LE PALAIS DE TOKYO

 

J’ai longtemps ignoré le Palais de Tokyo

Par « ignoré », j’entends vraiment « ignoré », ce verbe dont une des définitions est « refuser de constater l’existence de quelque chose ».
Je connaissais de nom, je savais où le situer sur un plan de Paris, je savais que c’était un musée consacré à l’art moderne et contemporain.
Mais je n’avais aucune envie d’y aller.
Pourquoi ?
Parce que j’avais des préjugés (gros silence gêné).
Oui, j’avoue, je SUIS un tas de préjugés et d’idées reçues.
Pour moi, le Palais de Tokyo c’était moche (j’avais vu des photos de l’intérieur et franchement ma cave est plus chaleureuse), je ne comprenais ni le nom, ni le descriptif de la plupart des expositions qui s’y tenaient, je ne connaissais aucun artiste.
Bref, encore un lieu pour les perchés du bulbe, capables de passer trois heures à regarder une passoire suspendue à un fil et trois heures de plus à en discuter.

Mais ça, c’était avant

Avant quoi ? Je ne sais pas. Le changement s’est fait progressivement.
J’ai vieilli ? J’ai mûri ? J’ai rencontré la bonne fée de l’art contemporain ?
Peut-être, mais surtout, j’y suis allée, j’ai découvert et j’ai aimé. Tant et si bien que c’est devenu mon musée fétiche.
Toutes les expositions sont de qualité, il y a de vrai parti pris et, surtout, vous vous retrouvez très souvent face à vous-même, bousculé et prêt à vous remettre en question.

C’est quand même le seul musée capable de me faire chialer

Démonstration par l’exemple….

L’expo s’appelait INSIDE, c’était fin 2014.
L’idée était de vous plonger à l’intérieur de vous sur un plan à la fois physique et psychologique. Les œuvres vous obligeaient à vous confronter à vous-même.
Que ressentez-vous quand vous êtes à l’intérieur de quelque chose ? Vous sentez-vous protégés ? Vous sentez-vous oppressés ? Vous sentez-vous enfermés et donc en danger ? La différence est très ténue et vous questionne. De même, quand vous êtes à l’extérieur, êtes-vous libres, sans entraves ou en danger ?
Vous cheminez au travers de différentes salles avec des œuvres plus barges les unes que les autres, qui éveillent votre sensibilité voire votre fragilité et qui au final, vous retournent totalement.
Vous vous retrouvez à l’intérieur d’un ours empaillé, un espace clos dans lequel un artiste (Abraham Poincheval) a passé une semaine, enfermé, puis vous arrivez à une sorte de refuge de montagne dans lequel il pleut alors qu’à l’extérieur il fait beau. Cette inversion, hypnotique, fait que vous vous sentez plus en sécurité à l’extérieur qu’à l’intérieur (un comble pour un refuge).
Vous vous promenez ensuite dans une forêt d’arbres blancs, tous différents. Ces arbres ont été dessinés par des patients lors de tests psychologiques. Au milieu de cette forêt immaculée, la promenade se transforme en interrogation : quel serait votre arbre à vous ? Que signifierait-il ? Quelle place pour lui ?
Je suis restée trois heures dans ce qui s’apparente à un parcours initiatique. Je suis sortie éreintée, ébranlée (en fait une boule d’émotions, à fleur de peau, les larmes aux yeux) avec des certitudes en moins et des questions en plus. Mais trois ans après, je pense toujours, avec passion, à cette exposition qui m’a appris des choses sur moi.

L’œuvre d’art, c’est vous !

Fin 2016, un dimanche matin, je suis allée à ce qui tenait plus de la performance que de l’exposition : Carte blanche à Tino Sehgal.
Vous vous attendez à voir des œuvres de l’artiste ? Que nenni ! Il y en a très peu et vous vous rendez compte très vite que l’œuvre, c’est vous !
Ça commence au sous-sol. Des dizaines de personnes de personnes parlent, chantent, marchent, courent, s’arrêtent… vous parlent. Et vous, vous déambulez au milieu de cette chorégraphie. Vous vous demandez si vous aussi, vous pouvez leur parler, courir avec eux. J’en ai eu une furieuse envie, mais je n’ai pas osé. Les seuls qui ont osé, ce sont les enfants. Je m’en suis voulue de ne pas avoir eu assez d’audace. J’étais encore en train de me demander pourquoi, lorsque, j’arrive au premier étage.
Commence alors un parcours où vous rencontrez tous les âges de la vie. Une petite fille m’accueille et me demande « C’est quoi le progrès pour toi ? ». S’ensuit une discussion, que je poursuis avec un jeune homme d’une vingtaine d’années, puis un homme de 40 ans, puis un vieux monsieur.
Je me suis dit « vous n’allez pas m’avoir comme ça, ma conversation sera superficielle, je ne vous connais pas »… et je me suis retrouvée à parler de ma Life avec des inconnus, à débattre, à les écouter.
Oui, l’œuvre c’est vous, car c’est vous qui vous dévoilez, qui vous exposez. Cette démarche est à la fois inconfortable et révélatrice et vous questionne longtemps après.

J’ai aussi fait de la barque au Palais de Tokyo (si, si) et j’ai tapé sur des installations provoquant des réactions en chaîne.

Ce ne sont que quelques exemples, mais tout est intéressant. Franchement, il n’y a pas beaucoup d’endroits, où vous pouvez à la fois apprendre des œuvres, des artistes ET de vous-même… et pour finir ils ont une librairie incroyable et un magnifique (et très bon) restaurant : Monsieur Bleu.

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