son époux.

Elle se remémore sa vie.

Région bordelaise. Thérèse est orpheline de mère et son père a d’autres préoccupations que sa fille (faut pas déconner). Il l’envoie en pension. C’est une enfant exaltée. Elle lit beaucoup, réfléchit beaucoup, a des aspirations, des envies. Elle veut vivre grand alors qu’autour d’elle tout est petit. Elle est différente.

Elle revient dans le hameau familial à chaque vacances. Elle y retrouve son amie Anne, plus jeune qu’elle, plus ignorante mais d’une nature plus simple et enjouée. Et l’alchimie fonctionne. Thérèse adore Anne. Elles sont différentes, mais complices. Comme si Anne lui transmettait un peu de son insouciance, ou du moins lui permettait d’oublier les passions qui l’animent.

Thérèse grandit ainsi et finit par se dire que le mariage est peut-être la solution. Elle sortira de cet état d’insatisfaction permanente et vivra un amour épanouissant.

C’est sans compter sur Bernard.

Bernard Desqueyroux est le frère d’Anne. Le mariage est arrangé depuis belle lurette. Pas d’amour, d’ailleurs Bernard n’est pas pressé de se ranger, heureux qu’il est entre la chasse et ses affaires. Que ferait-il d’une femme ? Mais bon, faut bien penser à perpétuer la lignée.

Le mariage est tranquille du côté de Bernard et malheureux pour Thérèse.

C’est alors qu’Anne, sa chère amie, s’éprend d’un jeune homme qui n’est pas du tout (mais alors pas du tout) envisagé par la famille.

Bernard compte sur Thérèse pour faire entendre raison à sa sœur. Le lecteur pense de prime abord que c’est la bien mauvaise personne pour faire entendre raison à qui que ce soit. Mais, partant du principe qu’il ne suffit pas d’être malheureux, encore faut-il que les autres le soient, Thérèse va s’acquitter de sa mission.

Et oui, Thérèse est une femme complexe.

Et puis, soudain, une opportunité

On voit progressivement Thérèse s’enfoncer dans une sorte de léthargie, elle se réfugie dans une vie imaginaire, celle qu’elle devrait vivre, plutôt que d’être engoncée dans les convenances, embarassée, entre son mari, son enfant et sa belle-mère. Elle n’est ni fille, ni épouse, ni mère. Elle est femme.

Malgré cela, jamais elle n’a pensé à se débarrasser de son mari. Mais la vie est ainsi faite qu’il y a des opportunités qui prennent l’aspect éblouissant de solutions.

Bien évidemment, elle va se rater et son retour ne sera pas simple.

Mauriac nous livre un portrait romanesque

On pense à Emma Bovary, bien sûr. La province, ses mœurs, son hypocrisie et son ennui. Mais à la différence d’Emma, Thérèse n’est pas dans l’excès. Elle est réfléchie, intérieure (comme en témoigne le monologue de début du livre). Elle ne cherche pas à s’enivrer dans un tourbillon d’amants ou de belles toilettes. Elle veut sa liberté et elle l’obtiendra de façon presque « passive ».

C’est un beau portrait de femme, complexe. Écrit par un homme. Je suis toujours aussi surprise quand des hommes parlent aussi bien des femmes. Comme Kessel dans « Belle de jour » (chronique à lire ICI) et tant d’autres.

Je n’avais jamais lu François Mauriac. C’est surprenant et séduisant.

Surprenant, car les individus communiquent très peu entre eux, et pourtant les situations et personnalités sont précises, dans une économie de descriptions ou d’effets.

Séduisant, car ce petit livre est tellement riche. La société de l’époque, la religion, les femmes à la fois victimes et bourreaux, la psychologie. Il y a tellement de choses. Et la nature aussi. Qu’elle soit accueillante ou menaçante, on sent un amour profond pour la nature et surtout pour cette région bordelaise. La région de Mauriac.

UNE CHAROGNE de Charles Baudelaire

Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.

– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés !

BLONDE de Joyce Carol Oates

Qui est Joyce Carol Oates ?

Une géante de la littérature américaine.

Le premier livre que j’ai lu d’elle c’était « La fille du fossoyeur ». Il y a 15 ans. D’où en avais-je entendu parler ? Mystère et boule de gomme !

Ça raconte une famille juive allemande qui fuit le nazisme et échoue à côté de New-York. Le père, professeur en Allemagne, n’obtient qu’un poste de gardien de cimetière. Il va sombrer, entraînant sa famille avec lui. Trop de déclassement, d’affronts, de frustrations et de ressentiments. Sa fille réussira-t-elle à s’extirper de ce qui tourne à l’atavisme ?

Je suis entrée dans un monde et une écriture. L’Amérique des oubliés qui côtoient le rêve américain sans jamais le toucher ou alors trop peu. Ces travailleurs de première ligne qui permettent à l’Amérique de briller mais eux restent dans le noir, dans le sale. La noirceur des âmes aussi. Cette violence qu’il y a en chacun de nous et qui peut prendre des formes inattendues.

Car, quel que soit le sujet abordé, le point commun de ses livres c’est la violence : la violence intérieure, subie, reproduite, canalisée ou dépassée.

Lire Joyce, c’est entrer dans un shaker. Chaque phrase prise séparément est « normale », précise, réaliste, juste, mais « normale ». Mises bout à bout, cela donne un ouragan qui dévaste tout et vous conduit au chaos. Vous sortez de là rincé, épuisé mais envoûté.

BLONDE, le livre

Ce livre n’échappe pas à cette violence.

Pour éviter tout malentendu, il s’agit d’une autobiographie fictive de Marylin.

Bien sûr, elle part de sa vraie vie : son enfance, ses films, ses maris, son statut de sex symbol. Mais elle l’imagine sous l’angle de sa psyché. Elle imagine ses luttes intérieures. Lutte sociale pour s’extirper de son milieu et atteindre ses rêves, lutte affective pour étancher sa soif d’amour et enfin lutte contre l’énorme malentendu entre son statut de sex symbol et qui elle est vraiment. Parce que, putain, Marylin lutte.

Plus Norma Jean a du succès, plus il lui est difficile de rentrer dans la peau de Marylin. Elle en devient l’otage. De Norma Jean, elle passe à Marylin, puis à La Blonde. Toujours plus déshumanisée, toujours plus objet, toujours moins elle.

Et l’écriture de Joyce restitue ce combat pour finir à la limite de l’écriture automatique, saccadée presque sans logique ou, au contraire, en suivant une logique ultime.

Tout a été écrit sur Marylin. Tout, sauf ça.

BLONDE, le film sur Netflix

J’appréhendais de le voir. Je pensais impossible d’adapter un tel livre.

La lecture de certaines critiques m’a confortée dans cette hésitation ! Violent. Insoutenable. Outrancier. Précieux. Brutal. Répétitif. Abus d’effets artistiques grossiers. En plus, le film est interdit aux moins de 18 ans.

WOW !!! Ça va donner quoi ?

Insoutenable, non. Outrancier, non. Répétitif, non.

Violent ? Oui. Le film est violent car le livre dont il s’inspire est violent.

Réussi ? Oui. Oui. Oui. Trois fois oui. J’ai adoré. Le réalisateur, Andrew Dominik, réussit à retranscrire l’esprit du livre. Pas parfaitement, pas entièrement mais à ce stade c’est un exploit.

Et l’actrice ? On en parle de Ana de Armas ? Non, on n’en parle pas. On la regarde, on la contemple, on l’admire. Elle est tellement époustouflante que les mots manquent (en tous cas à moi 😍).

1110 pages, 2H46 minutes. On ne compte pas quand on aime.

CYRANO DE BERGERAC d’Edmond Rostand

A quoi ça tient une liste de lecture ? A un ÉNORME malentendu (ou à un énorme manque de culture) !

Jean-Paul Belmondo vient de mourir. Je regarde l’hommage national qui lui est rendu aux Invalides, je suis le discours d’Emmanuel, quand soudain….

Une phrase me foudroie. ARRETEZ TOUT ! Qu’est-ce qu’il vient de dire ?

Et puis mourir n’est rien, c’est achever de naître.

Se répéter cette phrase pendant des jours, tourner autour, la regarder sous tous les angles, la réciter à voix haute, la chuchoter, la dire à plein de gens, vouloir qu’elle les transperce comme elle m’a transpercée. La rabâcher jusqu’à 50 fois par jour, essayer d’en découvrir des sens cachés, vouloir qu’elle court dans les rues, qu’elle inonde mon monde comme un torrent qui jaillit, incontrôlable.

OK, j’ai peut-être un léger problème avec la mort.

Mais d’où sort cette phrase ? Trouvez-moi et ramenez-moi illico le type qui l’a pondue !

Cyrano de Bergerac ? C’était pas prévu dans mon programme mais si Edmond écrit comme ça, si une phrase de lui me met dans cet état… Imaginez un bouquin entier 🙀.

Vous le sentez venir le gros malentendu ? Ben oui, car je n’ai pas pensé une seule seconde que ça pouvait être du VRAI Cyrano de Bergerac, pensez donc ! J’ai fondu direct sur la pièce de théâtre d’Edmond, comme l’aigle sur la vieille buse.

Quitte à se vautrer, autant le faire avec panache !

En route pour un classique, à la recherche de LA phrase !

Jamais lu Cyrano, je connais le pitch et l’auteur, c’est tout. C’est mince. Cyrano aime Roxane qui aime Christian. Désespéré par sa laideur, Cyrano n’ose se déclarer et accepte d’aider Christian à séduire Roxane.

Ça me semble pas mal du tout, tout ça. Je vais chez mon libraire, rayon « Classiques » et prend l’unique version disponible. C’est un peu épais quand même, pour une pièce de théâtre 🧐.

Je commence par la préface, histoire d’y aller progressivement dans la découverte. Puis j’abandonne, ça me soûle.

J’attaque la pièce. Edmond, je suis prête, vas-y, déroule moi du beau langage !

Ça démarre fort ! Y’a des personnages dans tous les sens à vous filer le tournis, des tonnes de références que j’ai pas, le langage est agréable mais sans être waouh et je trouve que Cyrano a quand même une sacrée tête à claques. Ajoutez à cela que le vrai nom de Roxane c’est Magdeleine Robin 😱 et que plus les pages filent moins je trouve LA phrase.

Je tiens tant que je peux, à essayer d’éprouver de l’empathie envers Christian qui parle comme une dinde, Roxane qui va mettre 15 ans à comprendre l’intrigue et Cyrano qui me fatigue à se sacrifier tous les quatre matins. C’est pas possible, je ne vais pas aller jusqu’au bout. Je fais ce que j’aurais dû faire dès le début : je googlelise la phrase pour la situer dans la pièce… et je pleure.

J’apprends donc que « Et puis mourir n’est rien, c’est achever de naître » est une phrase de Savinien Cyrano de Bergerac que l’on retrouve dans sa tragédie en 5 actes « La Mort d’Agrippine »… que je vais m’empresser de lire. Non, je déconne, j’en ai ma claque des pièces de théâtre.

Ma conclusion sera personnelle et courte : Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand doit gagner à être vu plus qu’à être lu. Mais vu que je suis sourde, ce sera dans une autre vie et franchement, c’est pas grave 🤪.

Ce sera tout pour moi cette semaine 😫.

MISERY de Stephen King

Après « Toujours faire confiance à ses préjugés », je lance « Ne jamais lire un livre dont la tête de l’auteur ne vous revient pas » !

Ben oui, la tête de Stephen King m’a toujours perturbée.

Hyper flippante ! A croire que le physique conditionne le genre littéraire. J’ai du mal à regarder une interview de lui. Je n’arrive pas à me concentrer sur ce qu’il dit, hypnotisée que je suis par son visage. Un visage trop symétrique, de trop petits yeux, une mâchoire d’ogre trop carrée, tout est trop ! Et sa bouche 😱, on en parle de sa bouche ? Immense, fine, cruelle. qui laisse entrevoir une dentition digne d’un cannibale sadique 🥶.

Pourtant il semble sympathique, le bougre ! Drôle, accessible, charmant. Forcément ! C’est un piège ! Tous les psychopathes sont adorables, c’est comme ça qu’ils attirent leurs victimes.

En plus, il est partout !

C’est le Barbara Cartland de l’horreur, j’ai l’impression qu’il sort un livre tous les 3 mois. Comme si ça ne suffisait pas, il écrit également sous un pseudonyme. Et quand il fait une pause, c’est le cinéma qui prend le relais. Bref, impossible de l’éviter sauf à se confiner chez soi, sans sortir, mais QUI FERAIT ÇA, HEIN ???!!!! (désolée, mes nerfs lâchent 😫).

Partant des principes éculés suivants :

  • si on en parle, ça doit être bien
  • j’ai énormément de temps devant moi
  • le confinement me donne la capacité de concentration d’une huître, donc simplicité et suspense, c’est tout indiqué
  • je veux pas mourir idiote

Zou ! Maintenant, il ne me reste plus qu’à choisir un titre.

Misery

Pourquoi ? Parce que.

  • C’est d’actualité : un confinement forcé avec une folle furieuse.
  • C’est réaliste, pas de doigt de fantastique ni de lichette de surnaturel. Parfait pour une cartésienne comme moi.
  • Je me souviens avoir voulu voir le film à sa sortie pour la grande Kathy Bates.

Un écrivain à succès est victime d’un accident de la route. Il est recueilli par une psychopathe qui le retient prisonnier dans une maison isolée. Psychopathe mais fan de ses livres, elle va l’obliger à écrire contre son gré… Contre ? Vraiment ?

Voilà, c’est un peu court comme Pitch… contrairement au livre. Qu’il est long 😱, j’ai cru ne jamais en venir à bout.

Il y a les bonnes nouvelles.

L’intrigue est séduisante : un huis-clos entre la victime et son bourreau, ça se mange sans faim. Une liberté narrative surprenante (en tous cas, qui m’a surprise). Je m’attendais à quelque chose de plus linéaire, classique, policé. Les différences de styles permettent de rythmer et de nourrir l’histoire. Ils mettent en exergue les états que traversent le héros, qu’ils soient psychologiques ou physiques. Tout y passe, ses souffrances, ses peurs, ses frustrations, sa rage, son dégoût, ses espoirs. Le héros va suivre à la lettre cette citation « Si tu ne connais ni ton adversaire ni toi-même, à chaque bataille tu seras vaincu. » pour se livrer à une introspection sans compromis de lui, de son talent d’écrivain, de ses faiblesses, de ses addictions. Se connaître n’est pas suffisant. Cloué au lit, à la merci de cette tarée de compétition, l’écrivain se sert de son imagination pour la cerner, l’analyser, la comprendre.

Mais il y a aussi des mauvaises nouvelles…

Si j’étais l’éditeur de Stephen, permettez-moi de vous dire que je l’aurai obligé à sabrer violemment. Bon sang, c’est trop long ! J’avais envie de hurler « Stop ! C’est bon, on a compris l’idée ».

Enfin et surtout, ça ne fait pas peur. Une fois passé les premiers chapitres, je voulais m’assurer de la fin mais je la pressentais. Du coup, exit les notions de suspense et de terreur.

C’est bien dommage, car en ce moment, je suis une excellente cliente.

Bref, j’ai lu du Stephen King… et je vais passer à autre chose.

LA CARTE ET LE TERRITOIRE de Michel Houellebecq

Je viens de lire mon premier Houellebecq 🤔

Vous imaginez le stade de notoriété à atteindre pour faire partie des premières fois ? La référence qu’il faut être ? L’importance (sociale, culturelle, expérientielle et j’en passe) qu’il faut représenter pour que cette simple expression, « mon premier Houellebecq« , ait le pouvoir de transférer celui qui la prononce dans une catégorie définie de population ? Zou ! Je passe de ceux qui ne l’ont pas lu à ceux qui savent 🥳. Comme un sésame qui vous ouvre les portes d’un club fermé, un rite d’initiation qui vous fait passer d’un statut à un autre, un apprentissage quasi-obligatoire pour obtenir un rang particulier. Bref, je suis une princesse 😂 !!! Donc, il y a encore quelques semaines, je faisais partie de ceux qui n’avaient jamais lu Houellebecq !

Pourquoi avoir tant attendu ?

On en entend trop parler ! On se prend le chou sur le cas « Houellebecq« . On dit tout et son contraire sur lui, à coup d’infos, d’intox et de rumeurs : « il a quitté la France, il arrête d’écrire, il est dépressif, il se lance dans le Bio, il s’est suicidé, il est mort bouffé par ses chiens… » 😱. Bref, une sorte de grand foutoir dont, jusqu’à présent, je me tenais prudemment à distance.

Il paraît qu’il est cynique ! C’est même sa marque de fabrique. Or, je me méfie du cynisme. A moins de s’appeler Desproges. C’est très dur à manier, parfois drôle, souvent méchant et toujours stérile.

Enfin, son regard de cocker battu m’a toujours foutu le bourdon. Il parle tout bas, n’articule pas, donc je ne comprends rien. Quant à son détachement des choses matérielles, il ferait passer José Bové pour un trader shooté à l’ultra-libéralisme.

Pourquoi le lire maintenant, alors ?

Tout a commencé il y a deux ans (oui, je suis lente). Le Palais de Tokyo a donné carte blanche à Michel pour monter une exposition, « Rester vivant« . Pour une fois, pas d’intermédiaire, donc pas d’interprétation hasardeuse. C’est Michel qui nous parle directement, qui se montre tel qu’il en a envie. Zou, nous voici donc, Népoux et moi, déambulant au milieu de poèmes, de photos, d’installations, de musiques et d’expériences scientifiques. Surprise ! Non seulement, il est bien curieux pour un dépressif 😉, mais en plus tout témoigne d’une délicatesse et d’une fragilité émouvantes. L’idée m’effleure que le personnage mérite peut-être mieux que sa réputation. Mais j’en reste là.

Sauf que ces dernières semaines tout s’est emballé. La sortie de son dernier roman, Sérotonine, crée un énorme battage médiatique. La presse étrangère l’encense comme le meilleur écrivain contemporain. La France l’attend comme le dernier sauveur possible d’un marché littéraire en berne.

Bon sang, si ça se trouve ce type est génial et je passe à côté à cause de mes foutus préjugés !

C’est parti pour la Carte et le Territoire !

Moi qui adore les avis tranchés… ben j’en sais rien 😱.

Je suis allée de surprises en surprises.

D’abord, et en dépit de son regard vif et mutin (oui, c’est une vanne, nulle mais vanne quand même 🥳), il est drôle. J’ai souri et ri souvent. Son récit de la fête du nouvel an chez Jean-Pierre Pernaut me fait dire que c’est « The Place to Be » pour démarrer une nouvelle année.

Ensuite, il manie très très bien le cynisme et n’a pas grand chose à envier à M. Desproges. Preuve en est, un petit texte à la fin de cet article, sur les ravages du féminisme. La féministe que je suis a adoré 🤣.

Mais enfin, ne nous mentons pas, Michel n’a aucun style d’écriture ! Je m’attendais à une « patte » Houellebecq, à ce que ça pète ! Vociférations, provocations, inventions de langage… Je m’attendais à un avant et après, comme Céline. Rien. Mais RIEN !!! C’est bien écrit, c’est neutre, minimaliste, ordinaire.

Après tout, comme le disait Schopenhauer : « La première – et pratiquement la seule – condition d’un bon style, c’est d’avoir quelque chose à dire ». Et Michel a des choses à dire.

Sur ce sujet, je laisserai le mot de la fin à Népoux qui a tout résumé : « Michel, c’est un peu le normcore du style ». Voilà ! C’est ça 🥳🥳🥳 !

Houellebecq et les féministes
« Pour ma part j’ai toujours considéré les féministes comme d’aimables connes, inoffensives dans leur principe, malheureusement rendues dangereuses par leur désarmante absence de lucidité. Ainsi pouvait-on dans les années 1970 les voir lutter pour la contraception, l’avortement, la liberté sexuelle etc., tout à fait comme si le « système patriarcal » était une invention des méchants mâles, alors que l’objectif historique des hommes était à l’évidence de baiser le maximum de nanas sans avoir à se mettre une famille sur le dos. Les pauvres poussaient même la naïveté jusqu’à s’imaginer que l’amour lesbien, condiment érotique apprécié par la quasi-totalité des hétérosexuels en activité, était une dangereuse remise en cause du pouvoir masculin. Elles manifestaient enfin, et c’était le plus triste, un incompréhensible appétit à l’égard du monde professionnel et de la vie de l’entreprise ; les hommes, qui savaient depuis longtemps à quoi s’en tenir sur la « liberté » et l’« épanouissement » offerts par le travail, ricanaient doucement. Trente ans après les débuts du féminisme « grand public », les résultats sont consternants. Non seulement les femmes sont massivement entrées dans le monde de l’entreprise, mais elles y accomplissent l’essentiel des tâches (tout individu ayant effectivement travaillé sait à quoi s’en tenir sur la question : les employés masculins sont bêtes, paresseux, querelleurs, indisciplinés, incapables en général de se mettre au service d’une tâche collective quelconque). Le marché du désir ayant considérablement étendu son empire, elles doivent parallèlement, et parfois pendant plusieurs dizaines d’années, se consacrer à l’entretien de leur “capital séduction”, dépensant une énergie et des sommes folles pour un résultat dans l’ensemble peu probant (les effets du vieillissement restant grosso modo inéluctables). N’ayant nullement renoncé à la maternité, elles doivent en dernier lieu élever seules le ou les enfants qu’elles ont réussi à arracher aux hommes ayant traversé leur existence – lesdits hommes les ayant entre-temps quittées pour une plus jeune ; encore bien heureuses lorsqu’elles réussissent à obtenir le versement de la pension alimentaire. En résumé, l’immense travail de domestication accompli par les femmes au cours des millénaires précédents afin de réprimer les penchants primitifs de l’homme (violence, baise, ivrognerie, jeu) et d’en faire une créature à peu près susceptible d’une vie sociale s’est trouvé réduit à néant en l’espace d’une génération. »

BAISE-MOI de Virginie Despentes

Entre Virginie Despentes et moi, c’était pas gagné !

Il y a deux ans, je me suis résignée (oui, vous avez bien lu, RÉ-SI-GNÉE) à lire un livre d’elle. Elle fait partie des auteur·e·s incontournables en France, elle est régulièrement invitée dans les émissions littéraires ou dites de « divertissement ». Elle se retrouve plus souvent qu’à son tour en tête de gondole à la Fnac. Bref, j’étais obligée ! Histoire de l’avoir lue, « comme tout le monde » et d’avoir un avis, « comme tout le monde » (paradoxalement, j’aime bien le concept « être comme tout le monde » de temps en temps🥺).

Restait le choix du bouquin ! Ça allait se jouer entre les trois titres les plus connus : Baise-Moi, King Kong Théorie ou, le dernier en date, Vernon Subutex.

La sélection se fait naturellement. King Kong Théorie est un essai, je veux un roman. Baise-Moi traîne une réputation sulfureuse, c’est peut-être un peu too much pour moi, petite chose sensible. Je pars sur Vernon Subutex tome 1 (sensible, mais logique 🤪) !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça n’a pas été le coup de foudre ! Je me suis traînée jusqu’à la fin. La lente descente aux enfers de Vernon m’a paru interminable. Le genre de type attachant mais qui s’incruste et qu’on n’arrive plus à dégager. Même l’intrigue n’a pas suffit pour que je rentre dans cette galerie de portraits d’une génération déchue. Même ses errances dans Paris, même les multiples références aux années 80, qui sont trop pointues pour moi. Je n’ai pas détesté, j’ai aimé l’écriture brute, sans concession, qui exprime tellement bien la désillusion, la détresse, le dégoût, la marginalisation. Mais j’ai refermé le livre en ne sachant pas trop quoi en penser. Et c’est mauvais signe…

Il ne faut jamais dire « jamais » !

Il y a quelques semaines, je tombe par hasard sur une interview croisée entre Virginie Despentes, Béatrice Dalle et Casey sur le féminisme. Chaque intervention de Virginie est juste, brillante, radicale. Première étape du coup de foudre. Je ne peux pas rester sur un avis tiède, je décide de lire Baise-Moi !

Coup de foudre définitif et irréversible ! Je l’ai terminé depuis cinq jours et Nadine et Manu sont toujours avec moi. Je n’ai démarré aucune autre lecture tant j’ai peur que leur présence s’estompe, tant j’ai envie de rester avec elles, tant ça m’a pris aux tripes.

Et pourtant, c’est tout sauf amazing 🥳🥳🥳 !!!

Une banlieue sinistre, qui transformerait n’importe quel winner en paumé toxico et alcoolo. Une banlieue que même quand t’as encore l’envie et une chance de t’en sortir, elle te calme bien comme pour te signifier qu’on ne perturbe pas indûment la hiérarchie sociale. N’Y PENSE MÊME PAS !

Et puis, il y a Nadine et Manu. Elles ne se connaissent pas, mais ont la même histoire. Deux filles à qui personne n’a jamais fait de cadeau et encore moins la vie. Elles ont appris à esquiver les coups, si besoin à les encaisser. Elles ne se laissent pas marcher sur les pieds mais savent faire profil bas quand il le faut. Elles ont des plaisirs simples, baise et alcool, l’un finançant l’autre. Elles tiennent à leur tranquillité ; se défoncer nécessite un minimum de sérénité. Ça pourrait les faire passer pour asociales et amorales, mais ce n’est pas le cas : elles ont des accointances (le terme « amitiés » serait un chouïa exagéré) et leur propre code d’honneur.

Quand elles se rencontrent, elles ont déjà savouré la violence chacune de leur côté, elles vont juste mettre en commun leur savoir-faire, parfaire leur technique, une sorte de joint-venture du sang.

Elles assument tout,  en cela ce sont les personnages les plus féministes que j’ai jamais croisés. Elles sont libres. Une liberté grisante, choquante, absolue, qui s’obtient au détriment des autres par ceux qui n’ont plus rien à perdre. C’est totalement gratuit, c’est totalement flippant, c’est totalement enivrant ! Des Thelma et Louise trashs. « On est en train de rattraper toute une vie en quelques jours ».

Il est des livres que vous ne voudriez jamais finir. J’aurais pu les suivre au bout du monde.

Je laisserai la phrase de fin à Nadine : « ce qui convient à la main, c’est le flingue, la bouteille et la queue ».

Ni plus… ni moins. 

TOUTE LA LUMIÈRE QUE NOUS NE POUVONS VOIR de Anthony Doerr

Autant attaquer direct : j’ai adoré ce livre… mais…

Ce livre est, ce que les anglais appellent, un page-turner.

Il est totalement addictif. Dès le début, vous êtes pris au piège. Si vous n’avez pas envie de dévorer 704 pages, ne commencez pas !

Pourquoi l’avoir choisi ? Vous allez voir… Je suis d’un prévisible 😫😫😫 !

Déjà, il a reçu le Prix Pulitzer, la récompense suprême et j’adoooore les récompenses (un vrai chien de chasse 🐶).

Ensuite, le titre. Je le trouve magnifique. La promesse d’un récit hors norme et exigeant, avec son lot de souffrances et d’espérances. La perspective d’un mystère plus grand que nous. Au fil du livre, vous saisissez ses multiples sens. Rarement bouquin aura eu un titre aussi juste.

Enfin, le genre. Il s’agit d’un roman historique (l’histoire, ma passion 🤩). Durant la seconde guerre mondiale, l’auteur nous entraîne en Allemagne, des régions minières dévastées à Berlin, et, en France, du Paris occupé à Saint Malo martyrisé.

Bref, au vu de mes penchants et de mes critères de sélection, je jouais la SÉ-CU-RI-TÉ !

Effectivement, je l’ai englouti. Je ne voulais rien faire d’autre. J’ai annulé un déjeuner, veillé jusqu’à deux heures du matin, fait semblant d’écouter Népoux et mes filles (ça aurait pu marcher si Népoux ne me connaissait aussi bien 😤). Je souhaitais que ce livre ne s’arrête jamais tout en étant impatiente d’arriver à la fin.

Tout est fait pour vous tenir en haleine. Une succession de chapitres courts (187) qui raconte deux destins parallèles. Werner, le jeune orphelin allemand, passionné de transmissions et de sciences en général, vite repéré par la Wehrmacht pour son génie. Marie-Paule, jeune française aveugle, dont la curiosité pour la nature est, à la fois, un échappatoire à son handicap et à la guerre qui gronde et emporte tout autour d’elle.

Vous vous projetez totalement dans cette fresque, vous êtes Werner, vous êtes Marie-Laure. Vous croisez toute une galerie de personnages attachants, émouvants, courageux, lâches, abjects ou cruels. Ceux qui se repaissent de violence, de cruauté et ceux qui la subissent. Les bourreaux, les victimes, quelques héros et beaucoup de salauds.

Werner et Marie-Laure sont les lueurs d’espoir dans l’obscurité qui engloutit le monde. Ils représentent la même chose : l’innocence, la bonté, l’humanité, la rareté…

Pendant tout le livre, m’est revenu en mémoire, une phrase de mon professeur de maths de seconde « Toutes droites parallèles finissent inévitablement par se rejoindre à plus l’infini ».

Alors, bordel, quand est-ce que deux destins parallèles finissent par entrer en collision ?

Et pourtant, il y a un « mais »…

OK, cette saga vous embarque, vous êtes immergé dans l’histoire, cueilli par l’émotion. Mais, bon sang, ce n’est pas un Pulitzer, loin s’en faut !

« Véritable phénomène d’édition aux Etats-Unis, salué par l’ensemble de la presse comme le meilleur roman de l’année, le livre d’Anthony Doerr possède la puissance et le souffle des chefs-d’œuvre » !

Du souffle, il en a, mais de là à le qualifier de meilleur roman de l’année et de chef-d’œuvre !!! Si c’est vraiment le cas, on peut dire que l’année 2015 aura été une année noire pour la littérature américaine ! Les critiques ont écrit leur article après un séminaire dans le Beaujolais, pas possible autrement !

C’est rythmé, avec une qualité narrative indéniable. On sent l’amour de l’auteur pour Saint-Malo, le travail de documentation est incroyable. Qu’un américain puisse écrire aussi bien, sur l’Europe en général et la France en particulier, force le respect.

Mais c’est aussi naïf, candide, un peu facile. Une belle histoire, un peu triste, qui répond exactement aux attentes du lecteur. C’est bien ça le problème ! Je n’attends pas d’un livre qu’il réponde uniquement à mes attentes ! Je veux qu’il m’emmène là où je suis incapable d’aller seule, qu’il me fasse grandir. Passer un moment, aussi agréable soit-il, n’est pas une promesse suffisante pour un Pulitzer.

Si je dois le comparer à mes lectures antérieures, je pense aux Piliers de la Terre de Ken Follett ou encore La vérité sur l’affaire Harry Quebert de Joël Dicker. Des livres diablement efficaces, de très jolis moments mais pas des chefs-d’œuvre !


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