L’AFFAIRE ALBERT de Jean-Baptiste Veber

Je déclare ouverte la séance d’auto-satisfaction de la bibliothécaire, par la bibliothécaire !

Ce blog a bientôt deux ans. C’est mon bébé ! Je le vois grandir de semaines en semaines avec le ravissement d’une jeune mère. Comme tout enfant en bas âge, il se transforme souvent en despote, exige des soins constants, de l’attention, du temps. Pour couronner le tout, il a son caractère, fait régulièrement la forte tête en refusant d’enregistrer certaines chroniques, voire même de les programmer. J’ai parfois du mal à trouver les mots justes pour lui exprimer mes ressentis. Mais, comme tout enfant, il me procure un plaisir incommensurable, la fierté de ceux de dire : « c’est moi qui l’ai fait ! ». Il n’est pas très précoce mais grandit à son rythme. Il a sa cour, ses fidèles, quelques visiteurs de passage. Certains jours sa courbe de croissance explose, d’autres, elle reste désespérément anémique. Mais, depuis quelque temps, ça bouge ! Enfin, ça frémit !

Il y a quelques semaines, un auteur, Jean-Baptiste Veber, propose de m’envoyer ses livres et, pourquoi pas, d’en parler si l’un d’eux m’inspire. Youhouuuuuuuu ! J’ai l’impression, fugace mais exquise, d’être la reine des chroniqueuses littéraires.

Mais après la joie, l’angoisse m’étreint. Et si je n’aime pas ? Je fais quoi ? Je me contente de lui dire ? « Merci pour les bouquins. J’ai détesté. Ciao ». C’est cruel quand on connaît la douleur, la difficulté, l’engagement que représente l’écriture d’un livre. Oh pétard !!! (juron favori de Madame Sophie D., ma muse en la matière 😂). Dans quoi m’embarqué-je 😱 ?

Et puis d’abord, qui est Jean-Baptiste Veber ?

Dire qu’il est multiple est un euphémisme. Ce serait mon gamin, je le cataloguerais direct comme hyperactif et l’enverrai fissa chez ses grand-parents !

Jugez plutôt : professeur d’Histoire-Géographie, auteur d’ouvrages en la matière, qui plus est, adoubés par l’Education nationale. Il écrit également des articles pour des revues qui n’ont rien de confidentiel. Le dernier en date traite de l’histoire de la couleur bleue en occident… et c’est dans l’éléphant, s’il vous plaît (numéro de juillet) !

Et comme il a encore un peu de temps libre à tuer (ahahah, rire nerveux), il en profite pour écrire nouvelles et romans.

Mon choix se porte sur L’affaire Albert. Zou ! C’est parti !

Mesdames et Messieurs, la cour, les jurés : le verdict !

Chapeau l’artiste ! Surtout que sieur Veber arrivait juste après la lecture de Baise-moi de Virginie Despentes. Cela avait été un tel coup de foudre, une telle déflagration, que tout me paraissait fade et sans saveur dans les jours qui ont suivi. Pourtant, son livre a réussi à m’impressionner.

Albert Lapins a été assassiné ! Il vivait dans un quartier populaire, haut en couleurs, peuplé de personnages pittoresques. L’assassinat d’un être sans histoire comme Albert provoque un sacré ramdam dans le secteur ! Chacun y va de son appréciation, mêlant rumeurs et jugements pour tenter d’expliquer (voire même de justifier) l’inexplicable. Car enfin, Albert était-il vraiment sans histoire ?

La narration est basée sur une mosaïque de témoignages, chacun apportant un éclairage sur l’existence et la personnalité de ce pauvre Albert. Cela va du parrain local à l’institutrice en passant par la voisine de palier, genre vieille commère… et j’en passe.

L’intrigue prend corps progressivement, démarrant comme un banal fait divers pour se terminer comme…. Ben non, je ne vous le dis pas 😜 !

Jean-Baptiste écrit bien, très bien même ! Car l’exercice est difficile et périlleux. C’est déjà difficile d’écrire correctement. Trouver son style c’est un peu le Graal. Mais jongler entre plusieurs styles, cela demande une maîtrise assez impressionnante. Manier l’argot, la gouaille, un phrasé truculent dans la bouche d’une petite frappe, puis, passer à un récit structuré et châtié dans la bouche d’un universitaire, c’est prendre des risques.

On ne connait jamais vraiment un homme de son vivant (ça marche aussi pour les femmes😉). Que reste-t-il de lui après sa mort ? Le concret ? Ce qu’il a fait ? Ou juste des avis, des opinions, tous subjectifs, qu’ils soient positifs ou négatifs, car dictés par les émotions et les sentiments de ceux qui les profèrent ?

L’été arrive, vous n’avez pas d’idées lecture ? Vous voulez sortir des sentiers battus ? Rire, être surpris et lire de la belle ouvrage ? Alors, « L’affaire Albert » aux éditions Encre Rouge est pour vous !

MAUDIE EST FOLLE de Thomas Fersen

Maudie est folle
Tout le monde le sait
Tout le monde l’a dit quand elle passait

Maudie a ses idées à elle
Pour le moins inhabituelles

Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle…

Elle entend bourdonner des mouches
Elle a peur qu’elles entrent dans sa bouche
Elle fait ses courses en robe de chambre
Et les gens ont peur de comprendre que

Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle…

Je suis la reine d’Angleterre
Je dors dans un lit à colonnes
Je suis la reine d’Angleterre

Maudie est folle

Depuis la faillitte de son père
Maudie a perdu ses repères
Un homme lui a fait une offense
Et les choses ont perdu leurs sens

Maudie est folle, Maudie est folle

Elle porte toujours quatre épaisseurs
Alors je veille sur ma sœur
Car elle est folle

Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle, Maudie est folle…

Je suis la reine d’Angleterre
Je dors dans un lit à colonnes
Je suis la reine d’Angleterre

Maudie est folle

SORCIÈRES (ou La puissance invaincue des femmes) de Mona Chollet

Mona CHOLLET a tout pour me plaire !

Je suis tombée en arrêt devant ce livre à la Fnac. Mais vraiment en arrêt ! Je suivais Népoux qui voulait me montrer un ouvrage EX-TRA-OR-DI-NAIRE, quand, soudain, je me suis immobilisée et plus rien ne comptait hormis ce bouquin. Laissant Népoux continuer à tracer dans les rayonnages, parlant tout seul, persuadé qu’il était que je le suivais, j’observe la couverture. Le titre, Sorcières, et l’illustration 😍. Un vrai coup au cœur ! Tout était réuni pour un potentiel gros gros coup de foudre. Même le fait que ce soit un essai ne m’a pas arrêtée, moi l’accro aux romans, au contraire ! Je subodorais qu’on allait sortir des sentiers battus, que les sorcières en question allaient être diablement intéressantes et subversives. Tel un Jean-Marc Généreux de la littérature : J’ACHÈÈÈÈÈÈTE !!!

Je démarre, et là, joie intégrale. Mona et moi avons plein de références communes. Quel bonheur de lire un livre peuplé de gens que j’admire. Des êtres qui sortent des clous, mais pas seulement. Ils ont une vision, des convictions chevillées au corps, un génie, un courage, un humour… Et même si toutes les vies se valent, la leur m’émerveille tant ! Alan Moore, Gloria Steinem, Anne Sylvestre, Clarissa Pinkola Estes, pour ne citer qu’eux, des âmes tellement riches et plurielles qu’il est réducteur de les qualifier.

Et ça continue ! Références pop-culturelles (ma passion, inventer des mots 🥶), historiques, etc. Bon sang, c’est jouissif ! Quand, en plus, Mona se décrit comme un cliché sexiste ambulant : émotive, impulsive, parfois naïve, maladroite, toujours à côté de la plaque. Une bourgeoise un peu coincée qui aime que rien ne dépasse, que tout soit carré, mais mue intérieurement par une petite voix qui la titille, une voix de révolte qui la bouscule, ne la laisse pas en paix. Mais bordel, Mona c’est moi !!!

Disney et la Renaissance ont bien miné les femmes !

Oubliez la représentation de la vieille, moche, aigrie et méchante telle que nous a abreuvé Disney à longueur de dessins animés ! C’est bien connu : toutes les insoumises sont laides et psychopathes ! Or, celles qu’on a désigné comme sorcières étaient simplement des femmes, qui avaient accumulé au fil des siècles, une force vitale, un savoir instinctif et expérientiel menaçant le pouvoir des hommes.

Je découvre, pêle-mêle, que la répression dont elles ont été victimes :

  • a été très peu le fait du fanatisme religieux mais surtout de la société civile,
  • les protestants (que je voyais comme modérés et tolérants, ayant eux-mêmes été persécutés) y ont activement participé,
  • a culminé à la Renaissance (et non au Moyen-âge, comme je le pensais).

Pourquoi la Renaissance ? C’est l’apparition de l’homme nouveau, l’homme tout puissant, qui, grâce aux multiples découvertes géographiques et scientifiques, réussit à dompter la nature. La science se pare alors d’atouts exclusivement masculins :

  • intelligence (le cerveau de la femme est plus petit et plus léger, CQFD),
  • réflexion (si on savait réfléchir, ça se saurait),
  • rationalité (y a-t-il plus illogique qu’une meuf ?),
  • stabilité (la femelle est totalement hystérique),
  • rigueur (plus bordélique qu’une nana, y’a pas),
  • transparence (on est toutes une sale bande de sournoises), et j’en passe.

Exit tout ce qui est créativité, imagination, inspiration, intuition, etc. La femme est cause de désordre, comme la nature, et doit être domptée, comme elle. Bref, « la machine à fabriquer l’homme nouveau est aussi une machine à tuer la femme ancienne ». Cet évincement de la femme de l’Histoire et son asservissement se sont encore accentués lors de l’avènement du capitalisme.

Nous sommes les petites-filles des sorcières que vous n’avez pas réussi à brûler ! 😈😈😈

Je ne vous dis pas le retard qu’il y a à rattraper ! Même le trône de fer paraît plus accessible !

Mona étudie plus particulièrement trois types de femmes qui cristallisent tous les rejets, toutes les haines :

  • la femme indépendante (c’est-à-dire hors de contrôle pour l’homme). Inacceptable ! La meilleure solution est de nous passer le goût de la liberté. Souvenez-vous du personnage de Glenn Close dans Liaison Fatale. Une femme libre, professionnellement et sexuellement, ça cache forcément quelque chose (Zou ! On va lui coller solitude et déséquilibres, ça va calmer tout le monde 🥳🥳🥳).
  • la femme sans enfant. Une femme ne peut trouver de véritable épanouissement qu’à travers l’enfantement. La pitié est réservée à celles qui ne peuvent connaître cette joie ultime et la haine, à celles qui ne le souhaitent pas. Et Mona, de citer Pauline Bonaparte : « les enfants, je préfère en commencer 100 que d’en finir un seul ». TU M’É-TO-NNES Pauline !
  • la vieille femme. L’horreur ultime ! Cachez cette décrépitude que les hommes (et beaucoup de femmes) ne sauraient voir !

Ce livre est passionnant et foisonnant ! Il a juste les défauts de ses qualités : parfois trop redondant et un peu désordonné, mais d’une richesse incroyable.

Et surtout, il annonce une excellente nouvelle : les sorcières sont de retour !

J’AIME L’ARAIGNÉE de Victor Hugo

J’aime l’araignée et j’aime l’ortie,
Parce qu’on les hait ;
Et que rien n’exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;

Parce qu’elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu’elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;

Parce qu’elles sont prises dans leur oeuvre ;
Ô sort ! fatals noeuds !
Parce que l’ortie est une couleuvre,
L’araignée un gueux;

Parce qu’elles ont l’ombre des abîmes,
Parce qu’on les fuit,
Parce qu’elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit…

Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !

Il n’est rien qui n’ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu’on oublie
De les écraser,

Pour peu qu’on leur jette un oeil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La vilaine bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !

MOINS QUE ZERO de Bret Easton Ellis

Décidément, 2019 sera l’année de mes premières fois !

Je tourne autour de Bret depuis quelques années. Je lis tout sur lui… sauf ce qu’il écrit ! J’adore ses interviews, son regard acide sur le monde, son cynisme, sa franchise.

Mais lire une interview jubilatoire pendant dix minutes et se plonger dans un bouquin désespéré pendant plusieurs heures sont deux choses différentes. Et sa vision, désenchantée, obscène, de notre époque m’effraie autant qu’un Tuto sur le point de croix. Je ne m’échine pas à entretenir un optimisme à toute épreuve pour que le premier yankee venu me le saborde, merde !

Son roman le plus connu est American Psycho, histoire d’un trader le jour, tueur en série la nuit. Tout a été dit, écrit sur ce livre, considéré comme culte et emblématique d’une époque. Et forcément, quand on parle trop de quelque chose, je prends la fuite.

Sauf que, Bret revient en force. Adulé en France, il vient d’y faire un petit tour promotionnel pour son dernier livre, White, que l’on présente comme un essai sur les millenials (en résumé, un essai sur mes mioches, quoi !).

Animée d’un fort esprit de contradiction, je décide de commencer par le commencement : lire son premier roman Moins que zéro.

Whaouuuu 🥶

Ce bouquin m’a totalement perturbée !

Bret y livre une autopsie de la jeunesse dorée californienne des 80’s (la sienne ?). L’alcool coule à flot, la coke se sniffe comme je mâche des chewing-gums, et le sexe est au mieux, triste, au pire, extrême (mais triste quand même).

Jusque là, tout va bien. Le pire, ce ne sont pas les excès en tout genre de ces jeunes, après tout c’est le propre de la jeunesse et leur luxure n’est que proportionnelle à leur richesse.

Non, le plus glaçant, c’est le vide, un vide vertigineux qui s’est à la fois emparé de leurs âmes et de leurs vies. C’est ce néant qui vous saisit et ne vous lâche plus.

Ils sont jeunes mais n’ont rien à vivre, aucune envie. Ils cumulent les défauts ; amoraux, égoïstes, indifférents… pas par volonté, juste par apathie. Et c’est encore plus cruel. Une sorte de nihilisme passif, sans désir, ni conviction. Le monde n’est qu’une vaste arnaque sans rien ni personne à qui se raccrocher. Comment le traverser en limitant les dégâts, de façon supportable, sans que ça fasse mal ?

Bien sûr, ils sont riches. Grâce à leur famille. C’est même la seule chose que leurs parents ont à leur offrir, le fric. Empêtrés dans le même vide que leur progéniture, ils le remplissent à coup de consumérisme effréné. Je n’arrive pas à me décider : l’argent est-il la cause de leur vie « morte » ou n’est-ce qu’un moyen d’y accéder ? Peut-être les deux.

En quoi Bret est-il si fort ?

Ne comptez pas sur lui pour flatter le lecteur et lui donner ce qu’il attend. Il ne s’embarrasse pas de fioritures. Une écriture neutre, austère. Ni racolage, ni provocation, ni grandes envolées lyriques, seulement des faits, rien que des faits, aussi insignifiants, dérisoires ou monstrueux soient-ils. La forme sert le fond, c’est à dire le vide, le néant. Pas de style littéraire, pas de structure narrative identifiée à laquelle vous raccrocher. Démerdez-vous avec ces phrases aussi creuses et excitantes qu’une liste de courses. Dès les premières pages, j’ai été désarçonnée… jusqu’à ce que ce vide prenne corps, m’oppresse à mesure que le récit s’étoffe, que des failles apparaissent.

Il y a une phrase qui revient comme un leitmotiv tout au long du livre : « les gens ont peur de se perdre ». Pas ces jeunes, ils sont déjà perdus.

Il y a également cet échange entre Clay, le héros, et Rip :

- Mais tu n'as besoin de rien, tu as déjà tout.
- Non. J'ai pas tout.
- Et merde, Rip, qu'est-ce que t'as pas ?
- J'ai pas quelque chose à perdre.

Réponse qui résume tout, qui rend tout acceptable, tout supportable, même le pire.

Je pensais détester ces petits cons, riches, gâtés, pourris jusqu’à l’os, sans valeur, qui ne connaissent rien à la vraie vie (mais, au fait, c’est quoi la vraie vie ?). Je ressens juste une infinie tendresse pour eux, de la pitié aussi, l’envie de prendre un avion, d’aller les voir, de les serrer dans mes bras et de les convaincre que la vie est belle. Que parfois, elle fait mal, elle est dure, cruelle, mais tellement belle… Mais c’est tout, sauf le propos du livre.

IL Y A LONGTEMPS QUE JE T’AIME de Philipe Claudel

Les Césars, un rendez-vous immanquable !

À quatorze ans, j’ai décidé de devenir actrice. J’avais pris des cours de théâtre au collège. J’adorais ça ! Mon interprétation de Britannicus ayant laissé tout le monde sans voix 🤣, j’avais trouvé ma vocation ! Vocation totalement désapprouvée par ma mère, qui reconnaissait cependant mes talents de comédienne 😤, mais restait d’un terre à terre affligeant pour l’adolescente que j’étais. Chaque discussion sur le sujet se terminait invariablement par un « passe ton bac d’abord ». Des années plus tard, j’ai compris – et moi-même pratiqué – cette feinte qu’on pourrait appeler « gagner du temps sans braquer son mioche ».

Finalement, cette vocation disparut aussi vite qu’elle était venue, mais j’en ai gardé un amour inconditionnel pour le cinéma et tout ce qui s’y rapporte.

Chaque année, je regarde donc les Césars. La cérémonie est de plus en plus mauvaise au fil du temps, mais j’y crois toujours. 2019 n’a pas dérogé à la règle. Le pauvre Kad Merad a fait ce qu’il a pu, Jérôme Commandeur aussi, mais c’était chiant !

Seule consolation : la présidente de cérémonie, Kristin Scott Thomas. J’ai toujours aimé cette actrice qui apporte un zeste de fantaisie British dans ses rôles. Puis, j’ai vu Il y a longtemps que je t’aime.

Un film, un pitch !

Juliette sort de prison après 15 ans passés derrière les barreaux. 15 années passées seule, sans visite, ses parents et ses proches ayant totalement coupé les ponts. Dans le cadre de sa réinsertion, sa jeune sœur, Léa, mariée et mère de deux fillettes, accepte de l’accueillir chez elle. Léa souhaite enfin connaître cette grande sœur dont elle n’a que quelques souvenirs épars et flous et qu’il était interdit d’évoquer dans la famille. La cohabitation s’organise. Juliette réapprend à vivre entre la bienveillance maladroite et étouffante de sa petite sœur et la suspicion de son beau-frère. Elle retrouve des gestes, des sensations oubliés, participe à la vie de famille avec bonne volonté mais sans envie ni plaisir. Elle est là sans être là, toujours en retrait, ailleurs, avec une vérité qu’elle seule connaît.

On découvre peu à peu cette vérité, incompréhensible, innommable, inexpiable. Jusqu’au dénouement final qui vous achève.

Elle en pense quoi, la bibliothécaire ?

Elle a adoré ! Certains films, comme certains livres, ne vous quittent jamais. Ils restent près de vous. Vous pensez les avoir oubliés, ils sont juste enfouis, prêts à ressurgir à l’occasion d’un mot, d’une phrase, d’une sensation. Il y a longtemps que je t’aime fait partie de ces films.

C’est un premier film, écrit et réalisé par l’écrivain à succès, Philippe Claudel. Alors, oui, il y a des maladresses, mais il y a aussi des instants absolus de beauté douceâtre.

Ce film est d’une douceur et d’une mélancolie magnifiques. Kristin Scott Thomas et Elsa Zylberstein sont d’une justesse incroyable. Le début du film est aride, sec, pas de grands effets, une économie de moyens au service de situations les plus réalistes possibles. Ça parle de la trace indélébile que laisse la prison sur un être humain, du jugement des autres qui constitue une double peine, de la difficulté de la réinsertion qui tient plus du chemin de croix que de la deuxième chance.

Puis, au fil des révélations, le film évolue, délaissant les thèmes de société pour tendre vers l’intime des personnages. C’est là qu’il y a certaines erreurs : on n’échappe pas aux clichés, aux bons sentiments, à la justification à tout prix. Ça ressemble à un virage mal négocié, mais ce n’est en aucun cas une sortie de route. Je me suis laissée happer par cette histoire.

Si vous ne l’avez jamais vu, n’hésitez pas ! C’est beau, c’est fort et Kristin est décidément la plus incroyable des actrices que l’Angleterre nous ait envoyé (avec Tilda Swinton 😉) !

TOUTE LA LUMIÈRE QUE NOUS NE POUVONS VOIR de Anthony Doerr

Autant attaquer direct : j’ai adoré ce livre… mais…

Ce livre est, ce que les anglais appellent, un page-turner.

Il est totalement addictif. Dès le début, vous êtes pris au piège. Si vous n’avez pas envie de dévorer 704 pages, ne commencez pas !

Pourquoi l’avoir choisi ? Vous allez voir… Je suis d’un prévisible 😫😫😫 !

Déjà, il a reçu le Prix Pulitzer, la récompense suprême et j’adoooore les récompenses (un vrai chien de chasse 🐶).

Ensuite, le titre. Je le trouve magnifique. La promesse d’un récit hors norme et exigeant, avec son lot de souffrances et d’espérances. La perspective d’un mystère plus grand que nous. Au fil du livre, vous saisissez ses multiples sens. Rarement bouquin aura eu un titre aussi juste.

Enfin, le genre. Il s’agit d’un roman historique (l’histoire, ma passion 🤩). Durant la seconde guerre mondiale, l’auteur nous entraîne en Allemagne, des régions minières dévastées à Berlin, et, en France, du Paris occupé à Saint Malo martyrisé.

Bref, au vu de mes penchants et de mes critères de sélection, je jouais la SÉ-CU-RI-TÉ !

Effectivement, je l’ai englouti. Je ne voulais rien faire d’autre. J’ai annulé un déjeuner, veillé jusqu’à deux heures du matin, fait semblant d’écouter Népoux et mes filles (ça aurait pu marcher si Népoux ne me connaissait aussi bien 😤). Je souhaitais que ce livre ne s’arrête jamais tout en étant impatiente d’arriver à la fin.

Tout est fait pour vous tenir en haleine. Une succession de chapitres courts (187) qui raconte deux destins parallèles. Werner, le jeune orphelin allemand, passionné de transmissions et de sciences en général, vite repéré par la Wehrmacht pour son génie. Marie-Paule, jeune française aveugle, dont la curiosité pour la nature est, à la fois, un échappatoire à son handicap et à la guerre qui gronde et emporte tout autour d’elle.

Vous vous projetez totalement dans cette fresque, vous êtes Werner, vous êtes Marie-Laure. Vous croisez toute une galerie de personnages attachants, émouvants, courageux, lâches, abjects ou cruels. Ceux qui se repaissent de violence, de cruauté et ceux qui la subissent. Les bourreaux, les victimes, quelques héros et beaucoup de salauds.

Werner et Marie-Laure sont les lueurs d’espoir dans l’obscurité qui engloutit le monde. Ils représentent la même chose : l’innocence, la bonté, l’humanité, la rareté…

Pendant tout le livre, m’est revenu en mémoire, une phrase de mon professeur de maths de seconde « Toutes droites parallèles finissent inévitablement par se rejoindre à plus l’infini ».

Alors, bordel, quand est-ce que deux destins parallèles finissent par entrer en collision ?

Et pourtant, il y a un « mais »…

OK, cette saga vous embarque, vous êtes immergé dans l’histoire, cueilli par l’émotion. Mais, bon sang, ce n’est pas un Pulitzer, loin s’en faut !

« Véritable phénomène d’édition aux Etats-Unis, salué par l’ensemble de la presse comme le meilleur roman de l’année, le livre d’Anthony Doerr possède la puissance et le souffle des chefs-d’œuvre » !

Du souffle, il en a, mais de là à le qualifier de meilleur roman de l’année et de chef-d’œuvre !!! Si c’est vraiment le cas, on peut dire que l’année 2015 aura été une année noire pour la littérature américaine ! Les critiques ont écrit leur article après un séminaire dans le Beaujolais, pas possible autrement !

C’est rythmé, avec une qualité narrative indéniable. On sent l’amour de l’auteur pour Saint-Malo, le travail de documentation est incroyable. Qu’un américain puisse écrire aussi bien, sur l’Europe en général et la France en particulier, force le respect.

Mais c’est aussi naïf, candide, un peu facile. Une belle histoire, un peu triste, qui répond exactement aux attentes du lecteur. C’est bien ça le problème ! Je n’attends pas d’un livre qu’il réponde uniquement à mes attentes ! Je veux qu’il m’emmène là où je suis incapable d’aller seule, qu’il me fasse grandir. Passer un moment, aussi agréable soit-il, n’est pas une promesse suffisante pour un Pulitzer.

Si je dois le comparer à mes lectures antérieures, je pense aux Piliers de la Terre de Ken Follett ou encore La vérité sur l’affaire Harry Quebert de Joël Dicker. Des livres diablement efficaces, de très jolis moments mais pas des chefs-d’œuvre !


AVEC TOUTES MES SYMPATHIES de Olivia de Lamberterie

Olivia et moi, c’est une longue histoire…

Je regarde régulièrement ses chroniques littéraires. Elle a un don pour vous donner envie de lire. Un mélange de douceur, de conviction et d’exigence. Comme si la littérature lui semblait être un sujet trop vital pour être galvaudé.

Elle ne fait pas de bruit, pas d’effet de manche, pas d’entertainment. Elle ne se plie pas au jeu de l’époque. Comme tous ceux qui ont des choses importantes à dire, elle parle avec mesure.

Elle pense que les livres doivent vous toucher l’âme, vous bousculer, vous heurter.

Comme moi. Il faut que ce soit âpre, que ça vous questionne, vous bouleverse, vous hante, bien après avoir refermé le bouquin.

J’ai découvert des trésors grâce à elle. Des livres qui sont venus s’ajouter à mon Panthéon personnel. Je pense à En ce lieu enchanté, Le chant de la Tamassee ou encore Le Chardonneret.

Je pense à Joyce Carol Oates, à son livre Les Chutes qui m’a donné le vertige. Certains livres peuvent transformer la réalité. Désormais, les chutes du Niagara, ne sont plus, pour moi, un lieu touristique et spectaculaire, mais un espace envoûtant, maudit, un endroit doté d’une volonté propre, qui me perdra si je m’en approche. Je les imagine, toujours aux premières heures du jour, désertes, signalées uniquement par un brouillard d’eau et un bruit agressif, entêtant. Je n’irai jamais, je serai trop déçue de les voir domestiquées, sous un soleil de plomb, avec une horde de touristes.

Cette fois, ce n’est pas Olivia, critique littéraire, mais Olivia auteure. Elle sort son premier livre.

Son petit frère est mort. Pas d’une longue maladie, ni d’un accident. Il a choisi de mourir, il s’y est préparé, entraîné même ; il s’est suicidé.

Ce livre le raconte, sa vie, sa mort. Et la vie de ceux qui restent.

Parce que c’est ça, la mort, uniquement ça. Ceux qui restent et leurs souvenirs. La mort, c’est ce qu’en font les vivants. Comment on supporte. Comment on se raccroche à des histoires dignes du père Noël, comment on scrute le moindre signe.

Son frère pouvait être flamboyant, lumineux et l’instant d’après totalement absent, perdu dans sa mélancolie. Il fait partie de ces gens dont on dit qu’ils n’arrivent pas à vivre, qu’ils n’ont pas le mode d’emploi. Tout leur est effort, jusqu’au jour où, épuisés, vidés, la mort leur semble plus douce que la vie.

Olivia raconte leur histoire, leur enfance, leur famille, bourgeoise et taiseuse. Elle raconte son amour inconditionnel pour son frère. Elle raconte sa douleur, sa révolte, sa colère, ses efforts pour donner le change à ses enfants, pour se maintenir dans une illusion de quotidien.

Son récit est sans filtre, bouleversant, drôle parfois, digne et sincère, toujours. Il vous ramène à vos propres deuils. Se tenir droit, ne rien montrer alors qu’autour de vous tout vous semble dérisoire, que vous en voulez aux autres qui continuent leur petite vie, au monde qui continue de tourner. Car si chaque histoire est intime, les sentiments face à un décès sont universels. Le choc, l’incompréhension, la souffrance, la rage, puis enfin l’acceptation.

En refermant le livre, je chialais comme une gosse, je pleurais sur toutes les morts, celle de son frère et celle des miens.

IL Y A de Jean-Jacques Goldman

Il y a
Du thym, de la bruyère
Et des bois de pin
Rien de bien malin

Il y a 
Des ruisseaux, des clairières
Pas de quoi en faire
Un plat de ce coin

Il y a des odeurs de menthe
Et des cheminées
Et des feux dedans

Il y a
Des jours et des nuits lentes
Et l’histoire absente
Banalement

Et loin de tout, loin de moi
C’est là que tu te sens chez toi
De là que tu pars, où tu reviens chaque fois
Et où tout finira

Il y a
Des enfants, des grands-mères
Une petite église
Et un grand café

Il y a
Au fond du cimetière
Des joies, des misères
Et du temps passé

Il y a
Une petite école
Et des bancs de bois
Tout comme autrefois

Il y a
Des images qui collent
Au bout de tes doigts
Et ton cœur qui bat

Et loin de tout, loin de moi
C’est là que tu te sens chez toi
De là que tu pars, où tu reviens chaque fois
Et où tout finira

Et plus la terre est aride, et plus cet amour est grand
Comme un mineur à sa mine, un marin à son océan
Plus la nature est ingrate, avide de sueur et de boue
Parce que l’on a tant besoin que l’on ait besoin de nous
Elle porte les stigmates de leur peine et de leur sang
Comme une mère préfère un peu son plus fragile enfant

Et loin de tout, loin de moi
C’est là que tu te sens chez toi
De là que tu pars, où tu reviens chaque fois
Et où tout finira

UN BON PETIT DIABLE de la Comtesse de Ségur

Qu’est-ce que j’en ai mangé, des livres de la Comtesse de Ségur…

… mais celui qui m’a le plus marquée est, sans conteste, Un Bon Petit Diable.

D’abord, le livre en lui-même. C’était un ouvrage de la bibliothèque rose, usé d’avoir été lu et relu. Je m’imaginais ma mère et ses sœurs, enfants, se caler dans un coin tranquille pour le parcourir. L’idée de lire la même histoire, les mêmes phrases, les mêmes mots, de tourner les mêmes pages que ces femmes, qui avaient été des petites filles, me procurait un plaisir intense. Comme si je mettais mes pas dans les leurs, comme si ça pouvait me faire grandir subitement, comme si j’étais une petite souris ayant le pouvoir de regarder une scène définitivement disparue. Puis la couverture. Une gravure qui montrait une vieille marâtre à l’air cruel admonestant un jeune garçon aux cheveux roux comme le feu et en kilt (le genre d’image qui peut vous foutre une enfance en l’air ! 🥶). Enfin, le titre : un diable pouvait être bon !

Hormis le pitch – un jeune orphelin est recueilli par une vieille cousine lointaine (une vraie salope, oui 🤡) qui lui fait toutes les misères les plus cruelles possible – j’ai tout oublié. Sauf une seule scène qui est resté gravée dans ma mémoire, tellement l’illustration me terrifiait (je précise que j’avais sept ans et, oui, je suis ultra sensible et émotive ! C’est une fille qui pleure devant La Soupe aux Choux qui vous le dit 😩 ) : l’orphelin décide de se venger des multiples brimades subies. Sachant qu’il va recevoir une correction, il se colle un masque de diable sur les fesses. La vieille lui ordonne de se déculotter (pédophile, en plus) pour le fouetter et hurle de terreur à la vision de Satan sur son cul (petite nature 😏).

Chipie un jour, chipie toujours

J’ai toujours eu une tendresse particulière pour la Comtesse de Ségur, car elle représente mes premières fois.

Ma première méchante. Dans mes histoires pour enfants, il y avait toujours des méchants, mais ils étaient tellement caricaturés qu’ils en devenaient rassurants : ces méchants ne pouvaient pas exister dans la vraie vie. Ce livre changeait la donne pour la première fois. Le personnage de Madame Mac’Miche était tout à fait réaliste, loin du loup du Petit Chaperon Rouge ou du vilain sorcier dans Rahan (j’adooooorais Rahan 😍). C’était juste une vieille femme aigrie, avare, méchante et violente. Et ce « juste » faisait toute la différence et rendait son existence possible dans la réalité.

Ma première confrontation à la violence. Son écriture est très concrète et détaillée. Elle n’édulcore pas les scènes difficiles, de châtiments corporels, de brimades. On n’est pas juste face à une fessée un peu forte ou à une bataille contre un dragon. Elle parle de douleur, de cris, de marques, de souffrances infligées à un enfant.

Ma première révélation. Même si son discours est empreint de morale et de charité chrétienne 😇, ses héros sont de vrais chenapans 😈 ! Les enfants sages comme une image n’y font que de la figuration. Elle sanctuarise l’enfance, son droit à l’insouciance, à la légèreté… et aux conneries ! J’avais enfin l’autorisation : c’était écrit noir sur blanc et par une Comtesse, en plus !!!

Mon plus grand échec (Pas mon premier… et pas mon dernier 😫). J’ai essayé de convaincre mes filles de lire ses livres. Tout y est passé : supplications, chantages, cris, châtiments corporels (mais oui, je déconne 🤪). Rien n’y a fait !

Mais je ne lâche JAMAIS l’affaire 😏 et même si elles sont censées avoir passé l’âge, je reviens régulièrement à la charge !


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